Commentaire Cass Civ 3e, 23 juin 2021, n°20-17.554
Commentaire d'arrêt : Commentaire Cass Civ 3e, 23 juin 2021, n°20-17.554. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar zeyn.r • 19 Octobre 2022 • Commentaire d'arrêt • 1 770 Mots (8 Pages) • 1 092 Vues
TD de Droit des obligations
Commentaire Civ 3e, 23 juin 2021, n°20-17.554
Le 23 juin 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rend un arrêt autorisant l’exécution forcée des promesses unilatérales de vente.
En l’espèce, deux époux avaient consenti, le 1er avril 1999, à une promesse de vente, à deux époux, tout en précisant que la levée d’option n’était possible qu’après le décès de la précédente propriétaire. Après le divorce des promettants, la femme, devenue attributaire du bien, se rétracte de sa promesse de vente le 17 février 2010. Après le décès de l’ancienne propriétaire, les bénéficiaires de la promesse de vente lèvent l’option le 8 janvier 2011. Ces derniers assignent la promettante en réalisation de la vente, et celle-ci sollicite le rejet de la demande, ainsi que la rescision de la vente pour lésion.
Le litige est emmené jusqu’en cassation une première fois, puis renvoyé devant la cour d’appel de Lyon. Celle-ci, dans un arrêt du 19 mai 2020, déclare la vente parfaite, donnant ainsi raison aux demandeurs, et la défenderesse se pourvoit en cassation.
Celle-ci estime que dans une promesse unilatérale de vente, la levée d’option par le bénéficiaire de cette promesse après la rétractation de celle-ci exclut toute rencontre de volontés réciproques; la réalisation forcée de la vente ne pouvant ainsi être ordonnée. Dès lors, en jugeant, alors qu’elle avait constaté que la levée de l’option avait eu lieu postérieurement à la rétractation de la promesse de vente, que la levée de l’option avait rendu la vente parfaite, la cour d’appel aurait violé les articles 1101 et 1134 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.
Ainsi, une question de droit est soulevée: la levée d’option d’une promesse de vente, après la rétractation de celle-ci par le promettant, permet-elle d’exclure toute rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir?
La troisième chambre civile de la Cour de cassation répond par la négative à la question de droit. Celle-ci soutient que la promesse latérale de vente constituerait un avant contrat contenant les éléments essentiels du contrat définitif. Elle s’appuie sur une interprétation par une jurisprudence antérieure (1ère Civ, 16 janvier 2007, pourvoi n°06-13.983) de l’article 1142 du Code civil, dans ses dispositions antérieures à la réforme de 2016, qui avait retenu que toute partie contractante détient, quelle que soit la nature de son obligation, la faculté de poursuivre l’exécution forcée de la convention lorsque celle-ci est possible. Dès lors, le promettant s’oblige définitivement à vendre, dès la conclusion de l’avant contrat, sans possibilité de rétractation, sauf stipulations contraires. Elle confirme l’arrêt de la cour d’appel de Lyon, rejetant ainsi le pourvoi.
Par cet arrêt, la Cour de cassation donne une justification technique à sa décision (I), qui confirme l’ordonnance du 10 février 2016 (II).
Une justification technique de la Cour
La Cour de cassation donne une justification technique à sa solution, par la redéfinition de la valeur de la promesse de vente (A) et par une mention (non nécessaire) à l’ancienne version de l’article 1124 du Code civil (B).
Une solution en réponse à une incohérence de la jurisprudence
En l’espèce, la Cour de cassation justifie la solution de son arrêt par des arguments techniques, cherchant à abandonner sa « mauvaise habitude » de citer la réforme du droit des contrats du 10 février 2016 afin de justifier un revirement de jurisprudence concernant les contrats formés avant l’ordonnance du 10 février 2016.
Elle fait tout d’abord un rappel de sa jurisprudence antérieure: « la Cour de cassation jugeait jusqu’à présent que, tant que les bénéficiaires n’avaient pas déclaré acquérir, l’obligation du promettant ne constituait qu’une obligation de faire ». Ainsi, étant donné le fait que la promesse de vente ne constituait qu’une obligation de faire, la rétractation de cette promesse ne pouvait donner lieu qu’à des dommages et intérêts, excluant l’exécution forcée. La Cour de cassation, justifie son revirement en requalifiant la promesse de vente comme un avant-contrat qui contiendrait tous les éléments principaux du contrat promis: le promettant ne s’est pas engagé à une obligation de faire (c’est-à-dire à une obligation de consentir au contrat promis si l’option est levée), mais a définitivement consenti au contrat promis, et ne peut ainsi pas se rétracter, sauf s’il avait stipulé une mention contraire dans l’avant-contrat (ce qui n’est pas le cas en l’espèce).
Cette solution se place en réponse à une incohérence entre la jurisprudence concernant les contrats formés avant le 1er octobre 2016 (date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016) et les contrats formés après.
En effet, la jurisprudence, avant cet arrêt, était plutôt constante depuis l’arrêt des consorts Cruz (Civ 3e, 15 décembre 1993, pourvoi n°91-10-199). La Cour de cassation refusait l’exécution forcée des promesses de vente, car celle-ci considérait que la promesse de vente constituait uniquement une obligation de faire: son retrait n’était donc passible que de dommages et intérêts, et pas d’exécution forcée. Cependant, l’ordonnance du 10 février 2016 est allée à l’encontre de cette jurisprudence, par la modification de l’article 1142 alinéa 2 du Code civil: « la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis ».
La Cour de cassation, souhaitant au départ rester sur sa position, a continué à interdire l’exécution forcée des promesses de vente dans ses arrêts
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