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4486 | Chap I - La naissance du protestantisme
- Pierre JANTON confirme le fait que les Historiens s’entendent sur l’âge de la Réforme située sur la période 1517-1560.
- L’affichage des thèses de Luther en 1517 puis son excommunication en 1521 font de son fief de Wittenberg le véritable centre d’expansion de la Réforme dans la plus grande partie de l’Europe.
- Cependant l’auteur précise que « La Réforme n'a pas commencé en 1517 et n'est pas l'œuvre du seul Luther » (empl 261). Ce phénomène est complexe et ne s’explique pas par le simple fait de la décadence de l’Eglise institutionnelle.
- Il s’agit d’étudier les situations historiques et culturelles dans lesquelles apparaissent les comportements religieux pour tenter de les comprendre, c’est l’objet des sections suivantes.
- Le moyen âge marque un écart entre la chrétienté et L’Église.
- Des voix contestataires, de Wyclif à Hus soulignent l’opposition entre le comportement du Pape et le modèle du Christ.
- Dans les débats qui opposèrent les théologiens des deux camps, les réformateurs inspirés par Augustin ont proposé une doctrine de la prédestination.
- C’est leur approche millénariste qui va les conduire à voir en l’Église romaine l’image de la grande prostituée de l’Apocalypse et le pape comme étant l’antichrist.
- Les deux siècles qui précédent la Réforme rendent l’image de la mort omniprésente (grande guerre, grande faim, grande peste) ; la littérature de cette époque atteste de l’obsession du mal, de la crainte de l’enfer en pleine crise de la papauté. Surgissent alors des questions essentielles : « qui faut-il croire et que faut-il croire ? » (empl. 518).
- Cependant la ferveur religieuse est débordante et l’engagement religieux impressionnant, une ville comme Cologne (300 000 hab) compte plus de 100 églises dont une seule engage plus de 100 prêtres.
- Or, les populations confessantes sont enfermées dans une religion du geste qui tourne à la superstition voire aux actes magiques.
- La Réforme va opérer un transfert du sacré, du geste vers la Parole, de sorte que le sacré ne soit plus associé à la matière mais à l’esprit, Parole de Dieu qui se révèle dans la Bible.
- L’auteur poursuit donc avec la controverse sur la messe et la pénitence, et souligne que le renouveau ecclésiologique et théologique qui nait de la Réforme est plus la conséquence de cette prise de conscience que la vérité se trouve dans la Parole, que la cause de la rénovation des pratiques de la messe.
- Il nous montre ensuite qu’il ne faut pas voir ce renouveau comme figé dans l’histoire.
- En amont, il hérite dès le XIIe s. de prédicateurs revendiquant une foi personnelle authentique tel que Pierre de Bruis. Une unité, une évolution se dégage dans la manière d’appréhender le sacré de sorte qu’on a pu dire : « Wyclif engendra Hus, Hus engendra Luther » (empl 816).
- En aval c’est la proclamation d’une l'Église, « réformée mais toujours à réformer ».
- Concernant l’autorité de la Parole, Luther impute à l’Écriture un statut d’infaillibilité, elle est la source de toute autorité dans l'Église. Ses détracteurs romains lui opposèrent l’autorité de la source, à savoir que pour les scolastiques, l’autorité était constituée d’un tout indifférencié : les Saintes Écritures désignent pour eux également les écrits des Pères, les canons des conciles et autres décrets pontificaux.
- Wyclif sera le premier à entreprendre un travail de traduction porté par l’imprimerie et l’alphabétisation. L’interprétation individuelle est sollicitée, la médiation de l’Église remise en question.
- Luther s’empare du sujet et l’accentue en mettant en évidence le rôle du Saint-Esprit et l’importance de la Parole reçue et la distinguant de la Parole externe entendue.
- Si tous les réformateurs s’entendent sur le fait que le sacré ne s’identifie pas à l’Écriture elle-même, mais la transcende, des nuances apparaissent pour définir les rapports entre la Parole et la raison. L’auteur remarque que la « Parole, […] Christ vivant n'est plus contenue seulement dans l'Écriture mais se confond avec la conscience et parfois la raison individuelle. La Réforme a libéré le sujet. » (Empl. 901).
