Commentaire de texte Retours sur « Plaisir visuel et cinéma narratif » inspirés par Duel au Soleil de King Vidor
Commentaire de texte : Commentaire de texte Retours sur « Plaisir visuel et cinéma narratif » inspirés par Duel au Soleil de King Vidor. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar nebuste • 12 Novembre 2021 • Commentaire de texte • 2 104 Mots (9 Pages) • 803 Vues
Théories féministes du cinéma – Analyse de texte
Retours sur « Plaisir visuel et cinéma narratif » inspirés par Duel au Soleil de King Vidor est un article écrit par Laura Mulvey en 1981 où elle revient sur son article fondateur Visual Pleasure and cinema narrative (1975). Ce dernier est considéré comme la première théorie féministe du cinéma qui va servir de base pour toutes les autres théories féministes du cinéma qui vont éclore par la suite. Elle développe que le cinéma reflète l'imaginaire que la société a des différences entre les hommes et les femmes. Ainsi, Laura Mulvey, s'appuyant sur la psychanalyse largement influencée par Freud, développe le concept de « male gaze » qui se rapprocherait du voyeurisme, de la scopophilie et du narcissisme. Elle explique que ce regard masculin existe sous trois instances masculines : le regard du personnage, le regard de la caméra soit le réalisateur et le regard du spectateur. Ainsi, elle revendique son texte comme un texte politique qui tend à vouloir déconstruire ces mécanismes de domination mis en place par la caméra et de ce fait, libérer le regard. Toutefois, cette thèse a fait énormément débats chez les théoriciennes féministes du cinéma lui reprochant notamment de ne prendre en compte que la condition du spectateur masculin, ignorant alors complètement le spectateur féminin.. C'est pourquoi, six ans plus tard, Laura Mulvey écrit un nouvel article, celui dont il est question ici. Ce dernier s'inscrit dans cette nouvelle approche des théories filmiques des années 80 qui s'intéresse à la place de la spectatrice au cinéma, dénonçant alors que le septième art s'adresse généralement au spectateur masculin en répondant à ses désirs. Comme déjà souligné plus tôt, le « male gaze » repose sur trois instances masculines et notamment le regard du spectateur C'est par rapport à ce dernier regard qu'elle souhaite revenir sur son article. Elle fait alors le choix de prendre son article fondateur comme base et d'aller étudier ce qu'elle a laissé de côté : la question de la position de la spectatrice et répondre à la question : dans quelle mesure les spectatrices peuvent-elles s'identifier à un héros masculin ? Pour appuyer son propos, elle va alors s'aider sur un exemple de film mélodrame de western qui est Duel au Soleil de King Vidor sorti en 1946.
L'article de Laura Mulvey peut se diviser en deux grandes parties : la première se concentrant sur la position de la spectatrice dans ce plaisir visuel masculin qu'offrent les films hollywoodiens d'un point de vue théorique et analytique, la seconde se préoccupant de la question du mélodrame pour envisager cette position de la spectatrice et plus précisément les westerns où une protagoniste féminine doit choisir entre deux hommes lui offrant deux destins opposés, s'appuyant sur l'exemple Duel au Soleil de King Vidor. Dans la première partie, le texte s'attache à développer quelle est la place des femmes au sein des spectateurs. Pour cela, Laura Mulvey tente de répondre à la question suivante : Dans quelle mesure les femmes peuvent-elles s'identifier à un héros masculin ? Elle développe alors que la spectatrice, pour qu'elle éprouve du plaisir, serait obligée de s'approprier le regard masculin. Elle dit alors : « La spectatrice peut, secrètement, voire inconsciemment, apprécier la liberté d'action et le contrôle sur le monde diégétique qu'autorise l'identification avec le héros masculin. » Le public féminin pourrait alors trouver une forme de plaisir visuel en s'identifiant au regard masculin. Mais alors de quelle façon ? Pour appuyer son argument, Mulvey reprend la thèse de Freud, déjà utilisé dans son premier article, selon laquelle la féminité n'existe finalement que dans son rapport avec la masculinité : soit comme une opposition où la femme est « passive » et l'homme « actif » soit comme une similarité dans le phallus où l'homme à cette peur de la castration et la femme ce désir du phallus. Ainsi comme la théoricienne britannique écrit : « les films de genre hollywoodiens, structurés autour du plaisir masculin et offrant une identification avec le point de vue actif, permettent à la spectatrice de redécouvrir cet aspect de son identité sexuelle, c'est-à-dire le fondement jamais totalement refoulé de la névrose féminine ». Ainsi la spectatrice Laura Mulvey met ensuite en lumière cette idée que la femme a depuis toujours cette habitude d'une identification « transgenre » depuis toujours dans la société dans laquelle elle vit et qu'elle applique donc lorsqu'elle voit un film. Les récits hollywoodiens, comme elle le souligne déjà dans son premier article, se construisent de la même façon que notre société et suivent notamment cette idée d'actif/passif développée par Freud. Ce qui explique que la femme arrive aussi facilement à s'approprier le regard masculin car c'est ce qu'elles connaissent au quotidien. Elle relève alors trois éléments qui expliquent cette facilité : le concept de « masculinité » chez la femme développé par Freud, l'identification aux protagonistes masculins actifs et féminins dans l'attente passive, liée à la structure de récits narratifs des films hollywoodiens et le désir du « moi » de se voir de manière active. Tous ces éléments montrent alors que cette identification transgenre devient comme une seconde nature chez la femme. Ainsi la femme en tant que spectatrice peut éprouver du plaisir en s'appropriant le regard masculin qui lui offre un espace de liberté, cet « actif » et ce contrôle qu'elle ne possède pas au quotidien. Toutefois, ses désirs, sa subjectivité seraient alors reniés, refoulés, censurés puisqu'elle n'atteint ce plaisir visuel qu'au travers de cette identité transgenre ou en adoptant une vision masochiste.
