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Commentaire : Civ 1, 3 avril 2002, n°00-12932

Commentaire d'arrêt : Commentaire : Civ 1, 3 avril 2002, n°00-12932. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  11 Mai 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  1 917 Mots (8 Pages)  •  4 469 Vues

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Tandis que le droit commercial semblait déjà à l’époque reconnaître assez facilement la notion d’exploitation abusive de la situation de dépendance économique avec l’article L420-2 du code de commerce, le droit des contrats quant à lui restait beaucoup plus nuancé dans son application de ce principe, comme le démontre cet arrêt.

En l’espèce, Mme X était salariée de la société Larousse-Bordas depuis 1972, et elle a cédé les droits d’exploitation de son dictionnaire “Mini Débutants” à son employeur par convention à titre onéreux en 1974 (la somme était de faible importance). Elle a poursuivi sa carrière dans l’entreprise, puis a été licenciée en 1996. Elle attaque ensuite la convention de cession de droits d’auteurs et demande la nullité du contrat pour violence.

Par un arrêt du 12 janvier 2000, la Cour d’appel de Paris accepte la demande de nullité de la salariée licenciée, au motif que celle-ci se trouvait en situation de dépendance économique et n’avait accepté la cession de droits uniquement parce qu’elle avait peur de perdre son emploi en raison du contexte social difficile de l’entreprise faisant planer des risques de licenciement sur tous les salariés. C’est dans ces conditions que la société Larousse-Bordas se pourvoit alors en cassation, et ce pourvoi sera reçu favorablement par la cour : par un arrêt du 3 avril 2002 dit arrêt Bordas, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Paris sur le moyen de l’article 1112 du code civil.

La salariée, de son côté, fait valoir que trois paramètres principaux l’ont contrainte à accepter la convention de cession des droits d’auteur dans les conditions proposées par l’employeur : sa crainte réelle et sérieuse d’être licenciée si elle refusait, liée à un plan de licenciement dans l’entreprise ; le fait même qu’elle soit salarié la plaçant dans une situation de dépendance économique vis à vis de son employeur, en plus d’être en situation de subordination ; enfin son obligation de loyauté ne lui permettait pas “sans risque pour son emploi” de proposer son dictionnaire à un éditeur concurrent.

Si l’existence d’une situation de dépendance économique ne suffit pas à caractériser la violence économique, quelles sont les conditions qui le permettent ?

La Cour de cassation cassera l’arrêt de la cour d’appel de Paris au motif que “seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement”, et estimera ainsi que la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Si l’existence d’une situation de dépendance économique est un critère nécessaire à la caractérisation de la violence économique, cet unique critère ne s’avère cependant pas suffisant pour des raisons de sécurité juridique (I). Ainsi l’arrêt Bordas vient dégager les conditions de caractérisation de cette violence économique, mais son apport reste toutefois critiquable (II).

I. L’existence nécessaire mais non suffisante d'une situation de dépendance économique

A. La consécration renforcée de la nécessité de l’existence d’une condition de dépendance économique

Tout d’abord, l’article 1140 du code civil dispose qu’il y a violence lorsque “une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable”. Ainsi, la violence se caractérise par trois critères : elle doit avoir un caractère déterminant (sans cette violence le cocontractant n’aurait pas contracté, ou aurait contracté à des conditions différentes), elle doit être une contrainte, et celle-ci doit être abusive. La nature de cette contrainte peut être physique ou morale. Mais l’arrêt de la 1ere chambre civile du 30 mai 2000 étant le domaine du vice de violence : la contrainte peut désormais être de nature économique, c’est le cas qui nous intéresse ici.

En l’espèce, la qualité de salariée de Mme X suffit à prouver qu’elle se trouve dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de son employeur. L’existence d’un contrat de travail place la personne sous statut de salariée, donc dans une relation de subordination par rapport à la société, la contraignant ici à accepter un contrat qu’elle peut pourtant estimer contraire à ses intérêts personnels. De plus, le maintien du niveau de vie du salarié dépend du versement de son salaire et donc de la sauvegarde de son contrat de travail, et s'ajoute à cela le fait que la salariée n'aurait pas pu aller proposer son ouvrage à une autre entreprise puisqu’elle était tenue par une obligation de loyauté. Cette situation de contrainte économique se traduit donc, pour la personne qui la subit, par l’impossibilité de négocier librement le contrat : elle n’a pas le choix de conclure le contrat aux conditions imposées par la personne exerçant la contrainte économique.

Ainsi, cet arrêt vient confirmer la jurisprudence du 30 mai 2000, qui évoque pour la première fois la notion de violence économique, affirmant que “la contrainte économique se rattache à la violence et non à la lésion”, bien que la notion de contrainte économique n’y soit pas clairement définie.

B. Une condition insuffisante pour des raisons de sécurité juridique

L’arrêt de la 1ere chambre civile du 30 mai 2000, en consacrant la notion de contrainte économique, rend attaquable toute situation de dépendance économique lors de la conclusion d’un contrat auquel on trouverait un déséquilibre, cette situation pouvant être qualifiée de violence sur la base de cet arrêt. Cependant, toute contrainte économique n’est pas synonyme de violence : il existe de nombreuses situations de dépendance économique dans lesquelles il n'y a pas violence, puisqu’il est rare, en pratique, que les contrats soient équilibrés.

Ceci allant à l’encontre du principe de sécurité juridique puisque que la preuve de la violence peut entraîner la nullité du contrat, on comprend donc ainsi aisément la position plus sévère de la cour de cassation dans son arrêt du 3 avril 2002 : si la situation de dépendance économique est nécessaire à l'application du principe de violence économique, elle n'est

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