- L’humanisme est une autre source d’inspiration pour Luther et la Réforme en général puisque jusqu’en 1524, les deux mouvements ont paru se confondre. « Tous les humanistes cependant ne devinrent pas des réformateurs, même si presque tous les réformateurs ont passé par une phase humaniste » (empl. 970).
- Ces derniers usent de leurs outils comme l’approche critique, philologique, les langues anciennes, le nouveau testament d’Erasme, etc.
- Mais l’humanisme n’est pas une religion à l’inverse de la Réforme. Et des divergences profondes les sépare sur le libre arbitre de l’Homme.
- Se forme alors un pôle de réformateurs orthodoxes et un pôle de réformateurs libéraux « qui appliquent à la spiritualité les principes légués par l'humanisme » (empl 1003).
- Mais la répartition des courants de la Réforme est plus complexe que cette seule représentation en deux pôles. Le tableau grossier que dresse Janton est le suivant (en partant de la droite) :
« l'Église de Rome, […] le luthéranisme et l'anglicanisme avec des nuances conservatrices et modérées, le calvinisme avec des modérés et des libéraux, puis un éventail de radicaux couvrant des libéraux, des révolutionnaires et des anarchistes » (empl 1067).
- Malgré les différences qui relève d’une volonté de rupture plus ou moins grande avec l’Église institutionnelle, les Protestants bâtissent leur unité sur des principes fondateurs (les 5 sola).
- Déjà ces principes étaient teintés de nuances dans leur acceptation, comme le réclamaient certains anabaptistes et sociniens, et l’auteur de faire remarquer que ce qui définit le mieux la Réforme tout comme le protestantisme est davantage son mouvement que ses positions.
La suite de l’ouvrage consiste donc à explorer les 4 voies suivantes comme quatre courants qui transportent les mêmes eaux. La Réforme prendra des intonations différentes selon la voix de ceux qui porteront son message et des visages différents en fonction des contextes et des récipiendaires tous différents également selon les lieux où ces eaux circuleront.
Chap II - Luther et la voie luthérienne
- Pierre Janton nous présente Luther comme un des plus grands théologiens du christianisme à la personnalité tumultueuse et attachante. Quand il pose les grands principes de la spiritualité protestante entre 1517 et 1522, c’est dans la ferveur d'une expérience religieuse intense. « En ce sens, tout le protestantisme est luthérien car il procède d'une certaine relation avec Dieu » (empl. 1156).
- La biographie du théologien est passée brièvement en revue pour insister sur sa recherche effrénée et obsédante du salut, mais il s’épuise des efforts de la théologie thomiste, s’enlise dans les propositions d’Occam, ne parvient à vivre de celles d’Augustin. C’est l’étude de la Bible qui signera sa délivrance avec notamment celle des Romains et le v. 1,17 « Le juste vivra par sa foi ». Il découvre qu’en Dieu « tout est don immérité et imméritable de la grâce » (empl. 1212).
- Dans la théologie de Luther, l’idée centrale nous ramène toujours au pardon gratuit du pécheur, c’est la justification par la foi.
- Le fruit qui découle de cette grâce est la certitude du salut, question sur laquelle la théologie médiévale ne savait pas se prononcer.
- S’appuyant principalement sur le traité de la liberté chrétienne (sans le citer explicitement) l’auteur développe la conception des œuvres luthériennes ; « ce ne sont pas les bonnes œuvres qui rendent bon, mais l'homme bon qui accomplit les bonnes œuvres » (empl 1438). Et montre comment dès 1520 la barrière entre le religieux et le profane est abattue pour impliquer chacun dans une nouvelle dimension de la responsabilité morale ou chaque individu se trouve soumis à l’autre tout en étant « maitre de tout et soumis à personne ».
- Il termine avec le sacerdoce universel qui prône un seul état spirituel pour l’ensemble de la chrétienté. Après un historique des écrits du réformateur qui évoque ce sujet, Janton s’interroge sur l’optimisme de Luther qui semblait lui faire espérer une réconciliation avec Rome. Mais ce thème est pour Janton le symbole même du clivage profond qui marquera l’identité du protestantisme car le sacerdoce universel découle de la doctrine de justification par la foi alors que l’Église catholique s’édifie sur l’idée de la médiation.
