Commentaire Civ. 1ère, 9 avril 2015
Commentaire d'arrêt : Commentaire Civ. 1ère, 9 avril 2015. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Theo56890 • 30 Septembre 2022 • Commentaire d'arrêt • 2 389 Mots (10 Pages) • 819 Vues
Civ. 1ère, 9 avril 2015
La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt de rejet le 9 avril 2015, portant sur la conciliation du droit au respect de sa vie privée (notamment l’orientation sexuelle) et le droit à l’information du public.
En l’espèce, un livre révélant l’homosexualité de deux hommes politiques est sur le point de sortir.
Les deux hommes ont assigné la société d’édition devant le juge des référés pour interdire la diffusion du livre concerné, ainsi que sa saisie, car selon eux, c’est une atteinte à leur vie privée. La cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 19 décembre 2013 rejette leur demande car selon les juges du fond, la révélation de leur homosexualité est d’intérêt général car leur parti politique a montré des signes d’ouverture à l’égard des homosexuels à l’occasion de la loi mariage pour tous. Le secrétaire général du Front national va alors former un pourvoi en cassation.
L’homme reproche à la cour d’appel de Paris d’avoir violé l’article 8 de la ConvEDH ainsi que l’article 9 du Code civil, selon lesquels toute personne a le droit au respect de sa vie privée. Plus précisément, il argue que l’orientation sexuelle fait partie du plus intime de la vie privée. Il argue également que la révélation de son orientation sexuelle n’est pas justifiée par le débat relatif à la position de son parti politique quant au mariage pour tous, ni par les relations que son parti entretient avec les « homosexuels ». Selon lui, la connaissance de son orientation sexuelle par les citoyens n’est pas nécessaire par le débat d’intérêt général.
Il revenait donc à la Haute juridiction de répondre à la question suivante : la révélation d’une information concernant la vie privée d’un homme politique peut-elle être justifiée par le droit à l’information du public ?
Dans cet arrêt du 9 avril 2015, la Cour de cassation autorise cette révélation à condition que soit apprécié le « rapport raisonnable de proportionnalité existant entre le but légitime poursuivi par l’auteur, libre de s’exprimer et de faire état de l’information critiquée, et la protection de la vie privée » de la personne concernée.
En l’espèce, les juges du Quai de l’horloge ont rejeté le pourvoi formé par l’homme politique car la cour d’appel, dans son arrêt du 19 décembre 2013, a légalement justifié sa décision. En effet, elle a bien apprécié le rapport raisonnable de proportionnalité existant entre le but légitime poursuivi par l’auteur, qui est d’informer le public sur une question d’intérêt général, et l’atteinte portée à la vie privée de l’homme politique. De plus, le parti politique auquel l’homme appartient a montré des signes d’ouverture envers les homosexuels à l’occasion de la loi mariage pour tous.
Dans son arrêt du 9 avril 2015, la Haute juridiction affirme l’existence de ces deux droits antagonistes, de valeur égale. Pour tenter de concilier ces deux droits (I), les juges du fond jouent un rôle important (II).
I – La tentative de conciliation de deux droits antagonistes
La Cour de cassation reconnait l’existence du droit au respect de sa vie privée, ainsi que du droit à la liberté d’expression. Elle admet que ces deux droits sont de valeur égale, et qu’ils ne sont pas hiérarchisés. Cela implique que le droit au respect de sa vie privée doit être garanti, mais qu’il ne peut pas être absolu (A), car certaines atteintes à ce droit peuvent être licites en raison du droit à la liberté d’expression et du droit à l’information du public (B).
A – Le droit au respect de sa vie privée, un droit non absolu
Le droit au respect de la vie privée a été instauré par la loi du 17 juillet 1970, et il trouve son fondement dans l’article 9, alinéa 1er du Code civil, qui dispose que « chacun a le droit au respect de sa vie privée ». La Cour de cassation, une vingtaine d’années après la promulgation de cette loi, a dû venir la compléter, la préciser. En effet, dans un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 23 octobre 1990, la Cour de cassation précise que « toute personne, quel que soit son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée ». On comprend donc que tout le monde bénéficie de ce droit, même les artistes ou les personnalités politiques. En l’espèce, les individus concernées ont donc le droit au respect de leur vie privée.
Le droit au respect de sa vie privée signifie qu’on ne peut être importuné par autrui dans le versant de sa vie privée, on ne peut pas subir d’intrusion dans son intimité, et on ne peut pas s’immiscer dans les affaires d’autrui.
Pour qu’une atteinte soit caractérisée, il faut qu’elle réponde à deux conditions. L’atteinte doit porter sur un fait non public et a été accompli sans l’autorisation préalable des personnes concernées, c’est-à-dire que si les éléments étaient déjà connus par le public, l’atteinte ne peut pas être caractérisée. Deuxièmement, l’atteinte doit intéresser la vie privée, c’est-à-dire qu’une information sera légitime lorsqu’elle porte sur la vie privée de la personne, mais qu’elle est d’intérêt général et ne comporte ni outrances, ni atteintes à la dignité de la personne. En l’espèce, il n’est pas précisé si le public était déjà au courant de cette relation homosexuelle. Le juge aurait pu rechercher la notoriété de la relation, ce qui aurait pu aider à qualifier cette révélation une violation du respect à la vie privée ou non.
Ces deux conditions montrent qu’il est effectivement possible de porter atteinte au droit au respect de la vie privée d’une personne, mais cette atteinte doit être justifiée.
B – L’atteinte justifiée au droit au respect de la vie privée au profit du droit à l’information du public
Comme expliqué précédemment, la liberté d’expression est un grand principe du droit, la jurisprudence va donc tenter de concilier les deux grands principes. Ici, le droit à la liberté d’expression peut être mis en commun avec le droit à l’information du public. En effet, dans cet arrêt, la société d’édition veut publier un livre qui révèle une relation homosexuelle d’hommes politiques. Le but poursuivi est donc d’informer le public sur les possibles prises de décision relatives au mariage pour tous, en raison de l’orientation sexuelle des hommes politiques. La question soulevée par cet arrêt est de savoir si la divulgation de cette relation doit-être considérée comme une atteinte au droit au respect de la vie privée, ou si, au contraire, cette divulgation est autorisée en raison du but poursuivi (qui est d’informer le public).
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