Airbus et Boeing devant l'OMC
Dissertation : Airbus et Boeing devant l'OMC. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar TomC • 9 Janvier 2016 • Dissertation • 5 070 Mots (21 Pages) • 1 526 Vues
Thomas CORNELUS
Master 2 Droit européen
Les différends Airbus/Boeing devant l'OMC
« La plus importante commande en valeur et en volume de l'histoire d'Airbus » disait certains lors de la conclusion, le 19 mars dernier, du contrat liant Airbus, constructeur aéronautique européen connu de tous, à la compagnie indonésienne Lion Air. En effet, avec un total de 234 appareils de la famille A320 d'une valeur totale de 24 milliards de dollars (environs 18,4 milliards d'euros), la compagnie indonésienne offre à Airbus l'une de ses plus belles victoires commerciales. Non seulement l'avionneur n'avait jamais vendu autant d'avions d'un coup mais surtout, il conquiert ainsi un nouveau client jusqu'alors fidèle à Boeing. La passe d’armes entre ces deux géants de l'aéronautique est donc loin d'être terminée..
Avant de commencer notre réflexion et afin de bien comprendre les différents enjeux liés à cette problématique, il est nécessaire, voire inévitable, de revenir un instant sur les origines de ce débat éminemment houleux. Tout d'abord, et comme affirmait aussi simplement Isabelle Moine-Dupuis, « Boeing a le pivilège de l'age ! ». En effet, la Boeing Company a clairement profiter, au début du XX ème siècle, de l'essor de l'aviation civile et a rapidement mis à contribution les enjeux importants et fructueux liés au transport aérien de passagers. L'autre avionneur, Airbus, a été fondé un peu plus tard, en tant que consortium de plusieurs fabricants européens à la fin des années 1960. Ainsi, et depuis la disparition de Lockheed en 1981 et le rachat de McDonnell Douglas en 1996 par Boeing, ce dernier a régné en maître sur le marché des avions civils de plus de cent places. Pourtant, et à l'instar de David qui a réussi, contre toute attente, à battre Goliath au cours d'un célèbre duel, Airbus, grâce à ses avions modernes et économiques, à réussi à résister aux avancées de Boeing et ce, en dépit de la suprématie américaine dans le domaine de l’industrie aéronautique. C'est donc précisément à partir de l'époque où Airbus a commencé à devenir un sérieux rival pour Boeing que les termes du contentieux entre ces deux concurrents s'est fait durement ressentir. Ce qu'il faut immédiatement avoir à l'esprit, c'est qu'en la matière, l'Union Européenne (UE) et les États-Unis contestent le soutien de leurs gouvernements respectifs à leurs industries aérospatiales. Le cœur même du problème opposant ces deux rivaux se situe donc au niveau de la qualification de la subvention. En effet, concernant le contentieux Airbus, les américains affirment qu'ils s'agit d'aides remboursables ou directes. Ces dernières constituent donc des aides d'Etat et doivent être approuvés par la Commission et faire l'objet d'une notification motivée. A contrario, concernant Boeing, les européens considèrent que ces subventions sont principalement des aides indirectes, des aides qui finalement facilitent le développement d'un aéronef grâce aux économies concédées. A propos de ces aides remboursables, les Etats-Unis ont toujours avancé l'idée qu'il s'agissait de subventions non compatibles avec les règles du GATT de l'époque et conférant un avantage concurentiel à Airbus. Ils avaient notamment chiffré ces aides à un montant principal de 13 milliards de dollars, un chiffre loin d'être négligeable ! La réponse de l'Union, à l'époque, la Communauté européenne, ne s'est pas fait attendre. En effet, celle-çi répondit à son tour que Boeing a bénéficié elle aussi de divers subventions américaines de la part de plusieurs agences gouvernementales comme la National Aeronautics and Space Administration (NASA) notamment.
Ces premiers conflits ont donc aménés les Etats-Unis, le 25 février 1987, à introduire une demande auprès du GATT tendant à la condamnation du soutien apporté à Airbus en soutenant le fait que ces soutiens contredisent les prescriptions applicables en la matière, à savoir, l'accord sur le commerce des aéronefs civils de 1979. Mais au bout du compte, cela ne donna rien, le plaignant souhaitant davantage l'instauration d'un compromis avec son principal adversaire qu'un contentieux long et coûteux. Les deux parties ont ainsi négocié et adopté le 17 juillet 1992, un accord bilatéral afin de compléter et préciser les divers prescriptions de l'accord de 1979. Cet accord de 1992, nous le verrons plus tard, est donc important, mais à partir de cet instant, et de manière paradoxale, les relations entre Boeing et Airbus commencèrent progressivement à se dégrader dont l'aboutissement a consister à solliciter l'intervention de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Ainsi, le 6 octobre 2004, les États-Unis soumettent à l'Organe de règlement des différends (ORD), une demande de consultations officielles avec les gouvernements de l’Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et de l’Espagne et avec les Communautés européennes au sujet des différentes mesures affectant le commerce des aéronefs civils gros porteurs. De manière quasi-immédiate, la Communauté répliqua à son tour devant la même instance afin de demander l'ouverture de consultations avec les États Unis au sujet des subventions prohibées. La guerre politico-juridique pouvait enfin véritablement commencée. L'essentiel de notre réflexion consistera ainsi à démontrer sinon l’ambiguïté au moins la spécificité des différends opposant Airbus à Boeing devant l'OMC. A ce titre, il n'est pas invraisemblable de constater l'anormalité ahurissant de ce contentieux, principalement caractérisé par la présence d'enjeux essentiels, tant du point de vue américain qu'européen (I). Cette anormalité est d'autant plus forte, tant le conflit opposant ces deux géants de l'aérospatial semble aujourd'hui dans une impasse totale (II).
- Un contentieux hors-norme
Airbus qui ne possédait que 30% du marché des avions civils de plus de 100 places au début des années 90, est en mesure de faire jeu égal avec Boeing. Il s'est même hissé au premier rang mondial entre 2003 et 2005 en livrant et en vendant dans l'année plus d'appareils que son puissant concurrent. La saisine de l'ORD par les Etats-Unis n'est donc certainement pas le fruit du hasard, ces derniers voulant une bonne fois pour toute, mettre un terme l'octroi de subventions à destination de l'avionneur européen. Ce contentieux est ainsi marqué par une originalité flagrante (A) mais aussi et surtout par l'épineuse étape de la qualification des subventions européennes (B).
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