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Droit constitutionnel, TD

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Par   •  2 Février 2019  •  Cours  •  11 398 Mots (46 Pages)  •  610 Vues

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Document n°1 :

Le terme de la « Constitution » fait l’objet de deux définitions antagoniques, l’une normative, l’autre institutionnelle. L’objet du présent article est de comparer historiquement, chacune d’entre elles, et de tenter de montrer que la conception institutionnelle rend mieux compte de la spécificité́ de droit particulier qu’est le droit constitutionnel, droit politique par excellence.

Historique

A l’origine, le mot de constitution qui vient du latin constitutio renvoie tantôt aussi bien à la médecine (où il décrit l’idée d’état, d’ordre ou d’organisation d’un tout) qu’au droit où il désigne à l’origine _ en droit romano-canonique _ les prescriptions émanant de l’empereur. Au fil du temps, il désignera soit des textes pontificaux (en rapport avec le pape), soit les constitutions des ordres monastiques, ou, plus tard, des confréries franc-maçonnes. La riche polysémie du terme lui a permis un usage très extensif. En trois étapes historiques qui s’échelonnent du XVIème au XVIIIème s., ce terme de constitution a acquis une acceptation politico-juridique de droit constitutionnel qui est devenue prédominante depuis les deux Révolutions, américaine et française. Au milieu du XVIIIème, la « Constitution » sans adjectif ou complément, désigne, dans l’esprit du public, la Bulle Unigenitus du pape Clément XI (1713) qui divisa les Jésuites et les Jansénistes. La signification politique et constitutionnaliste du mot fut seulement attestée lexicalement à l’occasion de la réimpression de la grande Encyclopédie de Diderot et d’Alembert en Suisse. Par constitution de l’État (et non pas « Constitution » tout court), on entend « le règlement fondamental qui détermine la manière dont l’autorité́ publique doit être exercée. En elle se voit la forme sous laquelle la nation agit en qualité́ de corps politique » (vol. 11, 1772). Mais c’est seulement depuis les révolutions américaine et française que le mot de Constitution, du moins en France, a acquis son autonomie conceptuelle (Beaud).

Cette autonomie résulte de la fusion des conceptions politique et juridique du mot de constitution antérieurement disjointes. La Constitution devient une notion juridique car elle opère la discrimination entre le légal et l’illégal, (entre ce qui est constitutionnel ou inconstitutionnel), mais elle est aussi une notion politique car elle organise et limite le pouvoir de l’État. Comme l’écrit Niklas Luhmann, « on pense maintenant à la constitution comme un texte juridique qui en même temps fixe la constitution politique d’un État ». Cette autonomie conceptuelle, révélée par l’émergence des premières constitutions écrites _ processus de rationalisation du phénomène _ a rendu possible, au cours du XIXème s., la constitution d’une discipline, le droit constitutionnel. Pour des raisons de place, on se limitera ici _ pour l’essentiel _ à étudier les rapports entre Constitution et droit constitutionnel, tels qu’ils se sont dessines dans la seule orbite de la doctrine française. On voudrait ici attirer l’attention du lecteur sur le paradoxe suivant : la Constitution, notion fondamentale du droit constitutionnel, ne connait pas de définition uniforme dans la doctrine juridique. Pour se limiter à la seule doctrine contemporaine, celle-ci s’accorde à considérer qu’il existe deux conceptions possibles de la Constitution.

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L’actuelle domination de la conception normative de la Constitution

De façon très majoritaire, sinon hégémonique, la doctrine française présente, actuellement, la Constitution comme une norme (ou un ensemble de normes juridiques) dont la qualité́ serait d’être suprême(s). Selon cette conception dite « normative », « une constitution est la loi fondamentale et suprême que se donne une peuple libre » (E.Zoller p.31) ou encore « une charte jurisprudentielle des droits et libertés des citoyens » (D. Rousseau, p.71). Selon une version théoriquement plus sophistiquée d’inspiration post-kelsénienne, la constitution est « une méta-règle, une règle qui organise la production d’autres règles » (Troper, 1992, p. 4). Il faudrait d’ailleurs introduire des nuances dans cette présentation de la doctrine constitutionnelle car il va de soi, pour prendre un exemple, que si Michel Troper relève de cette mouvance, il se distingue clairement de la plupart des auteurs qui y adhèrent en raison de ses vues hétérodoxes sur nombre de questions constitutionnelles (par exemple sur le statut du Conseil constitutionnel, sur son positivisme radical, sur son interprétation « réaliste », de la Constitution). De même et surtout, au sein de ce courant il est fréquent de distinguer deux sens possibles de la Constitution normative ; d’une part, l’acceptation matérielle qui la définit par le contenant des normes lui appartenant et dans ce cas, dit-on, les règles de la Constitution régissent l’organisation des pouvoirs publics et/ou protègent les libertés publiques. En ce sens, par exemple, elle désigne « l’ensemble des grands principes qui régissent l’organisation de l’Etat » (Barthélémy, Duez, 1926, p. 187). D’autre part la Constitution au sens formel permet d’isoler des normes comme constitutionnelles dans la mesure où elles sont édictées ou modifiées suivant une certaine procédure. Autrement dit, la Constitution était analysée comme une loi spéciale, une loi constitutionnelle qui se distingue de la loi ordinaire, par le seul et unique fait qu’elle était modifiée selon une procédure particulière (critère formel de la révision), dont l’aménagement permettait de qualifier le type de Constitution (rigide ou souple selon les cas). Mais il semble que les tenants d’une conception normative ont de plus en plus tendance à considérer que le véritable critère d’appartenance formelle à la Constitution provient de ce qu’une norme inscrite dans une Constitution écrite soit « appliquée », c’est-à-dire sanctionnée par le juge. Le critère de la reconnaissance juridictionnelle serait en train de remplacer le critère de la révision, ce qui suppose _ et certain ont franchi ce pas _ de considérer le juge comme un acteur constitutionnel en vertu de son pouvoir prétorien de création de normes juridiques (O. Cayla). D’une manière générale, l’acceptation formelle recueille la grande majorité des suffrages de la doctrine qui adhère à cette vision normative de la Constitution. Quoi qu’il en soit, cette conception « normative » implique évidemment le rejet de l’autre conception, classique (au sens de la doctrine constitutionnelle classique) dite «conception descriptive de la Constitution » (Zoller, p.12) qui perçoit la Constitution comme un régime politique, ou comme un système de gouvernement et qu’on entend disqualifier en la qualifiant de « concept politique de Constitution » (Pfersmann, in Favoreu, p. 73) par opposition _ évidemment _ au « concept juridique de Constitution » (que représenterait la conception normative). Pour rendre compte à quel point, cette conception « normative » est devenue dominante, on se bornera à évoquer un épisode assez récent de l’histoire de la discipline du droit constitutionnel qui est la manière dont la doctrine française a « reçu » la Théorie de la Constitution de Carl Schmitt (1928) ouvrage qui traduit en 1993, et qui expose, presque dans sa pureté, la

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