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Commentaire de Texte- Jules Grévy

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Par   •  7 Avril 2020  •  Commentaire de texte  •  2 685 Mots (11 Pages)  •  4 796 Vues

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Droit Constitutionnel- Commentaire de texte

Intervention de Jules Grévy devant l’Assemblée. Séance du 6 octobre 1848

        « Il aura donc la force matérielle dont disposait l’ancien roi, et il aura de plus une force morale prodigieuse. ». C’est par ces mots que Jules Grévy dépeint la nouvelle fonction présidentielle, souhaité par une majorité de constituants, lors de la séance du 6 octobre 1848 de l’Assemblée Constituante. S’opposant catégoriquement à la légitimation du pouvoir d’une personne qui se trouverait placée au dessus de tout, Jules Grévy

        Peu de temps après la chute de la Monarchie de Juillet, la IIe République est proclamée. Dès lors, une Assemblée Constituante est élue et un gouvernement provisoire se met en place. Cette Assemblée crée un Comité de Constitution, chargé de préparer un projet de Constitution pour la nouvelle République. S’inspirant du modèle américain de l’époque, le Comité prévoit de confier le pouvoir exécutif à un Président de la République, cumulant à la fois les fonctions de chef d’Etat et de chef du gouvernement. Jules Grévy, à cette époque jeune républicain ayant été commissaire de la République puis membre de l’Assemblée Constituante de 1848, prend part aux débats sur l’élaboration de la nouvelle Constitution et est hostile à la création de ce nouveau titre de Président de la République. Il propose donc un amendement par lequel il souhaite que le pouvoir exécutif soit délégué de l’Assemblée Nationale à un président du Conseil des ministres, responsable devant le Parlement. Afin de défendre cet amendement, son auteur énonce un discours lors de la Séance du 6 octobre 1848, dans lequel il énonce les raisons pour lesquelles le titre de Président de la République est redoutable

        Ce discours porte en lui-même un intérêt significatif, dans la mesure où, instaurant un régime à quelques points près, semblable à celui des Etats-Unis, la Constitution de 1848 ne donnerait-elle pas un pouvoir trop important au Président de la République ? Ce texte peut donc encore trouver un écho dans notre époque contemporaine, lorsque Jules Grévy décrit notamment un pouvoir exécutif qu’il juge « redoutable ».

        Dès lors, Jules Grévy invite son auditoire à se demander pour quelles raisons ce nouveau pouvoir exécutif serait redoutable ?

        Dans le premier temps de son discours, Jules Grévy expose ses craintes quant à ce nouveau titre, en décrivant le Président de la République comme démesurément puissant (I). Puis, il affirme par la suite que le mandat présidentiel, certes limitant le pouvoir conféré, ne pourrait empêcher qu’une quelque entrave soit faite à la liberté. (II)

I/La critique d’un président de la République démesurément puissant

        Dans ses dires, Jules Grévy décrit deux « forces » dont dispose le Président de la République. L’une, décrite comme « matérielle », est comparable à celle qui fut conférée à l’ancien roi, Louis Philippe (A), tandis que l’autre, « morale », est issue du suffrage universel, consacrée par le nouvelle Constitution, qui confère au Président de la République une puissante légitimité populaire (B)

A. Disposant de la même « force matérielle » que l’ancien roi

L’auteur explique tout d’abord que « Le Président de la République a tous les pouvoirs de la royauté ». Par ces mots, Jules Grévy fait référence au fait que la nouvelle Constitution souhaite doter du Président de la République, un nombre important de prérogatives, et selon lui, comparables a ceux dont disposait le roi sous le régime précédant, la Monarchie de Juillet. L’auteur souhaite ici en réalité mettre en évidence le fait que, quant bien même ses contradicteurs souhaiteraient mettre en place un « régime démocratique », les pouvoirs qu’ils confèrent à ce nouveau Président de la République sont semblables à ceux dont disposait l’ancien roi. De plus, ce rapprochement peut être affirmé par le fait que le Président de la République est le seul détenteur du pouvoir exécutif. Par conséquent, l’on pourrait s’aventurer plus loin dans cette démarche, en laissant supposer que Jules Grévy affirmait implicitement que la seule différence entre ces deux fonctions, fut le nom que l’on leur a accordé.

Jules Grévy décrit par la suite les différents pouvoirs dont dispose ce nouveau Président, en expliquant qu’il « dispose de la force armée ; il nomme aux emplois civils et militaires ; il dispense toutes les faveurs ; il a tous les moyens d’actions, toutes les forces actives qu’avait le dernier roi ». En prononçant ces paroles, Jules Grévy souhaite mettre en garde contre le fait que cette nouvelle fonction est dotée en réalité de tous les pouvoirs habituellement administratifs, comme le fait qu’il a par exemple le pouvoir de nommer les emplois civils et militaires. L’auteur de ce discours explique également que la nouvelle fonction dispose « de tous les moyens d’actions », ce qui montre bel et bien un pouvoir beaucoup trop important accordé à une seule personne. Cette longue liste de prérogatives accordées permet de mettre en évidence le fait que le pouvoir exécutif est excessivement concentré, et que par conséquent le Président de la République dispose d’une mainmise potentiellement dangereuse sur le pouvoir administratif, tout comme le disposait l’ancien roi de la Monarchie de Juillet.

La comparaison qu’effectue ici Jules Grévy, en s’appuyant sur les prérogatives dont dispose le nouveau pouvoir exécutif et celles que l’ancien possédait, est très forte, et elle l’est encore plus lorsque plus tard dans son discours, l’auteur compare la fonction présidentielle à un « trône ».. Mais quand bien même l’ancien roi disposait d’autant de pouvoirs, celui-ci ne tirait pas sa légitimité du peuple, contrairement à la nouvelle fonction que la Constitution de 1848 souhaitait instaurer par le suffrage universel masculin, et que Jules Grévy décrit par la suite comme étant la source d’une puissance excessive.

B. Un président possédant une nouvelle « force morale prodigieuse »

        Jules Grévy décrit tout d’abord la source de cette « force morale » par l’effectivité du suffrage universel, « Mais ce que n’avait pas le roi, et ce qui mettra le Président de la République dans une position bien autrement formidable, c’est qu’il sera l’élu du suffrage universel. ». La Constitution de 1848 prévoyait donc que le pouvoir exécutif tirerait directement sa légitimité du peuple par le biais d’un suffrage. Une nouvelle fois, l’auteur fait un parallèle avec l’ancien roi, en expliquant que celui-ci, qui ne tirait sa légitimité ni du peuple, ni de la volonté de Dieu, pouvait ne pas faire l’unanimité au sein de l’opinion publique. Mais en accordant le suffrage universel, qui était à cette époque uniquement réservé aux Hommes, au Président de la République, sa fonction serait dès lors légitimée par la volonté du peuple, ce que Jules Grévy met en garde en employant ironiquement le mot « formidable » pour décrire la position dont il serait investie, et qui serait dans ce cas présent plutôt synonyme de « redoutable ».

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