Le principe de non rétroactivité des lois
Dissertation : Le principe de non rétroactivité des lois. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Adrien Claude • 18 Novembre 2018 • Dissertation • 2 475 Mots (10 Pages) • 5 278 Vues
Le principe de non rétroactivité des lois
Dans une décision du Mardi 3 juillet 2018, la Moldavie a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme à payer des dommages et intérêts à l’un de ses justiciables. En effet, la Cour a considéré qu’en abrogeant une loi précédemment votée, puis en se basant sur cette loi pour rendre une décision, une assemblée législative locale avait violé l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant à tous le droit à un procès équitable. En rendant cette décision, la Moldavie n’a pas respecté le principe de non-rétroactivité des lois.
La rétroactivité peut être définie comme le caractère d’un acte ou d’un fait produisant ses effets dans le passé, à une date antérieure à son accomplissement ou à sa survenance. Si l’on applique ce principe à une loi, on considère qu’elle est rétroactive, c’est-à-dire qu’elle régit la validité et les effets passés des situations juridiques nées avant sa promulgation. Par opposition, une norme juridique qui ne peut remettre en cause les situations anciennes nées de l’application de la règle antérieure est caractérisée par sa non-rétroactivité. Nous nous intéresserons à ce principe qui n’a de valeur constitutionnelle qu’en droit pénal. Dans cette matière, ce que l’on appelle la rétroactivité in mitius peut se définir comme l’application d’une loi pénale plus douce à des faits commis avant sa promulgation et non définitivement jugés. Dans les autres matières, le principe de non-rétroactivité il peut être remis en cause par le législateur. La décision d’appliquer une loi plutôt qu’une autre intervient lors d’un conflit de loi, qui se traduit par la concurrence entre plusieurs normes due à leur succession dans le temps. En principe, la loi nouvelle est immédiatement applicable, sans rétroactivité. C’est le principe d’effet immédiat de la loi. La loi ancienne est immédiatement abrogée, sans prorogation provisoire. Ces 2 règles générales comportent des exceptions. En effet, en matière civile, il existe des lois interprétatives qui se bornent à préciser le sens obscur, ambigu, ou contesté d’une loi antérieure, sans créer de droits nouveaux. Ces lois sont naturellement, ou nécessairement, rétroactives, puisqu’elles s’incorporent à la loi qu’elles interprètent. Elles s’appliquent aux instances en cours. On trouve aussi d’autres lois rétroactives : les lois de validation. Elles viennent régulariser une situation non conforme au droit antérieur. Ce principe de non-rétroactivité est sensé protéger les justiciables en leur garantissant une sécurité juridique, qui signifie une stabilité minimale des règles de droit et des situations juridiques dans le temps.
Historiquement, en droit français, on a considéré le principe de non-rétroactivité des lois comme fondamental dans la conception et l’application de celles-ci, en vertu notamment de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen qui dispose que « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Cependant, de nos jours, certaines branches du droit n’appliquent pas ce principe et de nombreuses lois ne suivent pas ce courant. Il est intéressant de constater que ces lois sont de plus en plus contrôlées.
L’historique juridique de ce principe suscite un débat nous emmenant à une réflexion : le principe de non-rétroactivité des lois est-il nécessaire à la sécurité juridique des individus ?
On constate qu’en droit français, le principe de non-rétroactivité des lois permet la sécurité juridique pour les matières qui la reconnaissent.
En premier lieu, on verra qu’il y a eu une évolution théorique du principe de non-rétroactivité des lois (I). Puis, dans un second temps, on étudiera l’application diversifiée du principe de non rétroactivité des lois (II).
I- Une évolution théorique du principe de non-rétroactivité des lois
Depuis que le principe de non-rétroactivité des lois a été posé, la jurisprudence et la doctrine ont cherché à définir les règles s’appliquant en cas de conflit de lois dans le temps. On verra qu’elles ont d’abord proposé une théorie classique (A), puis qu’une théorie moderne a été retenue (B).
A- La théorie classique
Lorsqu’un conflit de lois à lieu dans le temps, il est nécessaire de le régler en déterminant les situations juridiques soumises à la loi ancienne et celles soumises à la loi nouvelle. Parfois, les nouveaux textes contiennent des dispositions transitoires, qui précisent les conditions de passage d’une loi à une autre, afin de faciliter la transition d’un point de vue juridique. Ainsi, la sécurité juridique des individus est garantie par la détermination précise d’un champ d’application respectif de la loi ancienne et de la loi nouvelle. De cette manière, lors d’une réforme du droit des contrats du 10 février 2016, le Gouvernement a choisi d’inclure dans son ordonnance une disposition transitoire repoussant l’entrée en vigueur de la loi au 1er octobre 2016 pour une partie des dispositions. Cependant, certains textes ne contiennent pas ces dispositions, ce qui pose des questions sur l’applicabilité d’une loi nouvelle ou ancienne. La doctrine et la jurisprudence, afin de clarifier ce point, ont cherché à mettre en place des principes généraux régissant ces conflits. Deux dispositions considèrent ce principe : l’article 2 du code civil qui dispose que « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif », et l’article 112-1 du code pénal qui dispose que : « sont seul punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis. Peuvent seul être prononcées les peines applicables à la même date. Toutefois, les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ». Ces dispositions semblent claires mais une théorie plus précise est venue les compléter. Elle considère les actes juridiques passés comme des droits acquis par le justiciable. Revenir sur une décision portant atteinte aux droits acquis relèverait d’une violation du principe de non-rétroactivité des lois. Cette théorie des droits acquis a été mise en évidence par les interprètes du code civil au 19ème siècle et prend racine dans les écrits de Merlin de Douai.
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