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Explication linéaire la rencontre au bal de la princesse de Clèves

Étude de cas : Explication linéaire la rencontre au bal de la princesse de Clèves. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  9 Mai 2021  •  Étude de cas  •  3 360 Mots (14 Pages)  •  4 062 Vues

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Explication linéaire texte N°7 : la scène du bal dans La Princesse de Clèves

Eléments d’introduction : Il s’agit de la 2e scène du roman symétrique à la rencontre de l’héroïne avec Monsieur de Clèves , double intérêt :

  • Sur le plan dramatique la symétrie est inversée : la 1ere scène était marquée par un coup de foudre non réciproque, alors que dans cette scène le coup de foudre est réciproque mais « interdit » ( car hors mariage) .
  • Sur le plan symbolique ( ou métaphorique ), on retrouve un jeu de symétrie antithétique puisque l’épisode du mariage entre M. de Clèves et Mme de Clèves n’est traité qu’en quelques lignes malgré le rang aristocratique des deux protagonistes, alors que cette scène de bal est longuement traitée ; par ailleurs les fiançailles historiques de Claude de France et de François Ier ne sont pas mises en scène par la narratrice qui préfère se focaliser sur les « fiançailles » métaphoriques entre la princesse de Clèves et le duc de Nemours

Composition du texte :                                                                                                                                            1) la rencontre au bal de M ; de Nemours et de Mme de Clèves                                                                             2) la réaction de l’entourage                                                                                                                                        3) la perspicacité de l’entourage  la reine dauphine, le chevalier de Guise, Mme de Chartres)  

Projet de lecture : Comment la narratrice met-elle en scène un événement fondateur du parcours individuel de la princesse placé sous la contrainte sociale et morale de son temps ?

  1. Les conditions de préparation de la rencontre :
  • La préparation de la princesse « Elle passa tout le jour des fiançailles chez elle à se parer , pour se trouver le soir au bal et au festin royal qui se faisaient au Louvre. » La 1ere phrase nous informe de la situation en nous plongeant directement dans l’intrigue par l’emploi du passé simple « passa » ; nous accédons aux informations à travers le point de vue omniscient de la narratrice. Nous pouvons noter le style concis de l’autrice qui choisis de ne pas décrire les préparatifs mais plutôt de mettre en relief leur dimension hyperbolique (ils sont le résultat de l’éducation donnée par Mme de Chartres à sa fille) . Nous pouvons supposer qu’indirectement l’autrice commence subtilement une critique sociale en plaçant le jeu des apparences au 1er rang des préoccupations humaines à la Cour ; ainsi le verbe « se parer » rejeté en fin de phrase semble mis en relief et peut être associé au lexique de la parade, du spectacle. Cette préparation de la princesse peut symboliser la 1ere étape de son entrée dans le monde de la Cour, qui oblige l’individu à entrer dans un costume et dans un rôle social. Le terme de « fiançailles »place la future rencontre avec le duc de Nemours sur le signe de l’alliance en raison du flottement syntaxique laissé sur l’identité des fiancés → sens métaphorique de « fiançailles ».                                                                                                                                                          - L’accumulation des précisions spatio-temporelles « tout le jour », « le soir », « au bal », « au festin royal », « au Louvre » contribuent à donner une dimension réaliste à l’épisode raconté.  Le territoire et le tableau dans lequel nous entrons se caractérise par 2 termes clés symptomatiques de cet univers : « se parer »/ « on admira » : la fête/ la mondanité : on se retrouve au bal pour voir et être vu, et « le Louvre » : un lieu prestigieux qui donne à la scène un caractère extraordinaire , comme dans un conte de fées.
