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DISSERT SUR SÉPARATION DES POUVOIRS

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Par   •  24 Novembre 2022  •  Dissertation  •  2 063 Mots (9 Pages)  •  313 Vues

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Loic Thiry

La séparation des pouvoirs est un principe constitutionnel qui vise à préserver la liberté en empêchant la concentration de l’entièreté du pouvoir étatique dans les mains d’une seule personne ou d’une seule entité. La conception de ce principe au sens ‘stricte’ ou ‘rigide’ est le résultat d’une mythologie qui s’est déraciné des écrits de Montesquieu qui fondèrent cette idée. Les problèmes que soulèvent la notion d’une séparation rigide sont d’ordre fondamentale : est-ce une telle conception possible et même désirable, en théorie et en pratique ? Il convient d’observer que la caractéristique rigidité de la doctrine de la séparation des pouvoirs rend cette conception insuffisante (I) et que, tant bien en théorie qu’en pratique, la séparation des pouvoirs est en un principe entièrement négatif et souple, qui ne peut proscrire une interaction entre les fonctions et les branches exerçant le pouvoir de l’État (II).

I. Une doctrine classique dont la caractéristique rigidité est insuffisante

La conception ‘traditionnelle’ se fonde sur la possibilité d’une division stricte entres les organes de l’État et de leur fonctions (A) ; cependant, les critiques articulés contre cette conception traditionnelle l’ont exposé comme insuffisante tant bien sur le plan théorique que sur le plan pratique (B).  

        (A) Une conception basée sur un tranchement net des organes et de leurs fonctions

La conception traditionnelle reconnait à l’État trois activités principales : il exécute ses prérogatives, il fait la loi et il détermine les litiges. Ceci implique trois fonctions : exécutive, législative et juridictionnelle. A chacune de ces fonctions il correspond un organe de l’État : l’exécutif (le gouvernement), le législatif (le Parlement) et le judiciaire (les cours de justice). La théorie traditionnelle implique premièrement que chaque organe se spécialise dans l’exercice de la fonction qui lui est attribué par ce schéma. Cette spécialisation est exclusive mais aussi limitative car chaque organe est chargé de l’exercice tout entier de sa fonction mais que de l’exercice de la fonction qui lui est attribué.

Ceci mène au deuxième élément intégral de la conception traditionnelle : l’indépendance des différentes branches. Pour garantir la spécialisation des organes, il faut s’assurer qu’aucun organe ne puisse faire pression sur une autre. Si, par exemple, l’exécutif disposait d’un pouvoir absolu sur le législateur ce dernier ne pourrait se spécialiser car il ne serait le seul détenteur de la fonction législative. Pour garantir la séparation des organes et des fonctions dans l’avenir, il faut assurer l’indépendance des organes les uns des autres. Concrètement, cela requiert principalement qu’aucun individu ne fasse partie de plus d’un organe simultanément, et que sa nomination a un organe ne dépende pas d’un autre organe. Théoriquement, chaque organe pourrait bénéficier de sa propre armé et de son propre budget pour garantir son indépendance maximum.

Il convient de s’interroger sur le but de cette division qui peut paraitre arbitraire et abstraite. L’idée est simple : en ‘séparant’ le pouvoir de l’état de cette manière, la liberté est garantie car « le pouvoir arrête le pouvoir » (Montesquieu). La façon d’ont le pouvoir est exercé peut garantir contre les excès des hommes. A l’Article 16 de la DDHC 1789 cette vision est consacré positivement : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de constitution ». L’impossibilité de concentré les fonctions de l’État qui, cumulativement, forment la souveraineté de l’État, est donc l’ultime obstacle au despotisme. Cette conception est ‘rigide’ car elle implique une séparation très stricte entres les différents organes et les fonctions qui leur sont attribués.

        (B) Une conception rigide critiquée en deux temps

Cette conception ‘traditionnelle’ se heurte à de diverses critiques le long du 19ieme siècle. Il convient ici de s’interroger sur deux d’entre elles en particulier (i) en premier temps, la critique de Eisenmann basé sur l’interprétation fautive des textes de Montesquieu et, en deuxième temps, (ii) la critique de Carré de Malberg se centrant sur l’impossibilité d’un contrôle des organes en cas d’indépendance totale.

        (i) Eisenmann : une interprétation fautive de Montesquieu

La thèse d’Eisenmann suggère qu’une conception rigide de la séparation des pouvoirs est le résultat d’une interprétation fautive de la théorie de Montesquieu. La théorie ‘rigide’ de la séparation des pouvoirs n’existe simplement pas dans les textes de Montesquieu. Il convient de se concentrer sur trois détails en particulier. Dans un premier temps, Montesquieu considère que l’exécutif doit disposer d’un droit de véto sur le législatif sinon l’exécutif risque de perdre les prérogatives qui lui sont particulières. C’est à travers la distinction entre « la faculté de statut » et « la faculté d’empêcher » que Montesquieu article une conception de séparation des pouvoirs, certes, mais une qui reconnait la nécessité d’une interaction entre l’organe exécutif et l’organe législatif. Dans un second temps, Montesquieu reconnait au législateur un rôle de ‘supervision’ envers l’exécutif en contrôlant la manière dont il applique les lois votées par le législateur. Finalement, dans trois situation particulières, Montesquieu considère que le législatif doit s’ériger en tribunal : (i) les nobles doivent être protégés des préjugés des magistrats populaires (ii) les questions d’amnistie et (iii) les procès politiques. La lecture classique de Montesquieu est donc fautive, car il ne stipule d’aucune manière une séparation ‘rigide’ ou ‘stricte’ entres les organes de l’État et leurs diverses fonctions

(ii) Carré de Malberg : l’impossibilité d’un contrôle d’équilibre constitutionnel en cas de séparation rigide.

La critique de Carré de Malberg d’une simplicité et d’une force remarquable : si les pouvoirs de l’État sont réellement spécialisés et indépendants et donc scellés, comment peuvent-ils s’entre-régulés ? Pour ce faire, les différents organes doivent pouvoir interagir, mais cette hypothèse est rendue impossible par une conception rigide de la séparation des pouvoirs. De surcroit, une division stricte implique une égalité entre les différents organes et les fonctions qui leurs sont attribués. Néanmoins, Carré de Malberg met l’emphase sur la hiérarchie qui existe entre ces fonctions : le pouvoir d’application des lois est nécessairement subordonné au pouvoir de création des lois. Même si une cour peut effectuer un contrôle constitutionnel des lois, le législateur pourra effectuer une révision constitutionnelle pour ‘changer les règles’ du conflit constitutionnel même. Dans Le Fédéraliste n.68 Hamilton considère la force du département législatif comparé au départements exécutif et judiciaire qui exercent, selon-lui, un pouvoir plus circonscrit et simple de nature. L’organisation positive des pouvoirs varie évidemment entre les États, cependant, la force économique du législateur crée le risque d’une dépendance et donc d’une subordination financière des branches exécutive et judiciaire. Sur le plan théorique, l’inégalité des fonctions exercés par les différentes organes et l’absence d’une ‘friction’ entre elles implique un système de régulation de l’équilibre constitutionnel imparfait dans la conception rigide de la séparation du pouvoir.

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