La jurisprudence est-elle source de droit?
Commentaire de texte : La jurisprudence est-elle source de droit?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mrw_dhn • 15 Octobre 2022 • Commentaire de texte • 1 644 Mots (7 Pages) • 366 Vues
Dissertation
La jurisprudence est-elle source de droit?
Entre 1778 et 1858, Joseph Marie Portalis, auteur du Code civil, déclare « On ne peut pas plus se passer de jurisprudence que de lois ». La loi est considérée comme la première source de droit (droit objectif), elle est essentielle au droit puisqu’elle désigne l’ensemble des règles générales et impersonnelles, de droit écrit. Or, la loi n’est pas la seule source de droit. En effet, comme l’explique Portalis en mettant sur un même pied d’égalité loi et jurisprudence, la jurisprudence est tout aussi importante, elle constitue pour sa part une source de droit oral.
Sous l’ancien régime c’était le parlement qui rendait des décisions judiciaires au niveau du droit, ces arrêts de règlements rendu par le parlement édicté des texte de loi qui s’imposait à tous sans distinction. Ainsi le pouvoir juridictionnel à cette époque revenait à la possibilité pour le roi d’édicter la loi seul, en d’autres termes, tous les pouvoirs étaient concentrés dans les mains d’un seul homme : le roi. Toutefois il est totalement utopique de penser que l’homme peut s’imaginer toutes les situations juridiques possibles. D'où l'existence de la jurisprudence, la jurisprudence est naissante lorsqu’il y a un vide législatif, et que, pour éviter un vide juridique, on demande à une juridiction suprême de dire le droit.
Le concept de jurisprudence est assez complexe à définir, nous retiendrons ici la définition du dictionnaire juridique de Dalloz qui définit, au sens large, la jurisprudence comme l'ensemble des décisions de justices rendues pendant une certaine période dans un domaine du droit ou dans l’ensemble du droit et dans un sens plus restreint, comme l’ensemble des décisions concordantes rendues par les juridictions sur une même question de droit.
Ainsi, la Jurisprudence est appelée source de Droit, mais c’est une source qui comporte des limites, elle va parfois à l'encontre des principes révolutionnaires du législateur souverain et confère aux juges la possibilité de créer la Loi. De ce fait, la jurisprudence est extrêmement controversée en France, et il en résulte de nombreux conflits entre le législateur et le juge.
Nous nous demanderons ainsi si la jurisprudence a réellement sa place dans les sources de droit en France. Il conviendra d’abord, dans une première partie, de constater que la jurisprudence est une source de droit controversée, avant de s'intéresser dans une seconde partie à ses avantages et inconvénients.
I/ Une source de droit qui fait débat
De nos jours en France, la jurisprudence est, certes, considérée comme source de droit mais elle fait également l’objet de multiples controverses.
- La jurisprudence en France
Lorsqu’il y a un vide législatif, c’est à dire, un vide de loi, il ne peut y avoir de vide juridique, c’est-à-dire un vide de droit, on fait appel à une juridiction suprême pour dire le droit, la jurisprudence est alors naissante. La jurisprudence c’est également l'interprétation de la règle de Droit par le juge, par l'intermédiaire des arrêts de principe. Les arrêts de principes interprètent un texte de Loi. Ils forment ainsi une jurisprudence qui sera alors une source de droit pour résoudre un litige similaire dans le futur. Il arrive cependant que le juge aille plus loin. Lorsque la Cour de cassation veut établir une règle de Droit, elle réunit l'assemblée plénière constituée des trois chambres civiles afin d’apposer son autorité et sa légitimité. Elle dicte alors une règle jurisprudentielle, qui tiendra lieu de règle de Droit. C'est le cas par exemple de l'arrêt Perruche : A la suite d'une erreur de diagnostic, un enfant était né avec des malformations graves et le jeune Perruche par ses parents demandait une indemnisation du fait de sa naissance handicapée. Dans un premier temps, elle a accepté de l'indemniser car la faute venait du médecin. Non seulement cet arrêt ne repose sur aucun texte mais il admet une réparation dans un cas où le préjudice est absolument impossible à chiffrer. Cette pratique révèle une réalité juridique qui s'éloigne de l'idéal révolutionnaire du législateur souverain. Les juridictions européennes ne se gênent pas pour prendre des arrêts « proprio motus », on les appelle les arrêts « Dire pour Droit ». Ce sont des arrêts dans lesquels une cour européenne décide en dehors de tout litige de poser une règle de Droit relative par exemple au fonctionnement des institutions européennes). Ils constituent un véritable acte législatif allant à l'encontre de la notion de législateur souverain. En effet, les arrêts de règlement datent de l'Ancien Régime. Ils étaient soit rendus «Inter Partes», c'est-à-dire à l'occasion d'un litige, soit en dehors de tout contentieux, c'est-à-dire « Proprio motu ».
- Conflits entre juge et législateur
Il faut bien distinguer le terme loi du terme jurisprudence, tous deux sont sources de droit mais l’une est écrite, alors que l’autre est oral. Après la Révolution, les révolutionnaires ont voulu raser les institutions de l'Ancien Régime, ainsi que le jugement arbitraire des juges qui pouvaient « Dire la Loi » afin de pallier de l'insécurité juridique qui en résultait. Les rédacteurs du Code civil ont donc créé l'article 5 stipulant : « qu'il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises. » Cet article interdit donc les arrêts de règlement qui avaient cours dans l'ancien régime. Malgré cela, le juge conserve son rôle d'interprète de la Loi en vertu de l'article 4 du Code civil : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence ou de l'obscurité de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » Ainsi, le juge est obligé d'interpréter la loi, et selon les diverses interprétations, il découle de véritables sources de droit jurisprudentiel. Le juge devient alors «Le législateur des cas particuliers » Selon Ripert. La loi anti-Perruche est un bon exemple de réponse violente du législateur s'opposant à la jurisprudence des juges. En pratique, force est de constater que les juges rechignent à appliquer la nouvelle règle de Droit, jouant sur ses limites, et appliquant la jurisprudence perruche dès que possible. En réalité, ils ne l'appliquent quasiment pas. Lorsqu'un arrêt est rendu par la Cour de cassation, Il peut y avoir une résistance des juges du fond. Les juges d'appel de première instance refusent de se plier à la vision des choses de la Cour suprême. Leurs arrêts sont alors tous cassés les uns après les autres, mais ça nuit à l'autorité de la règle jurisprudentielle. C'est pour cela que la Cour de cassation se voit obligée de se réunir en assemblée plénière afin d'imposer sa vision des choses aux juges de fond. Malgré tout, force est de constater que la règle jurisprudentielle conserve sa nature de source de Droit ayant ses avantages et ses inconvénients.
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