  • L’arrivée de Mme de Clèves : « Lorsqu’elle arriva, l’on admira sa beauté et sa parure ; le bal commença ». En introduisant l’entrée en scène de son héroïne par une propo. subord. circ.de temps « lorsqu’elle arriva », la narratrice crée une tension dramatique, suspendant le temps du récit. L’enchaînement des verbes d’action et de perception au passé simple permet de faire coïncider l’entrée en scène de la princesse avec le début du bal, ce qui la place au 1er plan et balaye du récit les véritables acteurs de ces fiançailles, Claude de France et François Ier, même pas mentionnés. Le verbe « admirer » confère à la princesse un caractère extraordinaire et nous montre aussi que le plus important dans cette société est l’apparence. Avec le substantif « parure »  polyptote du terme initial « se parer » (verbe pronominal).
  • Le système énonciatif du texte nous présente les différents actants de la fête : le pronom indéfini « on » désigne la cour du roi et s’oppose à l’emploi du singulier qui désigne la princesse. On note le jeu d’opposition entre le pluriel à valeur anonyme et le singulier pour singulariser la princesse. Le texte met ainsi en évidence l’opposition entre l’individu et la société de cour.
  • L’entrée en scène spectaculaire du duc de Nemours : «  et comme elle dansait avec monsieur de Guise, il se fit un assez grand bruit vers la porte de la salle, comme de quelqu’un qui entrait, et à qui on faisait place. »  de façon symétrique, nous assistons à l’entrée en scène progressive mais fracassante du duc de Nemours, toujours sur le mode de la théâtralité et de la dramatisation ( comme pour la princesse) : cette entrée en scène suit une progression précise à travers les sens qui sont sollicités : d’abord le sens de l’ouïe qui marque une 1ere perturbation et une 1ere forme de désordre : « il se fit un assez grand bruit », puis le sens de la vue est convoqué : « elle se tourna et vit », la narratrice abandonne le point de vue panoramique et omniscient de la cour pour passer en focalisation interne : c’est à travers les seuls yeux de la princesse que le duc de Nemours apparaît, comme le confirme le verbe de pensée « crut » ainsi que la négation restrictive «  ne pouvoir être que monsieur de Nemours ». Nous assistons ainsi à un resserrement du point focal du regard , qui sera le vecteur de la cristallisation du coup de foudre entre les deux personnages ; d’ailleurs le champ lexical du regard se développe : «  des yeux », « vit », « regards »…                                                                                                                                                   Cette entrée en scène est également placée sous le signe du mystère, donc présentée comme romanesque ( le terme « romanesque » est associé aux intrigues romanesques ) : M. de Nemours est désigné par des pronoms et des déterminants indéfinis, des périphrases « comme de quelqu’un qui entrait et à qui on faisait place », « quelqu’un qu’elle avait dessein de prendre », « celui qui arrivait », « un homme », avant la révélation en forme de chute « monsieur de Nemours ».                                                                                           Enfin cette entrée en scène se caractérise aussi par le désordre qu’il crée : passage de l’imparfait au passé simple, changement d’action et de posture de la princesse ( voir verbes d’action « dansait », « chercha », « trouva »… ) ; de plus la structure syntaxique mime l’enchaînement rapide des actions du duc.                                                                                                            Aspect symbolique de cette entrée en scène fortement dramatisée : Nemours, passant par-dessus les sièges, semble franchir des obstacles symboliques , ce qui tend à l’assimiler à un chevalier qui doit affronter différents obstacles avant d’atteindre sa dame, cela traduit aussi son esprit de conquête ; tout ceci est conforme à l’esthétique de la préciosité .

