Commentaire Cass civ 3ème 12 juin 2014
Commentaire d'arrêt : Commentaire Cass civ 3ème 12 juin 2014. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Baptiste Dufaure • 30 Janvier 2017 • Commentaire d'arrêt • 2 180 Mots (9 Pages) • 4 986 Vues
Commentaire d’arrêt
Cass. 3ème civ. 12 juin 2014
N° 13-18446, PB
« Vérité dans un temps, erreur dans un autre... » Montesquieu, Les Lettres persanes, Candide et Cyrano.
Il s’agit d’un arrêt rendu le 12 juin 2014 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation où il est question de la caractérisation de l’erreur lorsque la rétroactivité peut sembler faire obstacle.
En l’espèce, M. Y et Mme Z ont acheté le 27 novembre 2008 un terrain destiné à la construction d’habitation aux époux X. Le permis de construire concernant le terrain a été délivré aux acquéreurs (consorts Y) le 13 octobre 2008, cependant le 5 janvier 2009, ce permis de construire a été retiré en raison de suspicion de la présence d’une cavité souterraine.
Les consorts Y, en raison du retrait de permis de construire ont assigné le notaire et les époux X non seulement en annulation de la vente mais aussi en réparation du préjudice subi.
La Cour d’appel de Rouen par son arrêt du 23 janvier 2013 donna raison aux consorts Y. Les époux X ont donc formé un pourvoi près la Cour de cassation puisque selon eux, il n’y avait pas à déduire du caractère rétroactif du retrait du permis de construire intervenu après la vente que l’erreur au moment de la formation du contrat devait entraîner sa nullité. De plus, l’erreur doit s’apprécier au moment de la formation du contrat, or la cour d’appel a constaté que le retrait du permis de construire suite à une suspicion de cavité souterraine a été mis en évidence postérieurement à la vente.
La vente peut-elle être annulée par l’erreur lorsque le retrait du permis de construire repose sur des évènements déjà existants au moment de la vente, mais alors inconnus des parties ?
La Cour de cassation par son arrêt du 12 juin 2014 en sa première chambre civile a rejeté le pourvoi formé par les époux X, puisque selon elle, la constructibilité immédiate du terrain était un élément déterminant du consentement des acquéreurs, mais aussi puisqu’il y avait un risque lié à la présence d’une cavité souterraine qui existait à la date de la vente.
Des trois vices du consentement prévus par le Code civil (article 1109), l’erreur est la plus souvent invoquée, elle donne lieu à une jurisprudence abondante, que la doctrine interprète.
La cour de cassation a donc consacré la rétroactivité de l’annulation du permis de construire comme sans incidence sur l’erreur (I), mais elle ne s’est pas limitée à cela, elle a aussi évoqué la notion de risque pour refuser de ne pas caractériser l’erreur, elle exprime un puissant raisonnement logique (II).
I La rétroactivité de l’annulation du permis de construire est sans incidence sur l’erreur sur la constructibilité
Selon le langage courant, l’erreur consiste à se tromper, n’importe quelle erreur suffit pour le contrat soit annulé. S’agit de l’état psychologique, un risque est à craindre, une partie qui veut se désengager pourra être tentée de soutenir qu’elle n’aurait pas contractée si elle avait eu une perception plus claire des évènements pour maintenir une certaine stabilité des transactions, il faut donc poser des limites, toutes les erreurs ne sont pas dignes d’être accueillis, sinon ça serait la porte ouverte à de nombreux abus (A). Cependant cette rigidité concernant les erreurs pouvant être accueillies est plus ou moins souple face à la rétroactivité (B).
- L’erreur, vice du consentement soumis à diverses appréciations
L’existence d’une erreur se définit comme la discordance entre la conviction de l’un des contractants et la réalité . Autrement dit, l’erreur naît de ce que la réalité n’est pas conforme à la conviction de l’une des parties. Claire en apparence, cette définition s’obscurcit lorsqu’il s’agit de déterminer la réalité à prendre en compte.
- L’existence de l’erreur
La substance recouvre toute qualité essentielle qui a pu déterminer le consentement. Un ancien arrêt du 28 janvier 1913 de la Cour de cassation a définir l’erreur substantielle : « L'erreur doit être considérée comme portant sur la substance de la chose lorsqu'elle est de telle nature que sans elle l'une des parties n'aurait pas contracté » La qualité essentielle ici qui est déterminante du consentement est la constructibilité du terrain, il s’agit donc d’une qualité juridique puisque la constructibilité du terrain emporte de différentes conséquences juridiques par rapport à un « simple terrain non constructible ». Définition dont la Cour de cassation a d’abord usée dans un arrêt du 28 janvier 2009 « les caractéristiques du bien relatives à la constructibilité et à son environnement étaient déterminantes de la décision d'achat et que le consentement des acquéreurs avait en conséquence été vicié pour erreur sur les qualités substantielles du terrain à construire ».
Ensuite par cet arrêt du 12 juin 2014, la Cour de cassation reprend l’élément permettant de caractériser l’erreur posé par l’arrêt du 28 janvier 2009 par sa formule « la constructibilité immédiate du terrain était un élément déterminant du consentement des acquéreurs ». En effet, le consentement des acquéreurs a été vicié, pourquoi ? Pour reprendre la formule de l’arrêt du 28 janvier 2009, les caractéristiques du bien relatives à la constructibilité du terrain, étaient déterminantes du consentement des acquéreurs qui a donc été vicié pour erreur sur les qualités substantielles du terrain à construire.
- La réalité subordonnée à la rétroactivité
La réalité est une notion évolutive qui peut évoluer au cours des évènements. Preuve en est, avec notre arrêt, il est apparu qu’un terrain constructible au jour de la conclusion de la vente, devienne par la suite inconstructible. La situation devient compliquée lorsque l’inconstructibilité du terrain a été décidée postérieurement à la vente de celui-ci par une décision administratif rétroactive. Cette rétroactivité provoque ainsi des évènements en cascade, puisque le permis de construire est censé n’avoir jamais existé, ainsi le terrain est censé lui aussi n’avoir jamais été considéré comme constructible.
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