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Commentaire d’arrêt Cass. civ., 3e, 7 juin 2018, n°17-15.981

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Par   •  17 Novembre 2021  •  Commentaire d'arrêt  •  2 750 Mots (11 Pages)  •  940 Vues

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  • Commentaire d’arrêt : Cass. civ., 3e, 7 juin 2018, n°17-15.981

        Il s’agit d’un arrêt de la troisième Chambre civile de la Cour de cassation en date du 7 juin 2018 dans lequel il y a une singularité de la délégation dans la mesure où le délégué ne peut opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le déléguant ou des rapports entre le déléguant et le délégataire.

        En l’espèce, une association foncière urbaine (AFUL : le maître de l’ouvrage / délégué) a confié des travaux de rénovation d’un immeuble à une entreprise (Archi Sud : l’entrepreneur principal / déléguant), qui a concédé les menuiseries extérieures à une autre société (société Ebéniste : le sous-traitait / la société sous-traitante / délégataire). Ce sous-traitant avait été agrée par l’association foncière urbaine qui était par ailleurs bénéficiaire d’une délégation de paiement de la part de l’entrepreneur principal. Ainsi, l’association foncière urbaine payait directement le sous-traitant en lieu et place de son cocontractant (entrepreneur principal). C’est dans ce contexte que l’association avait directement versé 35 771,43 euros d’acomptes au sous-traitant.

Or, l’association foncière urbaine, estimant avoir payé des acomptes pour des prestations qui n’avaient pas été exécutées, a assigné en restitution le sous-traitant.

        En première instance comme en appel, l’association obtient gain de cause puisque les juridictions condamnent le sous-traitant à reverser les acomptes. En effet, l’instruction avait révélé que la société sous-traitante ne rapportait pas la preuve que les sommes perçues avaient été employées à l'usage auquel elles étaient destinées.

De ce fait, pour condamner la société sous-traitants à payer à l’association foncière urbaine la somme de 35 771,43 euros, la Cour d’appel de Bordeaux retient que, le 22 juillet 2016, si la délégation consentie par l’entrepreneur principal au maître de l’ouvrage privait ce dernier de la possibilité d’opposer au sous-traitant des exceptions tirées de son contrat avec l’entrepreneur principal, elle ne lui interdisait pas de lui opposer les exceptions inhérentes à la dette de l’entrepreneur principal résultant des travaux sous-traités ou celles résultant de ses rapports personnels avec le sous-traitant. De ce fait, l’association foncière urbaine était recevable à contester les factures comme aurait pu le faire l’entrepreneur principal en l’absence de délégation de paiement.

La société sous-traitante se pourvoit alors en cassation.

  • L’association foncière urbaine peut-elle contester directement le sous-traitant pour des prestations payées non-exécutées, de sorte que le titulaire d’une délégation de paiement doit-il payer son créancier, même s’il est avéré que la prestation n’a pas été réalisée ?

Le 8 juin 2017, la Chambre sociale de la Cour de cassation rend sa décision sur la base du nouvel article 1336 du Code civil, issu de l’ordonnance du 10 février dans lequel « Le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire ».

La Cour de cassation rappelle par ailleurs l’article 1275 du Code civil (version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016). En effet, la délégation de paiement consentie par l’entrepreneur principal à l’association foncière urbaine prive ce dernier de la possibilité d’opposer au sous-traitant ses manquements au contrat.

Ainsi, en vertu de cet article, l’association foncière urbaine ne devrait pas pouvoir demander le remboursement de ses acomptes à la société sous-traitante au motif que cette dernière n’aurait pas correctement exécuté ses obligations de son contrat avec l’entrepreneur principal.

Alors que la Cour d’appel, dans son arrêt du 22 juillet 2016, condamne la société sous-traitante en restitution, la Cour de cassation juge précisément que la délégation de paiement interdit toute opposition au paiement du prestataire que l’association urbaine foncière (le maître d’ouvrage) ne peut donc obtenir le remboursement de ses acomptes.

        Il conviendra d’étudier successivement l'inopposabilité des exceptions en matière de délégation incertaine (I -), puis, les conséquences sur la pratique de la singularité de la délégation de paiement par le délégué (II -).

 

 I – L'inopposabilité des exceptions en matière de délégation incertaine 

        Par cet arrêt du 7 juin 2018, le délégué obtient, dans un premier temps, gain de cause eu égard du remboursement de l’acompte pour inexécution de la prestation de la société sous-traitante selon les juridictions de première instance (A -), puis, cet arrêt confirme une solution antérieure en terme de délégation imparfaite dans lequel le délégué ne peut faire valoir à l’encontre du délégataire les exceptions qu’il pouvait opposer au déléguant (B -).

        A – La demande de remboursement de l’acompte pour inexécution de la prestation dans le cadre         d’un contrat de louage d’ouvrage

        Par cette délégation de paiement, le délégué s’engage à exécuter une prestation déterminée, c’est-à-dire verser un acompte de 35 771, 43 euros à la société sous-traitante, sans prétendre devoir moins et sans pouvoir opposer les exceptions des obligations susceptibles de préexister entre le déléguant et le délégataire ou entre le déléguant et le délégué. Le délégué doit seulement payer la dette à laquelle il s’est référé, avec ses limites éventuelles.

De ce fait, la Cour d'appel énonce que « si la délégation consentie par l'entrepreneur principal au maître de l'ouvrage prive ce dernier de la possibilité d'opposer au sous-traitant des exceptions tirées de son contrat avec l'entrepreneur principal, elle ne lui interdit pas en revanche de lui opposer les exceptions inhérentes à la dette de l'entrepreneur principal résultant des travaux sous-traités ou celles résultant de ses rapports personnels avec le sous-traitant ».  

Or, l’engagement portait sur le paiement des sommes dues au sous-traitant en contrepartie des prestations réalisées à la demande du déléguant (contrat de sous-traitance) pour le compte du délégué. L’entrepreneur principal est le cocontractant du maître d’ouvrage dans le cadre du contrat de louage d’ouvrage et s’engage envers lui à accomplir des travaux de rénovation d’un bâtiment dont la réalisation d’une partie réfection des menuiseries extérieures est confiée par l’entrepreneur principal à un sous-traitant dans le cadre d’un contrat de sous-traitance). Le délégué sollicite donc remboursement des acomptes versés au délégataire (sous-traitant), car ce dernier ne les a pas utilisés pour effectuer les travaux commandés par l’entrepreneur principal dans le cadre du contrat de sous-traitance. En effet, il apparait que le délégataire a encaissé ces sommes indûment et sans qu’aucune prestation correspondante n’ait été effectuée et que les factures produites énumèrent des fournitures dont rien ne permet de savoir si elles ont été utilisées suivant la destination convenue dans l’intérêt du délégué.

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