Commentaire de texte, Le transfert du califat abbasside au Caire (1258-1261)

Commentaire de Texte / Document 3. Le transfert du califat abbasside au Caire (1258-1261)

Le califat abbasside est souvent considéré comme l’âge d’or de la civilisation islamique en raison de la place centrale que celui-ci a occupé dans l’histoire du monde musulman. L’héritage des Abbassides a eu pour origine la politique de ses souverains et l’intense bouillonnement culturel qu’a permise la constitution d’un empire unifié par la culture et, de plus en plus, par la religion. Cependant ce califat se fragilise un premier temps, dès la fin du IXe siècle avec l’apparition des Saffarides au Khorassan, puis au Xe siècle avec les Fatimides d’Afrique. Au XIe siècle, les peuples turcs envahissent progressivement les anciens territoires abbassides mais ils choisissent de maintenir le califat à Bagdad jusqu’au sac de celle-ci par les Mongols en 1258. Le califat abbasside disparait alors quelque temps avant d’être rétabli au Caire par les mamelouks.

Le document que nous avons est un extrait de l’ouvrage Histoire des Califes ou Târîkh al-khulafâ. Il s’agit d’un document narratif véridictif qui décrit un évènement, celui du transfert du califat abbasside au Caire. L’extrait ici a été traduit en anglais de l’arabe par H.S. Jarret  dans History of the Caliphs en 1881. Al-Suyuti né en 1445 au Caire est un savant égyptien connu pour son œuvre abondante. Il fut un éminent savant shafiite et un théologien asharite de renom. Plusieurs tuteurs le formèrent et, dès l’âge de quatorze ans, il avait une solide base religieuse. À dix-huit ans, il reprit l’enseignement du droit chaféiste qu’exerçait son père à la mosquée de Shaykhū. Il se mit assez tôt à écrire et, avant d’avoir atteint la trentaine, ses livres se répandirent très vite hors d’Égypte jusqu’en Inde. Sa renommée le mit bientôt en butte à la jalousie de ses pairs. En 1486, jugeant corrompu le milieu des oulémas, il se retira du monde et cessa de délivrer des fatwas. Ses relations avec le sultan s’envenimèrent et il s’opposa à lui en diverses circonstances et déclina l’offre que lui fit son successeur de diriger la madrassa. C’est en 1501 qu’il se retira totalement dans sa maison de Rawda où il mourut en 1505. Sa sainteté et la valeur scientifique de ses écrits est alors reconnue par tous. D’une façon générale, il rejeta le pouvoir des Mamelouks, ainsi il parait intéressant d’étudier le récit qu’il fait du transfert du califat abbasside au Caire après la chute de Bagdad.

Le califat abbasside avait depuis 762 établit sa capitale à Bagdad et était devenu un puissant empire. Le siège et la chute de Bagdad s’inscrivent dans l’histoire de l’expansion mongole. En effet, à partir de 1206, Gengis Khan constitue l’Empire mongol en un Etat fort, entreprenant de nombreuses conquêtes. Des raids sont menés dans les territoires abbassides, et les Mongols obtiennent des victoires régulières ; à partir de 1241, les Abbassides envoient même un tribut à l’Empire. Cependant, en 1257, l’empereur Qan Möngke, petit-fils de Gengis Khan, décide d’établir un contrôle plus ferme sur toute la Mésopotamie, la Syrie, et l’Iran ; il envoie son frère Hulagu en expédition. Après une conquête victorieuse en Iran, Hulagu envoie des émissaires au calife Al-Musta’sim, demandant la reddition. Celui-ci refusant, les armées d’Hulagu s’approchent de Bagdad ; après plusieurs batailles victorieuses, ils établissent un siège le 29 janvier. 1258 est alternativement, voire parfois même simultanément, présenté comme la fin de l’âge d’or qu’aurait représenté la période abbasside et l’aboutissement d’un long processus de déclin califal, entamé vers les IXème-Xème siècles.