- Cette deuxième partie du chapitre aborde le luthéranisme. Pour Luther, seul le Christ est fondateur de l’Église, mais ses contemporains « ont appelé luthérienne l’Église réformée selon ses principes » (empl. 1565). Auteur d’une œuvre écrite colossale et influente, il délègue la gestion des églises à des administrateurs, forme des disciples qui diffuseront ses idées au-delà des frontières de l’Allemagne. Mélanchthon et Bugenhagen furent deux de ses plus fidèles collaborateurs.
- C’est en 1580, donc après la mort de Luther que sont rassemblés dans le Livre de concorde les symboles normatifs de l’Eglise luthériennes, il regroupe entre autres avec la confession d'Augsbourg (1530), Le Petit et le Grand Catéchisme (1529), la Formule de Concorde (1574-1580) qui affirme ses spécificités face au calvinisme montant.
- Les principes structurants du luthéranisme reposent sur la parole et les sacrements.
- L’Écriture constitue la norme de tout enseignement. « Christ et la Parole sont virtuellement interchangeables » (empl 1770). Pour Janton, le fait que Luther propose un classement des livres de la Bible, le distingue du littéralisme ou du fondamentalisme.
- Pour les sacrements, l’auteur s’attachera essentiellement à montrer la spécificité luthérienne face aux autres réformateurs. Sans maintenir que les éléments soient substance divine dans l’eucharistie, Luther ne renonce pas pour autant à une présence corporelle du Christ en cet instant. Si l’eucharistie dans le culte luthérien en devient ainsi le sommet, « elle est l'inverse d'un sacrifice puisque offerte par le Christ au croyant » (empl 1853).
- Église et vie chrétienne clôturent ce premier parcours. L’Église luthérienne est bâtie sur l’héritage de la vision de la double réalité de l’Église de Luther : « la chrétienté spirituelle, intérieure » et « la chrétienté corporelle, extérieure » ainsi que sur son insistance de l’expérience personnelle. Aussi le luthéranisme, conclu l’auteur, basé sur ces valeurs et fondé sur la Parole, s’apparente davantage à une spiritualité qu’à une religion.
Chap III - La voie réformée
- Le sentiment religieux de Luther à Calvin
- Sur la base des grands écrits réformateurs de Luther alors qu’il ne s’inquiète pas trop de structurer un modèle ecclésial, d’autres leaders charismatiques vont véhiculer ses idées ailleurs en Europe en y apportant toutefois quelques nuances (notamment sur l’eucharistie). Ceux-ci constituent, « une voie du milieu » entre les luthériens plus proches de l’Eglise romaine et les radicaux prônant une Église à l’écart de la société profane.
- Janton remarque alors qu’en vidant définitivement le sacrement de ses vertus sanctifiante, les réformés en opèrent le transfert vers l’Eglise visible tombant souvent dans le piège d’une exigence éthique et d’une sacralisation proche de la démarche radicale.
- Ulrich Zwingli
- Zwingli, parti très tôt dans le sillage de Luther initie une première branche de la réforme en Suisse à partir de Zurich, il est le père du courant réformé. La confrontation de Marbourg en 1529 avec Luther révèle quatorze points d’accord et signe leur divergence sur l’eucharistie.
- Arrivé comme Curé à Zurich en 1519, il passe au luthéranisme en 1520 où il pousse la ville à la Réforme sans grande opposition. Il s’ouvre ensuite à une coopération avec le pouvoir pour l’administration de l’Eglise.
- Les Anabaptistes qui ont rejoint les rangs du réformé zurichois exigent une église séparée du monde profane et l’engagement par le baptême. Devant le risque de rupture sociétale fort que représente l’abandon du pédobaptême, Zwingli favorise des lois qui déclarent le baptême d’adulte illégal à partir de 1527 contraignant les anabaptistes à l'exil ou à la mort.