Dans la seconde partie, Laura Mulvey se concentre sur le mélodrame en général et plus particulièrement, les western où l'on retrouve un personnage féminin principal qui fait face à une crise d'identité sexuelle pour envisager la place de la femme en tant que spectatrice. Cette crise se traduit dans les films par ce dilemme qu'elle doit affronter : choisir entre 2 hommes, lui offrant deux destins complètements opposés. Et ce dilemme se retrouve alors être finalement le même pour la spectatrice coincée entre « passivité féminine et masculinité régressive ». Pour développer son argumentation, elle s'appuie notamment sur le concept de « fonction du personnage » inspiré de Vladimir Propp et son ouvrage Morphologie du conte et prend pour exemple le film Duel au Soleil de King Vidor. Son choix de film s'explique notamment par la trame narrative où en effet, la protagoniste féminine, Pearl qui est le personnage central du récit, est partagée entre deux hommes présentant chacun différents aspects de son désir et son aspiration. En effet, Laura Mulvey explique que le mariage est clôture les récits dans les contes proppien mais aussi dans la plupart des western du cinéma classique hollywoodien. Toutefois, elle développe que dans les westerns, son opposé est possible aussi, compliquant ainsi l'histoire narrative. C'est le cas dans les films sur lesquels elle s'appuie et notamment Duel au Soleil puisque Pearl est partagée entre Lewt, lui offrant une vie plutôt hors-la-loi et Jesse, une vie conforme aux attentes sociales. Ce désir pour ces deux hommes représente cette discorde intérieure : l'un qui représente « le symbolique » avec le choix d'une vie attendue d'épouse et mère et l'autre qui représente « le narcissisme nostalgique » avec le choix d'une vie hors-la-loi et marginale. Dans les deux cas, Mulvey souligne que la femme n'a pas une meilleure place dans l'une ou dans l'autre. En effet, elle écrit : « En dernier ressort, il n'y a pas plus de place pour Pearl dans le monde machiste et misogyne de Lewt qu'il n'y en a pour ses désirs en tant que fiancée potentielle de Jesse ». Le personnage subit alors de constantes fluctuations dans son identité sexuelle et c'est ce qui se passe aussi pour la femme en tant que spectatrice à partir de l'instant où « elle accepte momentanément le processus de « masculinisation » en souvenir de sa propre phase « active ». » Ainsi, toujours dans une approche psychanalytique fortement inspirée de Freud, Mulvey montre alors, avec ce film, que la spectatrice possède une position singulière grâce à cette identification transgenre aux héros masculins que j'ai déjà mentionné plus tôt et cette appropriation masochiste du regard masculin. Cependant, les deux possibilité pour cette dernière d'atteindre un plaisir visuel ne va pas sans un sentiment d'amertume qui se traduit à l'écran par cette héroïne en proie à une certaine souffrance liée à sa crise d'identité sexuelle. La première, Duel au Soleil l'illustre bien, comme le souligne Laura Mulvey à la fin de son article : « Au lieu d'incarner la réussite de l'identification masculine, Pearl pointe la tristesse qui en découle. Ses plaisirs de « garçon manqué » et sa sexualité ne sont pas complètements acceptés par Lewt, excepté dans la mort. » La seconde ne permet pas non plus d'atteindre une satisfaction pleine comme elle dit ainsi : «la masculinisation fantasmatique de la spectatrice est en contradiction avec elle-même et demeure, dans son costume d'emprunt, en proie à l’inquiétude. »
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