LA REGLE DE DROIT CAS
TD : LA REGLE DE DROIT CAS. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar lilo69 • 22 Septembre 2016 • TD • 19 873 Mots (80 Pages) • 1 065 Vues
ANNEE UNIVERSITAIRE 2016-2017
Grands principes du droit privé
Cours de Monsieur L. DRAI
SEANCE 1 : LA REGLE DE DROIT
Documents :
- P. Malaurie, « La bible et le Droit », RTD Civ. 2000, p. 525.
- N. Dion, « Le juge et le désir du juste », D. 1999, Chron., p. 195.
- N. Molfessis, « L’équité n’est pas une source du Droit », RTD Civ. 1998, p. 221.
- R. Martin, « Aller-retour de Kelsen à Aristote », RTD Civ. 1997, p. 387.
- Nouveau Testament, Épître de Saint Paul, Première à Timothée, 1, 8-9
Pour chacun des documents, les étudiants dégageront :
- l’idée dominante du texte ;
- les idées accessoires ;
- la démarche de l’auteur.
A l’aide des documents et de leurs connaissances, les étudiants répondront à la question suivante :
« Les lois injustes sont-elles des lois ? »
La Bible et le droit
A travers cinquante ans d'enseignement du droit civil
par Philippe Malaurie Professeur émérite à l'Université de Panthéon-Assas (Paris II)
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1. Jubilé, libération et droit. Les catholiques célèbrent en cet an 2000 une année jubilaire. Pour la Bible, l'année jubilaire est celle du grand affranchissement. C'est, par exemple, ce que dit le Lévitique : « vous proclamerez l'affranchissement de tous les habitants du pays. Ce sera pour vous un jubilé. Chacun de vous rentrera dans son patrimoine, chacun de vous retournera dans son clan » : les esclaves et les débiteurs seront libérés, la terre chômera. Le jubilé libère : il est la fête de la liberté.
Telle est l'hypothèse que je propose. Le droit - dans la Bible et dans toute vraie règle de droit - assure la liberté ; il aide à la libération de l'homme ; il peut donc être notre jubilé. N'ayons pourtant pas d'illusions ; il a été, est et demeurera aussi un instrument d'oppression, la mort de l'humanisme, l'anti jubilé. Ne croyons pas non plus que la liberté soit toujours un bien en soi : l'absence de règles contraignantes est tout autant destructrice que le droit oppresseur ; la Bible ne cesse de montrer les périls et les dévoiements auxquels conduit le refus délibéré des cadres institutionnels, sous le couvert d'une complète union à Dieu ou d'une liberté sans rivages.
Pour parvenir à la vraie liberté, il y a une place pour le droit, quand il est juste ; il en existe une autre pour la révolte, quand il est injuste ; il y en a aussi une autre pour la conscience, quand elle est droite et éclairée ; précisément, notre Conseil constitutionnel a décidé que la liberté de conscience était « l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », ce qui, curieusement, rappelle le « sanctuaire de la conscience » auquel se réfère le concile de Vatican II.
Le droit a deux visages, le meilleur et le pire, contradiction qui lui est congénitale parce qu'elle exprime la dualité de la condition humaine. Elle est constante dans l'histoire et, notamment dans la compréhension que la Bible se fait du droit. Ce sont les conflits qui progressivement font naître le droit, c'est de l'injustice que vient la justice, c'est aussi de la rigueur légale que naissent la compassion et la grâce. On ne peut se passer ni de conflits, ni de droit, ni de compassion ; ni de lois, ni de grâce.
2. Un témoignage. Il faut un grand aplomb pour parler, en quelques pages, des rapports entre la Bible et le droit. D'abord à cause de la grandeur et de la beauté de la plupart de ses textes et on a du mal à en parler avec le même esprit critique que pour expliquer une règle de droit. Et puis, le sujet est immense et difficile.
Aussi faut-il le limiter. Une première ligne est facile à tracer. Il n'y a jamais eu en France de réception juridique de la Bible, au sens où ont été reçus le droit romain dans l'Allemagne des XIVe-XVe siècle, ou le code civil suisse dans la Turquie d'Ataturk après la première guerre mondiale. La France n'en a pas même eu la tentation - sauf au XVIIIe siècle d'éphémères velléités protestantes - à la différence de la Grande-Bretagne et de la Nouvelle-Angleterre. La Bible n'a jamais constitué notre droit positif. Ce n'est pas en termes de sources du droit, tout au moins de sources directes, que s'établissent ses rapports avec le droit.
La deuxième limite est plus difficile. Je n'examinerai pas l'influence que la Bible a exercée sur notre droit ; mais cette exclusion est impossible. L'idéal biblique a en effet dominé le droit de notre ancienne France et demeure, malgré la sécularisation et la laïcité que notre droit connaît depuis la Révolution et le code civil. Si technique et matérialiste qu'il soit devenu, il est, comme tous les systèmes juridiques, dominé par un idéalisme ; pendant des siècles, le christianisme et donc la Bible l'ont imprégné : une partie de notre héritage juridique est biblique plus ou moins consciemment.
Mon propos sera plus modeste et plus subjectif. J'examinerai les rapports entre le droit et la Bible en évoquant mon expérience personnelle, celle d'un professeur qui a enseigné le droit français pendant près de cinquante ans. Quelles lumières la Bible m'a-t-elle apportées sur le droit ?
A première vue, ces rapports n'ont guère de sens. D'abord, parce que la signification politique et scientifique de la Bible serait en l'an 2000 anachronique et qu'un juriste attaché au monde contemporain perdrait son temps à la lire. Puis, parce que la Bible est la parole de Dieu qui n'a, semble-t-il, rien à voir avec un droit laïque et sécularisé comme le nôtre. J'ai surmonté ces objections que je vais rapidement évoquer, pour m'attacher ensuite aux trois vraies difficultés que j'ai rencontrées : la complexité, la contradiction et le mélange d'intemporalité et d'histoire que constitue la Bible.
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