- La théologie de Zwingli tient en deux principes fondamentaux qui sont « l'autorité suprême de l'Écriture en tant que Révélation et la souveraineté absolue de Dieu dans l'élection et la grâce » (empl 2343). Zwingli veut démontrer la rationalité de la foi tout en maintenant la dépendance à l’Esprit de Dieu pour éclairer sa Parole. Mort trop tôt en 1531 à la bataille de Cappel, son œuvre inachevée annonce celle de Calvin.
- Henri Bullinger (1505-1575), succède à Zwingli ; véritable artisan de l’unité du camp réformé helvétique, le volume de son activité littéraire et épistolaire atteste l’importance de son rôle dans le processus réformateur de son époque.
- Calvin et le calvinisme
- Pierre Janton introduit Jean Clavin par une courte biographie, il rappelle son origine laïque et humaniste, sa formation de juriste à Orléans, son intérêt pour Luther qui lui vaut l’exil, et enfin sa conversion et l’affaire des placards en 1534 qui le motive à la rédaction de l’Institution de la religion chrétienne qui s’achèvera en 1559. Même si la doctrine de Clavin n’innove guère, Janton admet : « Luther a donné la Réforme ; à la Réforme Calvin a donné une théologie » (empl 2538).
- Le principe fondateur du calvinisme est celui de la souveraineté et de la majesté de Dieu : « à lui seul la gloire ». Calvin voit en Dieu l’image du Père, en faisant des choix autres que ce qui est prescrit dans sa Révélation, l’homme s’expose à l’idolâtrie.
- Car bien que l’on puisse connaitre Dieu par instinct inné, c’est par l'Écriture que Dieu a choisi de se révéler précisément, et il nous l’atteste par le témoignage intérieur du Saint Esprit.
- Tout comme Luther et Zwingli, Calvin rejette le libre arbitre sans pour autant faire de Dieu l’auteur du mal. « Le fait que Dieu domine sur les méchants ne signifie pas qu'il les inspire » (empl 2690). Dans la sotériologie de Calvin, l’homme n’intervient pas dans son processus de salut, Dieu accompli tout-Lui-même en son Christ divin.
- Et la prédestination est l’application du principe de souveraineté de Dieu à l’œuvre du salut, non pas le principe formateur du calvinisme lui-même. Elle conçoit au-delà de tout entendement humain que Dieu ait choisit par avance ceux destinés à la vie éternelle et ceux à la damnation. Arminius qui tenta d’assouplir la position de Calvin fut désavoué au synode de Dordrecht en 1619. Janton souligne la force de cohésion et de résistance que génère une telle doctrine au sein des groupes surtout en période d’oppression comme ce fut le cas à sa création.
- Calvin n’est pas dans l’attente eschatologique de Luther, Il pense donc une Église concrète qui se déploie dans l’Europe de son temps, indépendante de l’Etat, constituée d’assemblées locales regroupées en provinces et régies par un synode national. Pasteur, anciens et diacres animent localement la vie des églises.
- Les sacrements occupent une place totalement spirituelle dans une théologie calviniste. La nuance devient si faible entre la Cène calvinienne et la notion de repas commémoratif de Zwingli qu’aujourd’hui encore, c’est bien souvent la Parole qui constitue le centre du sacrement dans la liturgie des Eglises réformées.
- Pour aborder le calvinisme et son évolution sociale,
- Janton fait remarquer sa caractéristique à se considérer comme doctrine ouverte dès ses premiers instants pour permettre le pluralisme qui caractérise ce courant.
- C’est ensuite au travers de l’épopée du réformateur écossais John Knox qu’il montre comment le calvinisme a su s’adapter à des situations d’oppression « capable de devenir une machine révolutionnaire » ( empl. 2958) capable de tirer un peuple vers la démocratie.
- Il conclura sur l’aspect de son « génie organisateur » (empl 2995), sa capacité à apprécier la spiritualité au sein de la société pour la tirer sans cesse vers le progrès.
Chap IV - L'anglicanisme et la « voie moyenne »
- C’est au travers du titre « le fait du prince » que le courant d’Angleterre nous est présenté car il a comme caractéristique d’avoir été imposé par un acte d’état, celui d’Henri VIII, en 1534 reconnu comme « chef suprême sur terre de l'Église d'Angleterre appelée Anglicana Ecclesia » (empl 3068).
