Commentaire 2e civ 28 janvier 1954
Commentaire d'arrêt : Commentaire 2e civ 28 janvier 1954. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Sara El Fanidi • 25 Avril 2017 • Commentaire d'arrêt • 1 674 Mots (7 Pages) • 2 653 Vues
Lors de l’élaboration du Code civil, le silence du législateur sur la personne morale est indubitablement volontaire.
Nous sommes en présence d’un arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de Cassation datant du 28 janvier 1954, concernant la personnalité morale d’un comité d’entreprises.
En l’espèce, un comité d’établissement de St-Chamond de la société « Cie des Forges et Acieries de la Marine et d’Homécourt » a passé un marché avec le fournisseur Mr X… Le comité d'établissement représenté par son président Mr Y… entreprend une action de remboursement contre Mr X… qui prétend d'une part qu’un comité d'établissement n'a pas la personnalité civile, celle-ci ne lui ayant jamais été expressément attribuée. L'ordonnance du 22 février 1945 n'a pas expressément reconnu la personnalité morale aux comités d'établissement, une action en justice ne peut valablement être intentée en leur nom. Basé sur ces arguments, le fournisseur demande de déclarer l'action intentée contre lui comme étant irrecevable. Cette thèse fut admise par la Cour d’appel de Lyon, par arrêt du 30 octobre 1950. Le comité d’établissement s'est alors pourvu en cassation.
La Cour de cassation est amenée à statuer sur si les comités d’établissements ont le droit, en l’absence de reconnaissance découlant d’une source législative, de se voir reconnaitre la personnalité morale afin de pouvoir intenter des actions en justice.
La réponse affirmative de la Cour de cassation basée sur l’ordonnance du 22 février 1945 qui reconnait la personnalité juridique aux comités d’établissements, nous pousse à nous interroger si la reconnaissance des personnes morales doit absolument être expressément prononcée par la bouche de la loi. Nous allons tenter de répondre à la question précédente en envisageant en un premier lieu la personnalité morale comme expression de la réalité (I), et par la suite l’importance de la reconnaissance et la consécration de cette personnalité (II).
- La personnalité morale reflet de la réalité :
La question de la personnalité morale a été longuement débattue en droit français, opposant deux théories doctrinales (A). Cependant la réalité finit par l’emporter (B).
- La controverse de la doctrine :
Sur le terrain de la personnalité juridique des personnes morales, deux théories doctrinales fondées se sont affrontées: la théorie de la fiction et la théorie de la réalité.
Tout d’abord, la théorie de la fiction. Le seul sujet de droit est la personne physique, seulement les partisans de cette théorie ne peuvent nier l’existence d’un groupement et admettent la notion de personnalité morale. Ce groupement est personnifié comme s’il était un individu en soi, certes ça ne reste qu’une fiction car un groupement n’est pas un être vivant, il n’a aucun droit. Planiol affirmait que la personnalité morale n’est qu’une fiction qui masque une copropriété entre les membres du groupement. Cependant, la fiction de la personne morale n’est admise que pour certains groupements privilégiés par le législateur. Le législateur peut accorder, avec des limites parfois, ou refuser la personnalité morale; c’est à lui que la décision revient. Cette thèse revient donc à dire que la personne morale est une pure création de droit, le législateur a le monopole de cette création et que tant qu’il n’a pas consacré l’existence de la personne morale il n’y en a pas.
A cette théorie s’oppose celle de la réalité. Selon cette thèse, la personne morale est une réalité tangible que le droit se contente de recueillir à l’instar des personnes physiques. Elle considère que tout groupement, constituant un centre d’intérêt collectif distinct des intérêts personnels de ses membres, est une personne morale. La consécration du législateur n’est pas nécessaire.
D’ailleurs, c’est bien cette thèse qui finit par l’emporter en droit français.
- Victoire de la théorie de la réalité
Avec la réforme des droits des sociétés en France par la loi du 24 juillet 1966, l’article 5 (aujourd’hui article 1842 du Code civil) insistait sur la nécessité d’une consécration par la loi pour attribuer la personnalité morale à un groupement. L’article disposait que les sociétés commerciales jouissent de la personne morale à compter de leur immatriculation. La norme commandait la reconnaissance de la personne morale. La réforme dévoilait la position du droit français ayant opté pour la théorie de la fiction de la personne morale. La doctrine de la réalité de la personnalité morale était minoritaire. La jurisprudence prônait cette théorie de la réalité par le biais de grands arrêts. L’arrêt rendu par la 2e chambre civile le 28 janvier 1954 démontrait que la personnalité civile n’est pas une création de la loi, la Cour de cassation considère que la personnalité morale peut être dégagée du réel, reconnue seulement par le juge, sans nécessité d’une loi. La Cour de cassation a sauté le pas pour appuyer la spontanéité de sa vision de la personnalité morale: « la personnalité civile n’est pas une création de la loi; elle appartient en principe à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes, par suite, d’être juridiquement reconnu et protégés ». La réalité de la personne morale existe en dehors de la volonté du législateur et s'impose à lui.
La réalité découle de deux éléments : la défense d’intérêt collectifs et une volonté commune. L’arrêt semble lui renoncer à la recherche d’un intérêt distinct et se concentrer sur l’exigence d’un organe capable d’exprimer une volonté.
La controverse doctrinale fut si vive qu'elle incita, au début du XXe siècle, certains auteurs à nier la valeur même de la notion de personne morale.
- La nécessité de la reconnaissance de la personnalité morale
La consécration de la personnalité morale repose sur l’évolution de la position du législateur et de celle de la jurisprudence (A) mais aussi sur la finalité des groupements (B)
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