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3h56, Gilles Ortlieb (Commentaire de texte)

Commentaire de texte : 3h56, Gilles Ortlieb (Commentaire de texte). Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  19 Mai 2024  •  Commentaire de texte  •  1 839 Mots (8 Pages)  •  73 Vues

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Gilles Ortlieb, traducteur et écrivain français contemporain, est un admirateur des éléments du quotidien fugitifs et éphémères. Dans son ouvrage Poste Restante publié en 1997, il fait part de ses impressions sur le voyage et sur les échanges épistolaires. Son poème « 3h56 » présente ainsi un trajet ferroviaire de nuit, décrit d’un point de vue intérieur au véhicule, et forme un tableau spectaculaire mêlant paysages en mouvement et calme interne. Nous nous demanderons alors comment le poète parvient à faire l’éloge du voyage. Pour cela, nous verrons tout d’abord la description d’un lieu qui semble hors du temps, avant de nous intéresser à l’impact que ce trajet a sur le narrateur-personnage.

Tout d’abord, ce voyage en train apparaît comme un espace particulier qui emmène ses occupants dans une réalité mystérieuse et à la frontière du fantastique. Ceux-ci se retrouvent coupés du monde, et vivent une expérience atypique. Ce trajet est en effet premièrement embelli par un décor extérieur marquant. Tout d’abord, la personnification de la « campagne accroupie dans l’obscurité » donne l’image d’un paysage qui se cache dans la nuit, à peine perceptible par l’œil humain. Ainsi, l’atmosphère qui entoure le convoi prend une allure énigmatique et ténébreuse. De plus, « le paysage ralentit » (vers 5) finalement. Les rôles sont ici inversés par la relativité du mouvement, car c’est sur le paysage qu’est portée l’attention ; le narrateur-personnage et les autres voyageurs ne font qu’un avec le train, et l’extérieur semble ainsi se déplacer. Cela permet de renforcer la personnification de la campagne tout en la peignant comme hospitalière. En effet, c’est l’extérieur qui se déplace vers les voyageurs : ils sont donc accueillis très positivement par la nature elle-même. En outre, le train traverse « un chapelet de gares » (vers 2). Ce groupe nominal métaphorique renforce la longueur du voyage en lui donnant une dimension spirituelle et grandiose. Le trajet paraît ainsi sans fin et à part du reste du monde. Par ailleurs, la proposition subordonnée circonstancielle de temps concessive « cependant que nul ne voit, dans le jour débutant […] » (vers 13-14) marque une rupture dans le poème : le Soleil se lève, et tout apparaît, les paysages sortent de la pénombre et sont illuminés. Le décor est ainsi présenté méliorativement, la lumière aurorale permettant de le mettre en valeur. Enfin, l’environnement particulier que traversent les wagons est reflété par la construction même du poème. Bien que versifié, celui-ci est de forme libre, ne possédant pas particulièrement de rimes, et se composant d’une seule strophe de dix-neuf vers de longueur variable. Cette écriture poétique contemporaine et irrégulière permet de représenter le monde mystérieux dans lequel progresse le train. Les éléments extérieurs au véhicule, perceptibles depuis son sein, donnent donc à ce voyage une description positive et étrange, celui-ci semblant constituer un univers parallèle à lui seul.

La représentation de l’intérieur du train participe également à l’installation d’un décor mystérieux et hors du temps. En effet, une synesthésie est établie grâce à l’évocation des différents sens, tels que l’odorat, puisque « le wagon tout entier sent l’oignon [et] le tabac refroidi » (vers 11-12), ainsi que l’ouïe avec « les conversations inachevées » (vers 12), le « bruyant convoi » et le train qui « s’immobilise en grinçant », mais également la perception visuelle avec la description des différents paysages et de « l’obscurité » (vers 4), observables à travers les fenêtres du véhicule. Ce mélange de sensations rend ainsi l’expérience du trajet mémorable et unique. De plus, l’ambiance qui se dégage du wagon augmente le sentiment de singularité. Le titre du poème lui-même vient donner une impression d’instantanéité par sa petitesse et par sa nature. En effet, « 3h56 » indique l’heure à laquelle se déroulent les évènements, donnée directement en chiffres, comme cela pourrait être lu sur un afficheur numérique dans le train. L’intégralité du texte est donc réduite à une unique minute, bien qu’un « chapelet de gares » soit traversé. Ainsi, le temps semble figé, et seuls les paysages poursuivent leur parcours. De surcroît, il s’agit d’un train de nuit, comme le révèle entre autres le complément du nom associé aux « gares en veilleuse » (vers 2-3). Les « corps endormis » (vers 9) par la longueur du trajet entre Porto, métropole portugaise, et Salamanca, ville espagnole, laissent ainsi le lecteur seul avec le narrateur, à l’intérieur du convoi. Il se forme donc une complicité avec celui-ci, étant les seuls éveillés en cette heure tardive, et cela nous plonge encore plus dans l’univers particulier du poème. Enfin, les « conversations inachevées » en raison de l’assoupissement des passagers appuie sur la dimension suspendue du voyage. Les discussions ont été interrompues et restent à compléter, mais le temps ne s’écoule plus et tout est figé, jusqu’au lever du jour. Ainsi, l’intérieur du véhicule porte une atmosphère atypique qui s’additionne à celle du paysage défilant. L’avancée du train dans la campagne portugaise est donc associée à déplacement vers un univers fabuleux et en suspens.

Ce trajet, comme placé dans une bulle coupée du monde réel, permet ainsi un mouvement tant géographique qu’intellectuel. En effet, ce voyage en train marque une évolution du narrateur, qui se construit personnellement grâce à cette évasion de la réalité. C’est premièrement pour lui l’occasion de grandir et de devenir une meilleure version de lui-même. Tout d’abord, il s’agit d’un trajet reliant les deux principaux pays de la péninsule ibérique. Cela semble donc être le début

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