- Cet acte renouvelé à quelques nuances près au profit d’Elisabeth I, lance le pays dans une Réforme qui n’est donc pas l’initiative de grands penseurs mais qui devra néanmoins s’institutionnaliser par le biais d’hommes brillants tel Thomas Cranmer.
- La Réforme anglaise est le fait d’un double mouvement qu’il faut apprécier dans son interdépendance anglican et puritain.
- Sans théologien de référence, c’est le Prayer Book qui permet, grâce à ses variations liturgiques, d’apprécier les modulations de la théologie anglicane.
- De la Réforme anglaise à la Réforme anglicane : vers un protestantisme catholique
- La réforme anglaise n’est cependant pas exempte de tensions. La rupture du roi avec le catholicisme sert d’abord ses intérêts personnels et il ne se prive pas de brûler quelques luthériens trop en vue. Les idées de Wyclif et de Luther circulent d’abord clandestinement. C’est par les décrets de son fils, appuyés par des débats sur la transsubstantiation avec le concours de réformateurs continentaux dans les années 1550, que la population transitera de cœur vers des pratiques protestantes.
- La transition a pu s’opérer grâce à Cranmer qui avec la rédaction du Prayer Book dans un esprit de compromis (autorité des Écritures et continuité de la Tradition), fera de la liturgie anglicane la démonstration que « l’essentiel de la foi n'est ni le dogme ni le rite mais le Christ » (empl. 3199).
- Des exposés plus systématiques de la doctrine anglicane ont eu lieu avec John Jewel (1522-1571) pour faire face à Rome ou avec Richard Hooker (1554-1600) pour résister aux attaques calvinistes venues d’Écosse et qui cherchaient à imposer ce modèle au voisin anglais. Celui-ci dans son argumentation place l'Église et la Bible sous le contrôle de la raison.
- Anglicans et Puritains sont deux composantes essentielles du monde anglo-saxons. L’anglicanisme s’est répendu dans tout l’empire alors que les puritains, persécutés, ont fuit en Amérique fonder des colonies.
- L’ecclésiologie anglicane et puritaine est différente en ce que leur approche des Écritures est différente dès qu’il s’agit de traiter des autres sujets afférents au salut. Pour l’anglican, ce qui n’est pas écrit est permis ou soumis à la raison, pour le puritain, ce qui n’est pas écrit est interdit. Ces derniers ont donc la même vision pour l’Église visible et invisible, Dieu n’est accessible que par l’Esprit au travers de sa Parole. Pour les premiers, le visible régit les réalités ecclésiales accessibles à la raison, il est subordonné à l’invisible, siège de la communion des saints.
- Les sacrements sont également un point de divergence. Si les deux parties rejettent la transsubstantiation et la consubstantiation, les anglicans accordent un effet salvifique aux sacrements.
- Une mise en perspective achève le chapitre :
- L’anglicanisme qui se voulait comme une « voie moyenne » réalisait-il la précarité de son équilibre entre un humanisme optimiste confiant en la raison et le pessimisme radical de Luther et de Calvin ? Aujourd’hui la communion Anglicane a évolué vers une unité non centralisée, une confession de foi réduite au symbole des Apôtres et de Nicée et ne retient que les deux sacrements du baptême et de la cène.
- Le puritanisme pour sa part met l’accent sur le péché dans l’homme et dans le monde, recherchant la gloire Dieu, il conteste celle des puissants de ce monde. Les puritains seront à l’origine des congrégations Quakers et Baptistes au XVIIe s en Amérique qui joueront un rôle important dans l’histoire du protestantisme.
Chap V - La Réforme radicale ou la quatrième voie
- La Réforme radicale qui a contre elle autant catholiques que protestants prône trois principes de base : (1) une adhésion volontaire à l’Eglise, (2) séparation totale de l’Église et de l’état et (3) liberté d'interpréter le christianisme en dehors des dogmes et des orthodoxies. Sans organisation notoire, ce mouvement désigné comme 4e voie de la Réforme contient en germe son pluralisme.
- Thomas Müntzer et les Anabaptistes : Depuis la fin du XIVe siècle un mouvement millénariste assimile Rome à l’Antichrist et annonce le retour imminent du Christ et sa victoire sur l’ennemi.
