Le témoignage de Pomponius sur la juris prudentia et le jus respondendi – Commentaire de texte.
Commentaire de texte : Le témoignage de Pomponius sur la juris prudentia et le jus respondendi – Commentaire de texte.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar shamalo • 7 Décembre 2016 • Commentaire de texte • 3 140 Mots (13 Pages) • 3 137 Vues
L’Enchiridion (traduit de ce nom latin d’origine Enchiridium) ou Histoire du droit romain est un manuel d’introduction au droit consacré à l’exposé historique des origines et du développement des sources juridiques romaines, des magistratures et de la jurisprudence romaine depuis les débuts de Rome jusqu’à l’époque de Julien ( id est début et moitié du Ier siècle ap. J.-C., codificateur de l’Edictum praetoris et auteur d’un Digeste reconnu par ses contemporains pour son style classique, clair et élégant). Contenant l’origine et les progrès du droit, de la magistrature et la succession des Prudens, l’Enchiridium constitue d’ailleurs la seule histoire du droit romain écrite par un jurisconsulte que nous possédions. Le texte d’histoire du droit qui nous est proposé de commenter provient de l’Enchiridium, œuvre du jurisconsulte et historien romain Sextus Pomponius mais qui est ici compilée dans le Digeste recueil méthodique (de cinquante livres subdivisés en titres) des opinions et sentences des juristes romains publiées sur l'ordre de l'empereur Justinien au VIème siècle. Les auteurs du Digeste le publièrent en le plaçant au Titre II du Livre 1er sous la thématique : « De l’origine du droit et de toutes les magistratures » car Pomponius y avait fait là son témoignage sur la juris prudentia et le jus respondendi, droit correspondant à la délivrance par l’autorité impériale elle-même à certains juristes d’une sorte de brevet permettant de délivrer des consultations juridiques pouvant être produites en justices, c’est-à-dire que les juristes acquièrent le droit de répondre à des question de droit et leurs réponses ont un caractère obligatoire et officiel. Ayant vécu lors du milieu du IIème siècle ap. J.-C. sous les règnes d’Hadrien (117-138), Antoine le Pieux (138-161) et Marc-Aurèle (161-180), Pomponius n’occupait pas de charge officielle et ne produisit guère de responsa, sa fonction reposait plutôt sur l’enseignement et la science du droit. Toutefois, ce n’est pas pour autant que son œuvre doit être abordée au second plan ; bien au contraire, il prouva sa connaissance approfondie des droits préclassique et classique, savoir d’ailleurs reconnu par les auteurs jurisconsultes du Digeste et des Institutes du Corpus juris civilis qui le citèrent à répétition. Sans dénigrer l’œuvre-monument que constitue le Digeste, il convient d’aborder ici le contexte dans lequel Pomponius a rédigé l’Enchiridium.
Le jurisconsulte et historien romain écrivit au IIème siècle c’est-à-dire lors de l’époque classique, période longue de deux siècles ou pax romana et développement d’un droit nouveau coexistaient. Siècle ou Rome s’ouvre et s’étend, il s’agit aussi de la période la plus féconde pour le droit romain, il n’en est pas moins que la jurisprudence exerce librement. En revanche, il faut distinguer la juris prudentia contemporaine au jurisconsulte romain comme une jurisprudence qui a tous les traits de notre doctrine actuelle ; seulement, en ces temps la doctrine subsistait inexistante.
Plus particulièrement, et la réussite de notre analyse en dépend, il faut savoir l’extrait porte sur des changements historico-politiques et doctrinaux intrinsèquement lié à une mutation et à une avancée du droit. En effet, si la doctrine subsistait quasi inexistante jusque-là, les Lois des XII Tables vinrent au début de la République (509 av. J.-C.), en 451-450 av. J.-C. s’élever tel le premier monument législatif dont l’existence historique demeure incontestée. Aussi aborde-t-il la période qui suit leur publication, c’est-à-dire les répercussions qu’a eu le passage d’un droit oral (id est le jus) à un droit écrit, la mise par écrit des coutumes. Pomponius s’intéresse spécifiquement à l’accueil des lois par la juris prudentia puis il aborde un autre tournant du droit romain lequel est le passage de la fin de la République au début de l’Empire et plus précisément du Haut Empire (27 av. J.-C.-fin du IIIème siècle) de sorte qu’il s’intéressera à l’époque précise du sacre d’Octave qui devient l’empereur Auguste et la création en faveur de certains jurisconsultes du « droit de répondre en public » plus connu sous son vocable latin jus publice respondendi, jusqu’au règne d’Hadrien — et à ses conséquences – période essentielle pour l’histoire du droit où la législation et l’autorité de l’empereur deviennent sources fondamentales de droit et où les principaux jurisconsultes deviennent des proche du prince (au sens du princeps).
Dans quelles mesure les Prudents ont-ils acquis leur autorité juridique laquelle coïncidait et résultait de l’éclosion d’une nouvelle source fondamentale du droit voire d’une inaccoutumée approche au droit. Si la Loi des XII Tables apportèrent un sursaut de l’intellect juridique de la juris prudentia qui n’était pas distinguée du reste du droit civil (I), la juris prudencia s’affirma lors d’une période essentielle pour l’histoire du droit en tant que source du droit à part entière lorsque le jus respondendi est apparu tel un privilège accordé aux Prudents dans une époque où la législation et l’autorité impériale deviennent la source fondamentale du droit (II).
I/ De la Lois des XII Tables, le passage du jus à un droit écrit, à une nouvelle approche de la juris prudentia au droit et à la science du droit, puis à l’émergence d’une source du droit.
L’écriture de la Loi des XII Tables entraîne un passage d’un droit oral à un droit écrit. La juris prudentia a accueilli un nouveau rapport au droit, s’est révélée en rendant public le fait d’étudier la science du droit et de l’enseigner lorsque la tradition la tenait de garder un tel travail secret en se consacrant uniquement à la consultation.
- Une distinction inexistante entre la juris prudentia et le reste du droit civil et les limites de l’autorité de la juris prudentia
- De l’origine du droit écrit selon Pomponius
Selon l'historien du droit Aldo Schiavone, « si nous devons aux Grecs la naissance du « politique », nous devons aux Romains celle du « juridique ». Sextus Pomponius évince dès son entrée en matière la contingence de l’étude de l’origine du droit et de ses évolutions. Aussi énonce-t-il que « Nous croyons ainsi nécessaire de traiter des origines du droit et de son développement ». Dès lors, c’est l’historien qui parle en Pomponius et il tend à rendre indubitable la nécessité de remonter à « l’origine du droit et de toutes les magistratures » comme l’indique habilement le sous-titre du Digeste. L’auteur va par une analogie implicite déterminer l’origine du droit romain, considéré aujourd’hui comme le premier système juridique de l'histoire. En effet, sans lien logique aucun, il débute une nouvelle phrase en évoquant « Ces lois [des XII Tables] ayant été rendues publiques ». D’ailleurs, l’implicite était d’autant plus présent dans les propos de Pomponius de sorte que c’est par soucis de compréhension que le traducteur Gaudemet a rajouté l’entre-crochet. C’est notamment sous l’impulsion des plébéiens qui étaient à la recherche de plus de transparence du droit (jusqu’alors adapté aux patriciens) que le droit romain passe de la forme orale caractéristique de la coutume à un droit écrit. Ces tables viennent fixer par écrit la plus ancienne source du jus civile (« droit des citoyens »), fondement du droit romain (jus) reposant sur la coutume. Dès lors, ces lois apparaissent telle la ou du moins une source du droit, et qui plus est du droit écrit, selon le jurisconsulte.
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