Le texte que nous avons nous fait une description sur le transfert du califat abbasside à Bagdad. D’abord l’auteur nous replace dans le contexte politique du califat au moment de son éclatement c’est à dire un empire gouverné par un calife, Al-Musta’sim qui en réalité est dépendant de son vizir.  Ce calife au pouvoir faible qui de plus sera vicieusement conseillé par un vizir qui complote secrètement contre lui devra faire face à une situation menaçante qui est celle de l’extension des mongols sur leur territoire jusqu’à leur arrivée aux portes de Bagdad. Ceux-ci parviennent alors a entrer dans la ville, pillent et massacrent les habitants de la ville dont les élites, les membres de la famille royale et le calife lui-même qui sera exécuté. Par la suite l’auteur raconte comment un calife descendant des abbassides, Al-Mustansir, sera porté à la tête du nouvel empire établir au Caire sous l’égide de Baybars, un mamelouk qui s’est auto proclamé sultan. Enfin il nous décrit tout le cérémoniel autour du rétablissement du califat et du calife qui est officiellement reconnu comme tel et qui par son tour attribue à Baybars tout les insignes abbassides. Dès lors cette entreprise de rétablissement du pouvoir abbasside au Caire par un mamlouk ne parait pas être une action anodine, cela relevant surement d’une stratégie politique de la part du sultan Baybars.

Ainsi en quoi la reconnaissance du calife abbasside par le sultan mamelouk est-il un moyen de légitimation et de renforcement du pouvoir de celui-ci ?

Le califat abbasside a longtemps été établit à Bagdad afin d’être bouleversé par l’attaque mongole. Cela a provoqué la transfert du califat abbasside au Caire ou il servira réellement à légitimer le pouvoir mamelouk récemment arrivé au pouvoir.

1. Le califat abbasside de Bagdad

1. Un calife établit à Bagdad

Dans un premier temps cet extrait expose la situation du califat de Bagdad ou réside le calife.  Lorsque le califat est renversé par les mongols le calife en place est Al-Musta’sim. Effectivement on parle d’« Al-Musta’sim (…) le dernier des califes des deux Iraks » (l.1). Il a été le dernier calife abbasside n’ayant pas pu résister face à l’invasion mongole. Les Abbassides sont une dynastie musulmane qui succèdent aux Omeyyades et règnent sur le califat de Bagdad de 750 à 1258.

Le calife en Islam est celui qui possède la légitimité de succéder au prophète à la tête de la oumma avec l’idée que celui ci doit permettre l’unité du monde musulman. Al-Mawardi, juriste musulman de l’école chafiite a développé une théorie sur le calife affirmant la nécessité de son existence pour la paix et la religion musulmane à un moment ou les califes abbassides sont dépossédés de leur pouvoir étant dépendant des émirs bouyides. Le Calife doit aussi posséder certaines caractéristiques en tant que défenseur de l’Islam. Il doit ainsi aller dans la voie de Dieu, avoir un comportement pieux et être modeste, tout ces attributs faisant de lui un bon prince. Al-Suyuti propose une description ambiguë du calife car dans un premier temps il attribue à celui ci toutes les caractéristiques requises au bon gouvernement d’un calife. Il dit effectivement « Il était généreux, de tempérament calme, de bonne disposition, et d’une vertu exemplaire » (l.3-4). Il dit par ailleurs que « Le shaykh Qutb al-Dîn dit qu’il était de religion droite, et en suivait les prescriptions comme son père et son grand-père (…) » (l.4-5). Cependant il se livre aussi à une critique du calife. Il dit «(…) al-Musta'sim, absorbé par les plaisirs, ne se préoccupait ni des événements ni du bien public » (l.14-15). Puis « Au contraire, lorsqu’al-Musta'sim arriva au pouvoir, homme dépourvu d’intelligence et de capacité à gouverner(…) » (l.17-18). Ainsi l’auteur semble rejeter une part de responsabilité sur le calife dans la disparition du califat abbasside en considérant que celui-ci n’a pas été un bon gouvernant, qu’il n’a pas mené les bonnes décisions et a ainsi mené à la destruction du califat.

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