Droit de la sécurité sociale
Synthèse : Droit de la sécurité sociale. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Célia Cattarin • 23 Novembre 2022 • Synthèse • 64 239 Mots (257 Pages) • 282 Vues
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CHAPITRE I La formation du système belge de sécurité sociale
La formation du système belge de sécurité sociale
On ne peut pas comprendre le droit de la sécurité sociale si on ne prend pas le temps d’étudier son histoire : l’histoire permet de mieux comprendre la raison d’être et la configuration de notre système actuel.
La sécurité sociale est le fruit d’un combat social et politique 🡪 elle est la réponse de notre société au paupérisme. Notre système tel qu’il est configuré aujourd’hui, est profondément marqué par son histoire.
On va voir cette histoire de la révolution industrielle à aujourd’hui en 5 grandes périodes :
- De la révolution industrielle à la fin du XIXème siècle (SECTION 1)
- De 1886 à la seconde guerre mondiale (SECTION 2)
- L’arrêté-loi du 28 décembre 1944 (SECTION 3)
- De 1944 à 1974 : les Trentes glorieuses (SECTION 4)
- Depuis 1975 : la crise de l’État-providence (SECTION 5)
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Section 1 – De la révolution industrielle à la fin du 19e siècle :
le paupérisme et le dogme de la non-intervention de l’État
= L’avant-sécurité sociale
Au 18e siècle, on observe de grands mouvements d’exode des campagnes vers les villes, où émerge le machinisme (les usines). La conjonction de ces deux facteurs est la révolution industrielle. On voit alors, affluer dans les villes, une population nombreuse et dénuée de moyens de subsistance, qui va fournir à l’industrie, la main d’œuvre nécessaire pour faire tourner les usines. Toutes les conditions sont réunies à ce moment-là pour faire changer le mode d’organisation économique 🡪 le capitalisme prend son envol. Dans l’ombre de l’émergence du capitalisme et de la révolution industrielle, il y a un mal nouveau qui fait son apparition, le paupérisme. C’est l’expression pour désignée l’état de pauvreté, de privation extrême et totale dans lequel une part considérable de la population vivait = la classe prolétaire qui survivait au jour le jour en devant mettre sa force de travail en location pour avoir de quoi survivre. Cet état de manque était total et épidémique, qui se reproduisait de génération en génération, sans qu’on ait beaucoup de chance d’y échapper. C’est ce constat qui a conduit très tôt, à la fin du 18e siècle, un révolutionnaire français, Sieyès, à qualifier le prolétariat d’« une foule immense d’instruments bipèdes sans liberté ».
Les nouvelles structures socio-économiques sont génératrices d’une très grande insécurité d’existence. C’est dans ce contexte d’avant-sécurité sociale, qu’on voit deux risques nouveaux faire leur apparition :
- Les accidents du travail : dans le contexte du machinisme, le nombre et la gravité des accidents du travail connaissent une véritable explosion. En cas d’accident, le seul droit dont disposait l’ouvrier était le responsabilité civile. Cependant, pour obtenir une indemnisation, il fallait prouver une faute, un dommage et un lien causal entre les deux. Le dommage, dans un accident de travail, est plutôt évident (blessure, décès, etc) mais la difficulté réside dans le fait de savoir à qui la faute, en cas de chute, de machine qui cause des dégâts, etc. Ce que l’on réalise à l’époque, c’est que, d’une certaine manière, c’est le système des rapports socio-économiques qui génère des accidents du travail.
- Le chômage : les ouvriers étaient entièrement dépendants de la conjoncture économique. Dès qu’il y avait un excédent de main-d’œuvre par rapport aux besoins de la production, les ouvriers surnuméraires étaient privés de travail (et donc de revenus) du jour au lendemain.
Parallèlement à ces nouveaux risques sociaux, il y avait des risques antérieurs qui existaient depuis toujours, mais qui ont pris une dimension nouvelle, à la faveur de la révolution industrielle : la maladie, la vieillesse et la charge d’enfants. Avec la révolution industrielle, être malade, vieillir, devoir assurer l’éducation de ses enfants, empêche aussi et surtout de donner sa force de travail en location et donc de se procurer des moyens de subsistance pour soi et sa famille.
Donc, à la fin du 18e siècle et au début du 19e siècle, la classe prolétaire est confrontée à 5 risques de l’existence majeur : les accidents de travail, le chômage, la maladie, la vieillesse et la charge d’enfants. Aujourd’hui, ces 5 risques sont couverts par notre système de sécurité sociale.
A l’époque, les pouvoirs publics persistent obstinément à ne pas intervenir.
A l’époque, il ne fallait surtout pas interférer dans le jeu du libre marché, le jeu de la rencontre entre l’offre et la demande car il n’y avait pas de prise de conscience immédiate des dégâts considérables causés par le machinisme et la révolution industrielle. Mais à partir du milieu du 19e siècle, il y eut les premières grandes enquêtes sur la condition ouvrière : des médecins, des journalistes et des juristes sont descendus dans les usines pour documenter les conditions de vie de travailleurs. La portrait qui est sorti de ces rapports, était tout à fait catastrophique. Donc au début, on ne savait pas, mais très vite on a su, alors pourquoi les pouvoirs publics se sont abstenus d’intervenir ?
- Un blocage d’ordre politique : le droit de vote étant réservé aux hommes les plus riches, la population ouvrière était complètement exclue de la représentation politique (ceux qui occupaient le pouvoir trouvaient largement leur compte dans le système en place). La classe ouvrière était donc privée d’accès à la représentation politique, alors que c’était une part considérable de la population.
- Un blocage d’ordre philosophique : dans son ouvrage, François Ewald, a essayé de rendre compte de la conception de la classe dominante à l’époque. Il montre que pour les bourgeois éclairés, le paupérisme était un fait choquant, il n’y avait pas que du cynisme. Cependant, le point central est qu’on ne voyait pas quelle réponse y apporter, sans perdre les acquis de la Révolution, en particulier le droit à la propriété privée. Si, pour les libéraux, faire la charité aux plus démunis était un devoir moral de première importance, il était impensable de transformer la charité en une obligation juridique. Il était absolument inconcevable de faire de la bienfaisance un droit-créance, c’est-à-dire une prestation juridiquement exigible par son destinataire. Il était par ailleurs considéré qu’il était du devoir de chacun d’anticiper les coups du sort par la prévoyance, de sorte que l’imprévoyant ne devait s’en prendre qu’à lui-même (responsabilité individuelle).
Le point clé est que, juridiquement, on ne voit pas comment résoudre structurellement le problème du paupérisme. Si on oblige à donner alors qu’on a pas commis de faute, on va entrer dans un processus liberticide : l’État va s’immiscer partout dans nos libertés et entraver le droit à la propriété privée. C’est pour cela que, pendant longtemps, on s’en est tenu à 1382, même si on voyait bien que la réponse n’était pas satisfaisante.
Pour se protéger contre l’insécurité d’existence, il n’existe à l’époque que deux possibilités :
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