Plus globalement nous assistons à une sorte de scène au ralenti qui fait ressentir au lecteur chaque mouvement de l’arrivée du personnage.

  • Un nouvel acteur entre en scène : le roi. Cette scène est placée sous le signe de l’autorité royale ; en effet c’est le roi qui désigne les danseurs l’un à l’autre et sous le contrôle de la cour : mes rois et les reines appellent les danseurs et les contraignent à un échange public ; il s’agit pour l’autrice de souligner le poids des contraintes sociales sur les individus dans la société de cour, où la vie privée est sans cesse espionnée et soumise à la loi sociale. Le verbe de parole associé au roi est « cria », qui traduit la force de son autorité ; il est le grand metteur en scène du spectacle du bal mais surtout aussi celui de la passion tragique et fatale qui entraînera l’héroïne à sa perte. Nous pouvons voir dans le personnage du roi l’instrument du destin.
  1. La rencontre :
  • Le portrait du duc de Nemours : « Ce prince était fait d’une telle sorte qu’il était difficile de n’être pas surprise de le voir quand on ne l’avait jamais vu… »                                                                                            Dans ce portrait la narratrice se place en point de vue omniscient  pour commenter et décrire le personnage du duc : passage du récit à la description avec l’emploi de l’imparfait et des verbes d’état (« était »). La description se caractérise par le mode de la symétrie, comme le souligne le parallélisme de construction «  mais il était difficile aussi de voir » ; la narratrice décrit les 2 protagonistes avec des termes identiques, ce qui renforce l’effet de réciprocité entre eux. A chacun est associé le lexique de la surprise ( « surpris », « étonnement »)associé au lexique de l’apparence et de la beauté = c’est un portrait hyperbolique qui idéalise les 2 personnages. L’autrice orchestre savamment le jeu des regards, nous faisant passer du regard de la princesse à celui du duc, cristallisant le temps du coup de foudre, qui se noue jusque dans la syntaxe  par le jeu de chiasme dans l’emploi des pronoms personnels : « lorsqu’il fut proche d’elle, et qu’elle lui fit voir … ».
  • Cependant certains éléments viennent installer une situation « singulière » : on assiste à une reconnaissance mutuelle malgré le fait qu’ils dansent « ensemble sans se connaître » ; le comportement du duc est plus démonstratif : c’est lui qui s’avance vers Mme de Clèves et c’est lui qui lui donne des « marques de son admiration ».
  • La danse : elle marque le paroxysme de la scène, tant la communion semble irrésistible, le rapprochement des corps sans aucun échange verbal donne une dimension très sensuelle à la scène. La focalisation se décentre et prend une position surplombante, celle de la cour qui observe les « amants » ; les membres de la cour royale sont placés en position de spectateurs tout comme nous. Il y a là comme une sorte de mise en abyme du théâtre dans le théâtre. Nous pouvons observer le contraste entre la parole et le bruit de la cour avec le silence des amoureux : « il s’éleva dans la salle un murmure de louanges ». La parole publique semble empêcher la parole amoureuse.
  • La présentation des 2 personnages : passage au style direct dans le texte, mais ils ne se parlent pas directement, uniquement par personnes interposées ? L’autrice met donc à chaque fois un obstacle pour empêcher un réel échange de paroles, ce qui favorise l’importance de la communication corporelle.  Ce passage se caractérise par son emploi du discours indirect : ttes les propo. principales sont introduites par des verbes de parole ou de pensée qui le justifient : les rois et les reines se souvinrent », « trouvèrent », « ils les appelèrent ». On retrouve le même dispositif scénique fondé sur un rapport de domination de la société royale sur les personnages placés en position d’objets ; l’orchestration de la rencontre va jusqu’à la maîtrise des propos de chacun. Les personnages royaux ici ne peuvent apparaître comme de bonnes fées mais plutôt comme des manipulateurs : ils soumettent la princesse et le duc à une sorte de test : « ils leur demandèrent s’ils n’avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient ». Ce sont eux qui dirigent la rencontre et qui organisent la société.
  1. Après les commentaires des rois et reines, c’est enfin aux personnages eux-mêmes de s’exprimer, mais à travers un nouvel intermédiaire, la dauphine ; le texte passe au discours direct : « Pour moi, Madame, dit le duc de Nemours, je n’ai pas d’incertitude. » le rôle de cet échange verbal est de mettre en perspective la gêne causée à madame de Clèves par la présence et l’empressement du duc, mais également de faire apparaître au lecteur la dissymétrie qui est à l’œuvre entre les 2 protagonistes : « je vous assure, Madame, reprit madame de Clèves, qui paraissait un peu embarrassée, que je ne devine pas si bien que vous pensez. » le discours de chacun se construit sur le ton de la litote : le duc déclare : « je n’ai pas d’incertitude »= je suis absolument sûr // la princesse ment lorsqu’elle affirme « je ne devine pas si bien que vous pensez » ( elle l’avait bel et bien reconnu lors de son arrivée ). Cette réaction de mme de Clèves est la 1ere qui est verbalisée et découvre une partie de sa personnalité : elle apparaît déjà  ici comme une femme vertueuse tiraillée entre sa position de femme mariée et la passion naissante qu’elle éprouve pour le duc de Nemours .
  • L’attitude de Nemours à la fin laisse aussi présager une faille dans son portrait : il peut se contenter de la dauphine du moment qu’il reste associé au monde de la cour : « monsieur de Nemours prit la reine dauphine. Cette princesse était d’une parfaite beauté, et avait paru telle aux yeux de monsieur de Nemours ».
  • Le texte se termine par la mise en perspective de deux personnages secondaires et qui, du coup, on peut le supposer, pourraient jouer un rôle dans la suite du récit : la dauphine et le chevalier de Guise. Le portrait esquissé de la dauphine, très élogieux,  semble faire écho à celui de la princesse et semble la placer en position de rivalité avec l’héroïne. Enfin c’est l’image d’un séducteur qui se détache du portrait du duc dans la mesure où la narratrice nous rappelle son goût pour la dauphine.
  • Le dernier personnage évoqué : le duc de Guise incarne la figure de l’amoureux éconduit des pièces de théâtre et des romans précieux de l’époque de Mme de La Fayette. Il semble porter en lui le destin tragique à l’œuvre dans la machination : une série de termes appartenant au champ lexical de la tragédie ou de la fatalité lui sont associés : « présage », « fortune », « douleur sensible ».

                                             

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