Droit de la famille et des personnes vulnérables
Commentaire d'arrêt : Droit de la famille et des personnes vulnérables. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Benoit Lebret • 10 Décembre 2017 • Commentaire d'arrêt • 3 420 Mots (14 Pages) • 606 Vues
Droit de la famille et des personnes vulnérables
Galop d’essai du 31 mars 2017
I. Faire l’analyse de l’arrêt suivant et dégagez en le sens et la valeur
Cass. civ. 1e, 17 octobre 2007, n° 06-20.701
Attendu que M. X... et Mme Y... se sont mariés en 1985 ; que Mme Y..., après avoir travaillé dans le fonds de commerce de son mari, a créé son propre fonds en 1988 ; qu'elle a assigné son mari en divorce pour faute par acte du 4 juillet 2001 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2006) d'avoir prononcé un divorce aux torts partagés, alors, selon le moyen, que lorsque les époux ont des activités concurrentes, l'exercice de ces activités relève des seules règles du droit commercial régissant les rapports entre concurrents ; que ces règles sont étrangères aux règles du droit civil régissant les effets du mariage et les obligations qui en découlent pour chacun des époux ; qu'en se fondant sur les actes de concurrence déloyale que l'époux imputait à sa femme dans la gestion du fonds de commerce dont elle était titulaire pour prononcer le divorce aux torts partagés, les juges du fond ont violé les articles 212, 213 du code civil et l'article 242 du code civil tel qu'applicable en l'espèce ;
Mais attendu que l'arrêt a relevé que Mme Y... avait eu un comportement gravement déloyal envers son mari en adressant une lettre circulaire à la clientèle pour lui indiquer un changement de boutique dans laquelle elle utilisait le nom de son conjoint ; que la cour d'appel, en estimant que ces faits constituaient une violation des devoirs et obligations du mariage et en prononçant en conséquence un divorce aux torts partagés des époux, a fait une exacte application de l'article 242 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts ;
Mais attendu qu'ayant constaté des torts imputables à chacun des époux, les juges du fond ont pu décider qu'ils partageaient, et l'un et l'autre, à parts égales, la responsabilité du divorce et qu'il n'y avait pas lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts fondée sur l'article 1382 du code civil ; que le moyen ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi
Analyse rédigée
Cet arrêt est relatif à la faute conjugale, dans la cadre d’une procédure de divorce pour faute.
Une femme travaille depuis plusieurs années dans le fonds de commerce de son mari. Celle-ci créée par la suite un commerce concurrent et tente de détourner la clientèle de son mari au moyen d'un courrier trompeur.
Elle assigne plus tard, son mari en divorce pour faute. L'épouse qui est la demanderesse en première instance, a probablement assigné son époux défendeur, devant le JAF puisque, en tant que magistrat du TGI, il a une compétence exclusive en matière de divorce, prévue à l'article L.213-3 du COJ.
La cour d'appel de Paris est saisie. Elle rend un arrêt le 28 juin 2006.
Elle décide de prononcer le divorce aux torts partagés des époux.
Elle a relevé que l'épouse avait eu un comportement gravement déloyal envers son mari en adressant une lettre à la clientèle indiquant un changement de boutique, dans laquelle elle utilisait le nom de son conjoint. Ces faits constitueraient, pour la cour d'appel, une violation des devoirs et obligations du mariage. La faute de l'épouse non contestée dans cet arrêt, semble permettre à la cour d'appel de prononcer le divorce aux torts partagés.
Un pourvoi en cassation est formé. L'épouse reprochant à la cour d'appel sa décision («fait grief"), est par conséquent la demanderesse au pourvoi, tandis que son époux est le défendeur.La première chambre civile de la Cour de cassation rend son arrêt le 17 octobre 2007 et rejette le pourvoi formé.
Le pourvoi est fondé sur deux moyens Ce premier moyen semble constitué d'une seule branche.
