Zone commentaire du texte
Commentaire de texte : Zone commentaire du texte. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Ame Kc • 7 Décembre 2022 • Commentaire de texte • 4 485 Mots (18 Pages) • 282 Vues
Analyse de « Zone »
INTRODUCTION
- Présentation succincte de l’auteur et de son œuvre :
Suivant en cela le mouvement initié dans l’art pictural par ses amis cubistes auquel il consacre en 1913 un volume intitulé Les Peintres cubistes et dans lequel il réunit des articles consacrés à Pablo Picasso, Georges Braque, Fernand Léger ou Francis Picabia, Apollinaire devient l’un des précurseurs de la révolution littéraire de la première moitié du XXe siècle. Il annonce le surréalisme dont il est l’inventeur du terme. Selon lui, la création poétique résulte de l’imagination, de l’intuition. Publié également en 1913 et n’obéissant à aucune règle apparente de construction, Alcools est un recueil qui place le renouvellement des formes poétiques au cœur de son projet. C’est l’absence de ponctuation sous l’influence de Blaise Cendrars, le recours au vers libre, l’utilisation de procédés de composition à la manière des peintres cubistes, le développement de thèmes urbains, l’introduction des objets emblématiques de la modernité comme l’automobile ou l’avion. Pour autant, cet engagement dans la modernité n’est pas complètement enthousiaste. La modernité a ses manques. La poésie d’Apollinaire fait écho à cela en s’inscrivant aussi dans une certaine tradition et en développant un regard porté sur le monde contemporain qui n’est pas dénué d’inquiétude. Le poème « ZONE » en est l’illustration.
- Présentation du poème :
« Zone » ouvre le recueil d’Alcools qu’Apollinaire publie en avril 1913. Cette place liminaire indique bien toute l’importance que le poète accorde à ce poème, dans lequel il voit, en effet, un texte novateur concentrant en lui une partie des propositions esthétiques et des thèmes qui seront développés par la suite.
Le titre d’ailleurs, qui trouve son origine dans le grec « zoné » dont le sens est « ce qui ceinture », affirme la position d’ouverture du poème : ce texte ceinture le recueil, il est la première étape d’un voyage, la périphérie. Ce titre est aussi une indication sur l’univers qui va se déployer. En effet, de 1840 à 1935, la zone désigne pour les Parisiens le terrain inconstructible s’étendant entre le mur d’enceinte des fortifications de la capitale et le début de la banlieue. C’est donc un espace vierge, interdit, sur lequel Apollinaire va pouvoir symboliquement être libre de bâtir des monuments poétiques nouveaux, sans la contrainte imposée par une architecture littéraire préexistante. La zone, c’est aussi un espace marqué par l’absence d’un centre, un terrain vague privé d’un point fixe auquel se rallier. Sur le plan grammatical, on remarque que le nom commun n’est pas précédé de son déterminant prenant ainsi une valeur de nom propre, celui d’un programme, d’un concept. Libre au lecteur d’explorer les multiples possibilités offertes par cette zone pour en restituer la valeur pleine, celle d’un programme esthétique.
PASSONS MAINTENANT A LA LECTURE DES VINGT-QUATRE PREMIERS VERS DU POÈME
- Présentation des caractéristiques formelles :
Ce début de « zone » nous place dans un poème ne respectant pas du tout les règles traditionnelles de composition. En effet, on remarque une distribution inégale des strophes obéissant peut-être à une composition crescendo : trois premiers vers isolés par des blancs typographiques suivis d’une strophe de 3 vers, d’une autre de 8 et enfin d’une dernière comprenant 10 vers. Ceux-ci sont irréguliers allant de l’alexandrin initial : « A la fin tu es las de ce monde ancien » à un vers d’une ampleur peu courante : « Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d’aventures policières », comptant pas moins de 25 syllabes (comme le prix du journal). On peut trouver ainsi des vers pairs comme des vers impairs réservés plutôt jusqu’à Verlaine au domaine du chant lyrique pour des questions de musicalité. Concernant les rimes, le marqueur habituel du genre poétique, on note un respect très relatif de la rime. Tantôt, elles sont plates comme avec « religion/ »Aviation ». Tantôt, constituées du retour en final d’une même voyelle accentuée, elles se présentent comme de simples assonances : « ancien/matin » (v.1 et 2) ; « Christianisme »/ »Pie X » (v.7 et 8). Elles peuvent aussi ne pas apparaître comme dans les vers 17, 23 et 24, créant ainsi un effet de surprise.
Avec tout cela, le lecteur est libre de pouvoir scander ces vers selon son bon vouloir quitte à opérer des élisions comme avec « vivr’ dans » au lieu de « vivrE dans » ou à prolonger le mot par des diérèses comme avec « anci-ennes » ou « polici-ères ». L’absence de ponctuation participe également de cette liberté mais oblige aussi le lecteur à soigner sa lecture en marquant les accents d’intensité qui, avec la coupe, constitue pour Apollinaire la seule et véritable ponctuation.
- Découpage et projet de lecture :
Pour analyser ce début de « zone », nous allons opérer un découpage qui ne suit pas le schéma strophique. C’est ainsi que les trois premiers vers seront regroupés. Ils sont le lieu d’une réflexion faite à soi-même sur le monde et évoquent de manière plutôt outrée la lassitude du poète, son refus de toute forme de complaisance à l’égard du passé. Les deux strophes qui suivent marquent la supériorité paradoxale de la foi chrétienne perçue comme plus moderne que le monde contemporain gagné par le vieillissement. Enfin, la dernière strophe développe la restitution apparemment exaltée -mais l’est-elle vraiment ?- du spectacle offert par « une rue industrielle ».
Mon projet de lecture consistera donc à présenter le rapport à la fois enthousiaste et critique du poète vis-à-vis de la modernité.
ANALYSE
1e partie : la lassitude du monde ancien
Avec l’emploi du présent de l’indicatif : « tu es », « bêle », « tu en as assez », la présence d’un destinataire sous la forme « tu » qui semble être le narrateur lui-même, nous sommes placés dans un dialogue intérieur dans lequel un constat est fait par deux fois sous la forme d’une reprise synonymique : « A la fin tu es las », « Tu en as assez ». Il s’agit pour l’énonciateur s’adressant à lui-même de fustiger le passé : « A la fin tu es las de ce monde ancien ».
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