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DROIT: ADMIN

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Par   •  30 Mars 2016  •  Commentaire d'arrêt  •  2 294 Mots (10 Pages)  •  2 536 Vues

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COMMENTAIRE TC 17 juin 2013 BERGOEND C. SOCIETE ERDF ANNECY LEMAN

Avec une étrange régularité, depuis son invention au XIXème siècle dans un arrêt du 21 septembre 1827 du Conseil d’Etat « Rousseau », la doctrine publiciste sonne en quelque sorte un déclin de la voie de fait  avant de proclamer peu après son renouveau par une définition quelque peu restrictive.

Il s’agit donc d’un arrêt en date du 17 juin 2013 du tribunal des conflits opposant un particulier « Bergoend » et la société ERDF Annecy Léman.  En l’espèce, le particulier est devenu propriétaire d’une parcelle sur laquelle la société opposante au litige avait implanté antérieurement un poteau électrique sans se conformer à la procédure légale et sans conclure de convention avec le propriétaire du terrain. Celui-ci assigne donc la société ERDF en justice afin que soit ordonné le déplacement du poteau litigieux sous astreinte aux frais de la société.

Dans des mémoires respectives, les parties ont présenté leurs prétentions : le propriétaire considère que la juridiction judiciaire doit être déclarée compétente au litige constituant une voie de fait. La société opposante considère que la juridiction administrative est compétente et qu’aucune voie de fait ne peut être caractérisée.

Le Tribunal de grande instance, par un jugement du 21 janvier 2011, a décliné sa compétence. Le requérant fait donc appel de la décision et la Cour d’Appel de Chambéry, par un arrêt du 6 octobre 2011, a également jugé que la juridiction judiciaire était incompétente pour faire droit au litige engagé.

Critiquant cet argumentaire, l’intéressé se pourvoit en cassation.

La Cour de Cassation renvoi alors au tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence dans ce litige :

Quelles sont les conséquences de la nouvelle définition de la voie de fait sur la répartition traditionnelle des compétences en matière d’emprise irrégulière ?

Le Tribunal des Conflits donne droit à la société et statue dans son article 1er, que la juridiction administrative est compétente dans ce litige, puisque cela relève de sa compétence « par nature ». Elle juge de façon contestable que le pouvoir dont dispose la société de répondre à une mission d’ordre public, n’aboutit pas à l’extinction d’un droit de propriété, et que l’espèce ne saurait être qualifiée de « voie de fait ». Elle qualifie en effet cette implantation comme ayant un caractère « d’ouvrage public ».                                                                                                                                                                               Cet arrêt du 17 juin 2013 constitue également la première occasion pour le tribunal des conflits de  réexaminer les contours de la notion de voie de fait. Le juge définit, dans cet arrêt de principe, de façon plus restrictive une nouvelle définition de cette théorie jurisprudentielle. Par quatre amendements rédactionnels, il procède à un véritable bouleversement théorique et pratique de la voie de fait. En revanche, d’une part il accentue la banalisation de son régime procédural esquissée avec l’arrêt  « Commune de Chirongui » en délimitant l’office du juge judiciaire désormais largement concurrencé par celui du juge administratif. D’autre part, il la vide de sa substance en la recentrant sur les seules notions de « liberté individuelle »  et d’« extinction d’un droit de propriété ».

Il résulte de cette décision que l’implantation irrégulière d’un ouvrage public ne s’analyse pas comme une voie de fait, mais comme une emprise irrégulière, justifiant la compétence du juge administratif pour ordonner le déplacement du poteau litigieux.

Nous étudierons dans un première partie, en quoi cet arrêt pose un nouveau principe jurisprudentiel de la théorie de la voie de fait (I), puis nous démontrerons que cela entraine une nouvelle répartition des compétences au profit du juge administratif. (II)

  1. Une définition restrictive de la voie de fait 

Le Tribunal des Conflits dans cette décision montre sa volonté de ne pas abandonner la voie de fait comme critère de répartition jurisprudentielle, quitte à établir même un régime plus complexe et strict.


A. La gravité de l’atteinte causée par l’administration : une conservation de la forme de « voie de fait »

En effet, dans cet arrêt, une certaine forme de voie de fait est maintenue.  Cette théorie jurisprudentielle illustre l’idée que les juridictions judiciaires jouissent en la matière d’une compétence privilégiée. Il y a voie de fait lorsque deux conditions cumulatives sont réunies : il faut que l’administration soit manifestement sortie de ses attributions, soit parce que la décision est manifestement insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir appartement à l’administration, soit parce que l’administration a procédé dans des conditions irrégulières à l’exécution forcée d’une décision même légale.  La voie de fait a été interprétée comme tenant à la circonstance que l’administration a agi en dehors des pouvoirs dont elle est investie, que ce soit en exécutant une décision ou du fait de la décision administrative elle-même.                                                                                               La jurisprudence antérieure n’avait pas précisé le fait générateur de la voie de fait, dans cet espèce, le Tribunal des conflits juge que « l’implantation, même sans titre, d’un ouvrage public sur le terrain d’une personne privée ne procède pas d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’administration. » Le Tribunal des conflits se refuse alors à reconnaitre la compétence judiciaire écartant ainsi en l’espèce, l’application de la voie de fait, il n’abandonne pas pour autant son critère principal de détermination.

La nature principale de la voie de fait est interprétée comme « résultant d’une atteinte, qui par sa gravité, ne peut être rattachée à un pouvoir légalement reconnu par l’administration » selon l’arrêt « Barinstein » du Conseil d’Etat. Depuis l’instauration d’un référé liberté, deux sortes d’atteintes graves à une liberté fondamentale commises par l’administration sont distinguées : celles qui relèvent d’une illégalité manifeste impliquant la compétence du juge du référé liberté, et celles qui procèdent d’une mesure insusceptible de se rattacher aux pouvoirs de l’administration et qui, engagent la compétence du juge judiciaire. Cette distinction a été remise en cause au profit de l’élargissement des compétences du juge du référé.  Le juge administratif a alors ajusté son contrôle dans le but d’une protection harmonisée des libertés fondamentales.

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