Pour le pourvoi, lorsque des époux ont des activités commerciales concurrentes, l'exercice de ces activités relève exclusivement du droit commercial et en aucun cas du droit de la famille. Or la cour d'appel s'est fondée sur des actes de concurrence déloyale pour caractériser l'existence d'une faute de l'épouse et prononcer ainsi, le divorce aux torts partagés. Il y a donc pour le pourvoi violation des articles 212,213 et 242 du code civil
En effet, ces articles 212 et 213 C.civ, n'imposent pas l'obligation de se faire une concurrence loyale entre époux. Ainsi, le non-respect de cette obligation de loyauté, ne pouvait pas être considéré comme une faute au sens de l'article 242 du code civil. La cour d'appel a donc eu tort de prononcer le divorce aux torts partagés.
Mais le devoir de loyauté fait partie des devoirs implicites des époux
Sur le second moyen, l’épouse sollicitait l’octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382.
Malgré ces arguments, la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle va contrôler la qualification opérée par la cour d'appel. Elle estime que les juges du fond, en considérant que les faits constituaient une violation des devoirs et obligations du mariage, avaient fait une exacte application de l'article 242 C.civ en prononçant le divorce aux torts partagés.
Sur le second moyen, la Cour de cassation se retranche derrière l’appréciation des juges du fond. Ils ont constaté que les deux époux étaient à l’origine des faits ayant conduit au divorce et qu’il n’y avait pas lieu à accueillir la demande de l’ex-épouse
Le problème juridique posé alors, était de savoir quelles sont les conditions et les conséquences du divorce pour faute ; (la faute cause de divorce et ses effets)
Sens de l'arrêt
Les conditions du divorce pour faute sont définies à l'article 242 du code civil.
Il faut selon la jurisprudence constante, deux conditions cumulatives: Une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligation du mariage imputable à l'un des époux, et que la faute rende intolérable la vie en communauté.
En réalité, on peut décomposer les conditions de l’article 242 en 5 conditions
Une violation des obligations du mariage
Une violation grave ou renouvelée des obligations du mariage
Une violation des obligations du mariage se rattachant au temps du mariage
Une violation des obligations du mariage imputable au conjoint
Une violation des obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune
Se posent alors plusieurs questions pour détailler le raisonnement des juges:
-Existe -il une violation des droits et obligations du mariage ? Les droits et obligations du mariage sont fixés à l'article 212 C.civ, au terme duquel il est précisé que, les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance. Or depuis la loi du 4 avril 2006, l'article 212 C.civ à été modifié pour ajouter la notion de respect. En se livrant à une concurrence déloyale, l'épouse n'aurait donc pas respecté ce devoir général de respect à l'égard de son mari. Il y a donc violation d'un des devoirs du mariage.
-Cette violation est-elle grave ou renouvelée? La motivation concernant cette condition est elliptique. Le fait d'adresser une lettre trompeuse à la clientèle de son mari semble être, pour la Cour de cassation, suffisamment grave pour retenir la faute de l'épouse. Sinon elle n'aurait pas admis que la cour d'appel retienne la faute.
-Une violation se rattachant au temps du mariage : ici les faits reprochés à l’épouse se sont bien déroulés pendant le mariage
-La faute est-elle imputable à son auteur? Il s'agit de l'élément subjectif de la faute . L'arrêt ne s'étend pas sur la question, sans doute car il est évident qu'en agissant ainsi l'épouse avait conscience qu'elle causerait du tort à son époux.
-Enfin cette faute rend-elle intolérable le maintien de la vie commune? Cette condition ne figure pas dans les motifs de la Cour de cassation, elle serait donc implicitement admise.
Pour prononcer le divorce aux torts partagés la cour de cassation va retenir alors que des actes de concurrences déloyales sont un manque de respect constituant une violation grave des devoirs et obligations du mariage fixés par la loi. Pour la Cour de cassation, la cour d'appel a bien motivé sa décision conformément à l'article 242 C.civ .
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