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Commentaire droit des affaires

Commentaire d'arrêt : Commentaire droit des affaires. Recherche parmi 301 000+ dissertations

Par   •  26 Février 2025  •  Commentaire d'arrêt  •  2 988 Mots (12 Pages)  •  19 Vues

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Selon Jean Jaurès, « Le premier des droits de l’homme, c’est la liberté du travail. » L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation du 27 mai 2021 illustre alors l'importance de ce principe. En cassant partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 17 mai 2018, elle examine la licéité d’une clause de non-concurrence dans un contrat.                                                                                    

En l’espèce, en décembre 2000, deux sociétés, ayant le même dirigeant et le même siège social, exerçant la même activité de commercialisation de fournitures bureautiques et éducatives, se sont engagées, avec d'autres distributeurs de fournitures, à respecter une charte modifiée le 13 juillet 2004. Cette charte, qui réglementait différents aspects de leurs relations, contenait une clause intitulée « force commerciale » par laquelle chacune d’entre elles s’engageait à n’embaucher, sauf accord explicite et dérogatoire entre les parties concernées, aucun commercial employé par un autre membre du groupement ou ayant été employé par un autre membre du groupement et ayant quitté celui-ci depuis moins d’un an. Les deux premières sociétés ont alors, en violation de la charte, embauché un certain nombre de leurs anciens commerciaux, lesquels avaient démarché leurs clients au bénéfice de leur nouvel employeur.    

Une société concernée par la Charte les a par la suite poursuivies en réparation devant un tribunal de première instance. Suite à cela une partie au jugement a interjeté appel devant la Cour d’appel de Dijon le 17 mai 2018.

Dans un premier temps la Cour d’appel exclut l’application de la clause « force commerciale » aux agents commerciaux non salariés, la limitant aux salariés sous contrat de travail, et rejette ainsi les demandes liées à l’emploi de deux employées.

En outre, la cour d’appel relève que ces sociétés ont enfreint la clause « force commerciale » en recrutant deux autres personnes physiques. Elle explique, dans son arrêt, que cette clause est une clause de non-sollicitation et non de non-concurrence, deux notions distinctes. Par conséquent, le cadre strict applicable aux clauses de non-concurrence ne peut être retenu ici. En outre, la cour d’appel soutient que cette clause ne porte pas atteinte à la liberté de travail et n’est pas disproportionnée, d’autant plus qu’elle prévoit la possibilité de recourir à des accords dérogatoires.                                                  

Finalement la Cour d’appel écarte le  grief de la concurrence déloyale et précise que le salarié concerné était libre de contracter avec d'autres sociétés tant que cela ne constituait pas à une concurrence directe . Elle a donc estimé  que la société demanderesse n'apporte pas la preuve d’un comportement fautif de la société  défenderesse dans l’exécution de son contrat avec une autre personne physique .                                                                                                                                Trois sociétés vont  alors former un pourvoi en cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Dijon .  Une première société conteste par un premier moyen l’interprétation de la cour d’appel, affirmant que la clause devait s’appliquer à toute personne exerçant une activité commerciale, salariée ou indépendante.Par ailleurs, cette même société soutient, dans un troisième moyen, que les sociétés défenderesses ont profité du départ massif de ses commerciaux et de son responsable des achats pour capter une partie de sa clientèle. Elle reproche notamment aux sociétés défenderesses d’avoir confié à ces anciens salariés des missions portant sur des produits identiques à ceux commercialisés auparavant par la société demanderesse ce qui constituerait un comportement déloyal.Enfin, elle reproche à la cour d'appel d'avoir négligé les preuves montrant que les sociétés défenderesses exploitent indûment ses ressources et compétences faisant alors preuve de Parasitisme.  

En outre, deux autres sociétés font alors grief à l’arrêt de la cour d’appel . Elles affirment que la clause présente dans la charte n’était pas proportionnée aux intérêts protégés .Et selon les dudit sociétés la cour d’appel n’aurait pas démontré que la restriction imposée par la clause était proportionnée aux intérêts légitimes qu’elle était censée protéger.

La haute juridiction devait alors répondre à la question suivante.

La validité et la licéité des clauses de non-sollicitation, bien que distincte des clauses de non-concurrence, sont-elles soumises à un contrôle de proportionnalité au regard des intérêts légitimes des parties ?

La Cour de cassation répond positivement à cette question et casse donc l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 17 mai 2018 . La Cour de Cassation précise alors  qu’il s’agit d’une clause de non-sollicitation, distincte d’une clause de non-concurrence, et qu’elle ne se limite pas aux salariés.Elle reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché, comme elle y était invitée, si les restrictions imposées par cette clause étaient proportionnées aux intérêts légitimes qu’elle visait à protéger, notamment en matière de liberté du travail des personnes liées aux entreprises concernées et de liberté d’entreprendre constituant alors une nouveauté dans la jurisprudence de la haute cour en ce qui concerne les clauses de non sollicitation . Finalement, la Cour de cassation critique également la cour d’appel pour ne pas avoir examiné si, en dépit de ces considérations, la société défenderesse n’avait pas commis des actes relevant du parasitisme économique à l’encontre de la société Eurodis, et ce, au regard de l’article 1382 (devenu 1240) du Code civil.

Cet arrêt réaffirme alors les différents outils de protection des employeurs  ( I ) mais vient renforcer l’encadrement  clauses de non sollicitation ( II )

I / La réaffirmation par  la Haute Cour de l’existence de mécanismes de protection des employeurs

La haute juridiction apporte des précisions sur la protection des employeurs en matière de responsabilité extracontractuelle(A) et vient réaffirmer la distinction entre la clause de non-concurrence et la clause de non-sollicitation, mécanismes contractuels assurant la protection des employeurs ( B )

  1. La protection des employeurs par la responsabilité extracontractuelle réaffirmée par  la Cour de Cassation

Dans son arrêt du 27 mai 2021, la Cour de cassation affirme que ,si une entreprise victime du non-respect d’une clause de non-sollicitation peut engager une action contractuelle en demandant des dommages et intérêts, elle peut également agir sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle pour parasitisme. La Cour de Cassation affirme en outre dans son alinéa 16 en cassant l’arrêt de la cour d’appel  que l’absence de clause de non-concurrence n’exclut pas la responsabilité d’une société recrutant un agent commercial détaché de son ancien mandat. Ce dernier repose sur l’idée qu’un acteur économique tire indûment profit des efforts et du savoir-faire d’un autre sans fournir de contrepartie. La Cour de Cassation évoque alors dans son arrêt de l’article 1240 du code civil qui dispose que tout fait quelconque de l’Homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il arrive à le réparer ». En application de ce texte, le parasitisme peut être sanctionné sans qu’il soit nécessaire d’établir un lien de causalité direct entre la faute et le dommage, ce dernier étant présumé facilitant alors l’action en parasitisme . La Cour ouvre ainsi la voie à une action en parasitisme en considérant que le simple fait de recruter un agent commercial libéré de tout engagement pour vendre des produits similaires peut suffire à caractériser un avantage indu. Cette décision élargit la protection des entreprises en démontrant que la clause de non-sollicitation n’est plus l’unique rempart contre le débauchage abusif. Désormais, même en l’absence d’une telle clause, un recruteur peut être poursuivi sur le fondement du parasitisme économique.

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