Commentaire de l'article L.511-12 du code de commerce
Dissertation : Commentaire de l'article L.511-12 du code de commerce. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Chouchan Vartanian • 7 Novembre 2018 • Dissertation • 2 583 Mots (11 Pages) • 1 669 Vues
Commentaire de l’article L.511-12 du code de commerce
L’article L.511-12 du Code de commerce pose la règle selon laquelle « Les personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant la lettre, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur. »
L'article L511-12, ancien article 121, consacre le principe de l'inopposabilité des exceptions au porteur, dans le cadre de l’endossement de la lettre de change, qui apparait en contradiction avec les règles applicables en droit commun de la cession de créances.
Cet article figure au livre V du Code de commerce relatif aux effets de commerce et aux garanties. Il est situé au titre premier « Des effets de commerce », chapitre premier « De la lettre de change ». Il se trouve dans la section III de ce chapitre, relative à l’endossement de la lettre de change, juste après l’article L.511-11 concernant le porteur légitime et ses droits, et juste avant l’article L.511-13 portant su l’endossement par procuration.
Ce texte a été introduit dans le Code de commerce par un décret-loi datant du 30 Octobre 1935 qui est venu retranscrire les dispositions de la Convention de Genève du 7 Juin 1930 au sein du droit interne. Il a ensuite fait l’objet d’une modification à travers une ordonnance entrée en vigueur le 21 Septembre 2000.
L’article présent est court dans le sens où il ne comporte qu’un seul et unique alinéa. Il porte sur un sujet bien précis, qui est l’inopposabilité des exceptions.
Pour mieux comprendre cet article, il convient d’en définir les principaux éléments.
L’inopposabilité des exceptions est une notion propre à la lettre de change. La loi ne donne aucune définition de la lettre de change. Il s’agit d’un titre par lequel un tireur donne ordre à un tiré de payer une certaine somme à un bénéficiaire à une date déterminée. Le bénéficiaire peut être le tireur lui-même ou une tierce personne.
La transmission de la lettre de change s’effectue par le biais de l’endossement, qui est un processus simplifié de circulation de la lettre de change.
Il s’opère en apposant au dos de la lettre une mention par laquelle le porteur actuel, l’endosseur, ordonne au tiré d’effectuer le paiement entre les mains d’un nouveau bénéficiaire, l’endossataire.
L’inopposabilité des exceptions est un principe qui en découle. C’est l’expression juridique signifiant que le débiteur d'un effet ne peut opposer au porteur les litiges éventuels qu'il a avec le créancier. Cette règle est un principe fondamental de la lettre de change, mais également de tous les effets de commerce, de manière générale.
Il apparait que cet article est formulé de manière floue et il semble omettre en réalité un certain nombre d’indications quant au champ d’application du principe.
Il convient alors de se poser les questions suivantes. Quelle est la portée du principe de l’inopposabilité des exceptions consacré par l’article L.511-12 du Code de commerce ? Quelles sont les limites apposées à cette théorie ?
Si l’inopposabilité des exceptions est un principe qui déroge au droit commun de la cession de créances, notamment par sa spécificité au droit cambiaire (I), le législateur est venu assortir ce principe de limites, et en particulier concernant le porteur de mauvaise fois, d’où la nécessité d’une définition claire de cette notion (II).
I - La consécration d’un principe spécifique au droit cambiaire
L’inopposabilité des exceptions est un principe qui déroge nettement au droit commun de la cession de créances. Il convient d’étudier la particularité de ce procédé ainsi que les exceptions en question (A), pour ensuite analyser les conditions nécessaires à la mise en oeuvre effective de ce principe (B).
A - Une dérogation au droit commun de la cession de créances
Le droit commun de la cession de créances est régit par la maxime suivante « nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet», selon laquelle personne ne peut transférer à autrui plus de droit qu’il n’en a lui-même. Ainsi, le cessionnaire ne peut pas disposer de plus de droits que le cédant. Ce principe est repris à l’article 1324 du Code Civil qui fixe le régime de l’opposabilité des exceptions. Il dispose en outre que « Le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l'exception d'inexécution, la résolution ou la compensation des dettes connexes. »
En appliquant ce principe à la lettre de change, on s’est rendu compte que cela mènerait à l’anéantissement du titre. En effet, plus le titre aurait circulé, plus il se serait affaibli. De ce fait, personne n’aurait recouru au système de la lettre de change.
C’est pourquoi, il a fallu consacrer un principe inverse afin de régénérer le titre. Plus le titre circule, plus il renforce la sécurité juridique du porteur, qui est garanti de recevoir le paiement.
Le principe de l’inopposabilité des exceptions permet la bonne circulation de la lettre de change. Chaque endossement purge les vices qui pouvaient affecter l’engagement cambiaire.
Cette règle est issue d’une nécessité pratique, il est donc évident qu’elle soit reprise par Code de commerce, à l’article L.511-12.
L’inopposabilité des exceptions peut se définir comme l’impossibilité pour le signataire d’une lettre de change d’opposer au porteur les exceptions dont il pouvait se prévaloir contre un autre signataire afin de faire échec à son action en paiement. La personne appelée à payer ne pourra pas invoquer au demandeur les exceptions que cette personne avait contre un autre signataire.
Il convient de s’intéresser aux actions concernées par cet article, qui sont donc inopposables au porteur.
L’article L.511-12 est rédigé dans des termes qui ne sont pas totalement clairs. Le texte énonce « les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs ». Il déclare inopposable les exceptions personnelles au tireur ou à un porteur antérieur, et semble ainsi plutôt restrictif. En réalité, la portée du principe est très large. Toutes les exceptions que le porteur n’a pas pu déceler à l’examen de la lettre de change lui sont inopposables.
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