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Le juge et la loi

Dissertation : Le juge et la loi. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  27 Février 2021  •  Dissertation  •  3 403 Mots (14 Pages)  •  1 356 Vues

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Dissertation – Droit privé (20 Novembre) : « Le juge et la loi »

   « L'on ne trouve pas dans les tribunaux trois juges qui aient le même avis sur un article de loi », telle est la manière dont Honoré de Balzac dépeint les relations entre le juge et la loi dans son œuvre Le Père Goriot (1835). Ainsi, le juge semble avoir un réel pouvoir d'interprétation de la loi.

Aujourd'hui, la loi est omniprésente dans notre société, et nul n'est censé l'ignorer. La loi peut être définie comme une règle de conduite sociale, une norme qui s'impose à tous, et qui émane d'une autorité souveraine. Qui plus est, si elle n’est pas respectée, une sanction est prévue par l'autorité étatique, de par son pouvoir de coercition. Et, puisque la loi est générale, et donc, impersonnelle par définition, elle nécessite une force afin d'être interprétée et appliquée le mieux possible. C'est là le rôle du juge, un rôle qui n'a cessé d'évoluer...

Sous l'Ancien Régime, le juge détenait un pouvoir fort. Il disposait d'une grande liberté quant à la décision de la sanction à appliquer. Après la Révolution, en revanche, le pouvoir du juge s'est vu amplement diminué afin de réduire les jugements arbitraires. Ce fut une période de méfiance envers les juges. Depuis, le droit, les institutions, et le reste de la société ont évolué, et puisque la règle de droit est en perpétuelle évolution, il est normal que le rôle du juge se modifie également. Aujourd'hui, les juges sont multiples : les juges judiciaires, les juges administratifs, les juges de première instance, les juges des cours d'appel, les juges suprêmes nationaux, les juges du Conseil constitutionnel, les juges européens... Cette multiplication des juges témoigne bien de l'évolution du domaine légal, une évolution qu'il a fallu satisfaire. Si tous ces juges détiennent des fonctions distinctes les uns des autres, ils sont cependant tous liés par un devoir commun : trancher des litiges entre des parties, et ainsi, rendre la justice.

La décision que prend le juge, se fait par une application de la règle de droit à des faits. Et avec des actions telles qu’interpréter, adapter et contrôler, les limites de la relation entre juge et loi sont pour le moins confuses, et démontrent ainsi une véritable complexité. C'est pourquoi s'impose la question suivante : « Dans quelle mesure le rôle du juge est-il de se soumettre à la loi ? »

Si le juge est traditionnellement considéré comme un simple outil de la loi (I), il n'en demeure pas moins que cette conception apparaît parfois dépassée au regard des réalités contemporaines, où le juge semble dorénavant posséder un rôle accentué sur la loi (II).

I. Le juge, un rôle initial de simple outil de la loi

   « La loi doit avoir autorité sur les hommes, et non les hommes sur la loi ». Cette citation traduit parfaitement le rôle initial confié au juge : il est un simple outil de la loi, chargé de transmettre ce qu'elle dispose au nom de la justice. C'est bien pour cela que le principe de séparation des pouvoirs réserve au juge une place rigide dans son rapport à la loi (A), et que ces derniers sont tenus de ne se prononcer uniquement dans les cas qui leur sont soumis (B).

A. La séparation des pouvoirs : une place inflexible pour le juge

   La séparation des pouvoirs est une théorie fondamentale. Elle a principalement été élaborée à partir de deux écrits : de l'anglais John Locke dans son ouvrage Essai sur le Gouvernement civil (1690), puis du français Montesquieu à travers son œuvre De l'esprit des lois (1748). Selon cette théorie, au sein d'un État, il existe 3 pouvoirs : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, et le pouvoir judiciaire. Et, toujours selon la théorie de la séparation des pouvoirs, une seule et même personne ne peut détenir ces trois pouvoirs, dans l'objectif de lutter contre les abus de pouvoir et d'éviter la tyrannie. C'est ainsi que le pouvoir législatif a été confié à des assemblées représentatives, que sont les parlements, et que le pouvoir exécutif incombe au chef d’État, au chef du gouvernement, voire aux ministres. Concernant le pouvoir judiciaire, il est attribué au juge. Le pouvoir judiciaire étant le pouvoir de trancher des litiges, le juge ne doit donc, en principe, agir uniquement dans ce domaine. Et par conséquent, il ne devrait pas empiéter sur le pouvoir exécutif, le pouvoir de faire respecter la loi ou sur le pouvoir législatif, le pouvoir de créer la loi.

C'est sur ce fondement que l'article 5 du Code civil dispose : « il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». Cet encadrement a pour effet que l'ensemble des décisions rendues, qui forment la jurisprudence, n'ont normalement pas de valeur normative. Cette disposition est d'ailleurs posée par la Cour de cassation elle-même dans son arrêt du 9 Octobre 2001 : « Nul ne peut se prévaloir d'un droit acquis à une jurisprudence figée ». Cela veut dire qu’une décision rendue ne constitue pas un droit sur lequel un justiciable peut fonder ses moyens. En effet, une loi dispose pour l'avenir, alors qu'un jugement s'occupe d'un fait passé, et ne peut donc statuer pour le futur. Seule la loi le peut. Il faut dire que si une décision rendue par un juge avait un effet normatif, cela reviendrait à nier la théorie fondamentale de la séparation des pouvoirs, ce qui n’est pas souhaitable. Le juge est donc en principe tenu d’appliquer la loi, de trancher des litiges au nom d’elle, sans aucune ambition de création. Montesquieu retranscrit parfaitement cette idée dans son célèbre ouvrage de 1748 : « Les juges de la nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la loi, des êtres inanimés, qui n'en peuvent modérer ni la force ni la rigueur ».

Ainsi, sur le fondement de la théorie de la séparation des pouvoirs judiciaire, législatif, et exécutif, le juge a initialement comme unique rôle d’appliquer la loi, sans aucun pouvoir de création ou de modération sur cette dernière. De plus, l’application de la loi, ainsi que la décision rendue par le juge ne vaut que pour un cas spécifique : le cas du litige qui lui a été soumis.

B. La décision du juge, une imposition uniquement pour un cas spécifique 

  Si les décisions rendues par le juge ne disposent pas pour l'avenir, c'est parce qu’elles ne concernent que le présent litige, et qu'elles ne s'imposent qu'aux parties. D'après le philosophe politique Tocqueville, « Le premier caractère de la puissance judiciaire, chez tous les peuples, est de servir d’arbitre… le deuxième caractère de la puissance judiciaire est de se prononcer sur des cas particuliers et non sur des principes généraux… le troisième caractère est de ne pouvoir agir que quand on l’appelle ou, suivant l’expression légale, quand elle est saisie ». Cette citation pose ici plusieurs bases fondamentales de la puissance judiciaire, notamment celle du juge qui ne doit se prononcer que sur des cas particuliers.

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