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Commentaire d’arrêt (Cass. 3ème civ., 12 juin 2014, n° 13-18.446)

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Par   •  25 Novembre 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  1 866 Mots (8 Pages)  •  1 875 Vues

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SUJET DE PRÉCOLLE

Commentaire d’arrêt (Cass. 3ème civ., 12 juin 2014, n° 13-18.446)

        Ulpien disait : « Si oes pro auro veneat non valet » autrement dit « le contrat portant sur un objet que l’on croit être en or et qui se révèle d’un autre métal, n’est pas valable ». Le principe énoncé par ce juriste romain du 3e siècle fait écho au droit français et à la notion d’erreur sur la substance de la chose, particulièrement à sa conception objective. C’est dans cet esprit qu’a statué la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans cet arrêt de rejet en date du 12 juin 2014.

En l’espèce, des acquéreurs ont conclu un contrat de vente (le 27 novembre 2008) avec les propriétaires d’un terrain destiné à la construction d’une maison. Le permis de construire obtenu par les acheteurs avant la vente, leur a été retiré (le 5 janvier 2009) après la signature du contrat en raison de la suspicion de la présence d’une cavité souterraine. Ces derniers ont par conséquent assigné le notaire ainsi que les vendeurs en annulation de la vente et en réparation du préjudice subi.

Après un jugement en première instance, un appel est interjeté devant la cour d’appel de Rouen qui fait droit à la demande des acquéreurs le 23 janvier 2013. Cette cour a considéré qu’étant donné que « l’erreur sur la constructibilité immédiate du terrain existait au moment de la formation du contrat » et que cette constructibilité constituait le facteur décisif convenu par les deux parties lors de la vente, il y avait lieu de prononcer la nullité du contrat.

Les vendeurs ont alors formé un pourvoi en Cassation en faisant valoir le fait que la rétroactivité est sans incidence sur l’erreur considérant que celle-ci doit s’apprécier au moment de la formation du contrat.

Se pose alors une question essentielle : L’acquéreur qui achète un terrain désigné à la construction d’une maison peut-il demander la nullité du contrat de vente au motif que celui-ci a été déclaré impropre à l'aménagement postérieurement à la conclusion du contrat ?

La Cour de cassation répond positivement à ce questionnement et confirme la décision rendue par de la cour d’appel de Rouen. Ainsi elle affirme que puisque la constructibilité du terrain était un facteur décisif du consentement des défendeurs au pourvoi et que la cavité souterraine existait déjà lors de la formation du contrat, la nullité du contrat s’impose alors.  

        Il est nécessaire d’apprécier le caractère substantiel de l’erreur pour que celle-ci soit une cause de nullité (I) aussi, la Cour de cassation a également dû prendre en compte le caractère rétroactif du retrait de permis de construire (II) pour considérer le contrat nul.

  1.  La reconnaissance d’une erreur substantielle causant la nullité de la vente

La cour de Cassation fonde dans une certaine mesure, sa réflexion à l’égard de la jurisprudence antérieure parfois controversée (A) puis confirme la présence d’une erreur liée à l’inconstructibilité du terrain (B).

  1.  Une application ambivalente de la notion d’erreur dans la jurisprudence

L’erreur est un vice de consentement qui réside en une appréciation erronée de la réalité. En effet lorsqu’il y a erreur, l’acceptation du cocontractant est viciée. Ce vice entachant la formation du contrat, peut alors, sous certaines conditions, être une cause de nullité. En effet, la jurisprudence sanctionne le vice de consentement mais uniquement s’il a un caractère déterminant dans le contrat. Ce caractère s’apprécie in concreto c’est-à-dire que le juge va analyser l’affaire en l’espèce en cherchant à déterminer les circonstances dans lesquelles le contrat a été conclu et quelles en étaient les qualités déterminantes. Ainsi, l’ancien article 1110 du code civil prévoit que « l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ». La Cour en expose strictement le principe. En effet si l’erreur concerne la substance de la chose, le contrat pourra être frappé de nullité. On parle alors de conception objective de la substance lorsque celle-ci concerne la chose objet du contrat.

Cependant, on peut constater que la Cour se détache en partie de cette interprétation en retenant une conception subjective qui définit la substance comme étant une qualité essentielle de la chose qui a été prévue lors du contrat.

Par ailleurs, en matière d’erreur le principe établi est que celle-ci doit s’apprécier lors de la conclusion du contrat. C’est en ce sens par exemple que la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait statué le 23 mai 2007 (pourvoi n°06-11889) en affirmant que « la rétroactivité est sans incidence sur l’erreur » qui « s'apprécie au moment de la conclusion du contrat ». La Cour de cassation en l’espèce s’est écartée de cette jurisprudence établie en statuant en faveur de la rétroactivité. Cependant il ne s’agit pas du seul arrêt rendu en ce sens.

Par conséquent, il est possible de considérer que cet arrêt s’inscrit dans un courant jurisprudentiel partagé en matière d’appréciation de l’erreur.

  1. La prise en compte de l’inconstructibilité du terrain permettant de caractériser l’erreur

La Cour de cassation dans un arrêt du 28 janvier 1913 a rappelé que « l’erreur doit être considérée comme portant sur la substance de la chose lorsqu’elle est de telle nature que, sans elle, l’une des parties n’aurait pas contracté ». L’enjeu a par conséquent été de déterminer si l’inconstructibilité du terrain permettait ou non de caractériser une erreur substantielle.  

Ainsi, il paraît intéressant pour éclairer le raisonnement des juges, de citer l’arrêt du 23 novembre 1931 rendu par la Cour de cassation. Celui-ci défend le fait que « le défaut de contenance d’un immeuble devient une qualité́ substantielle s’il rend « l’immeuble impropre à la destination » ». Ici, les défendeurs au pourvoi ont contracté avec la finalité de faire construire une maison sur ce terrain. Celui-ci ayant été déclaré constructible avant la signature du contrat et clairement défini comme tel dans le cadre de celui-ci correspondait par conséquent à l’attente des défendeurs au pourvoi. Il apparaît donc manifeste qu’il s’agit du caractère déterminant du contrat. Cependant, celui-ci a été déclaré inconstructible après la formation du contrat comme énoncé précédemment. Au regard de l’arrêt susvisé il est devenu, par le risque de cavité souterraine, « impropre à sa destination ». C’est-à-dire qu’il est impossible de construire sur ce terrain alors même qu’il a été vendu comme constructible. De ce fait, si cet élément avait été porté à la connaissance des acheteurs avant la signature, on peut raisonnablement admettre qu’ils n’auraient pas contracté. C’est en ce sens que l’erreur est caractérisée comme étant déterminante et que la nullité de la vente a pu être envisagée.

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