- Thomas Müntzer (vers 1490-1525), reconnu par Luther en 1520 et nommé prédicateur s’inspire de ce mouvement mais juge l’attitude luthérienne face à l’état trop timorée. Pour Müntzer, le peuple doit devenir l’instrument du jugement de Dieu. Chassé de plusieurs villes, sévèrement réprimé par Luther, il soutiendra la révolte paysanne et sera exécuté le 27 mai 1525.
- A la même époque les anabaptistes à Zurich revendiquent également un séparatisme qui sera durement réprimé par Zwingli comme vu au chap. III.
- Menno Simons (1496-1561) leader charismatique anabaptiste, milite pour une Eglise pure et une pratique du culte au plus près d’une lecture littéraliste des Écritures. Écartant le baptême des enfants au prétexte qu’il est « contraire à la nature, à la raison et à l'Écriture ». Ce n’est pas sans malice que Janton relève qu’« on voit ainsi qu'une lecture littérale n'est pas incompatible avec un certain rationalisme » (empl. 3807).
- La spiritualité radicale traduit le désir d’une expérience religieuse directe. Elle est née à Wittenberg et à Zurich et veut rénover l’Eglise. Elle reproche aux luthériens d’enseigner une doctrine plutôt que de convertir. Et l’auteur de conclure assez sévèrement : « [son] anti-intellectualisme permet aux classes modestes de trouver une compensation sociale mais, au contraire du calvinisme, il ne leur donne pas le désir de s'élever » (empl. 3879). Mouvement très fragmenté, c’est au travers du mennonisme que naitra ensuite le Baptisme au XVIIe siècle.
- Les spiritualistes, sont des individualistes en rupture avec l’état et chassés des Eglises. « attaqués au nom de l'orthodoxie, ils en contestent l'autorité au nom d'une norme supérieure à l'Écriture, celle de l'Esprit » (empl. 3911). Ces penseurs issus du clergé ou du monde laïc apporteront beaucoup au protestantisme. Les trois plus célèbres sont Joris, Denck et Schwenckfeld.
- David Joris (vers 1501-1556) quitte les rangs de l’anabaptisme qu’il juge trop violent. Et fonde en 1536 un parti Davidiste d'inspiration millénariste. Il met l’accent sur l’Esprit révélateur qui s’adresse directement à l’homme ou interprète l’Écriture. C’est exilé depuis Bâle sous un faux nom qu’il produira ses ouvrages.
- Hans Denck (vers 1495-1527) humaniste compétent fût d’abord apprécié des réformateurs avant d’être désavoué par Bucer suite à ses connivences avec le milieu anabaptiste. Deck définit une théologie basée sur l’œuvre du Saint-Esprit et conteste le principe de l’Écriture seule. Il réfute la prédestination assumant le libre arbitre de l’homme.
- Alors que Sébastien Franck (1499-1542) rejette d’un bloc l’Eglise institutionnelle en mettant l’accent sur la révélation et l’expérience personnelle, Caspar Schwenckfeld (1487-1561), va élaborer une théologie autour de l’eucharistie en faisant de la Cène un acte symbolique mais crucial qui permet au croyant, même pris dans un cadre individuel en dehors de tout espace institutionnel, d’être joint à l’Eglise invisible en s’identifiant au corps éternel du Christ.
- Les rationalistes
- Les réformateurs italiens et en particulier Michel Servet qui publie sa première critique de la Trinité en 1531 ont donné naissance à des groupes encore assez actifs dans le protestantisme actuel.
- Dans son objectivité l’auteur reconnait dans la démarche rationaliste : (1) la liberté d’esprit vs une obéissance aveugle aux dogmes ; (2) la reconnaissance de la raison ; (3) la tolérance de la diversité religieuse (empl. 4243).
- Cependant il ne manquera de noter que la démonstration de Servet le rapproche davantage de certains spiritualistes (en proposant une théorie de la chair céleste, une conception mystico-physique de la Cène) que d’une véritable démarche rationnelle.
- Servet paiera ses théories au prix du bûcher. La nouvelle Église qui nait de la Réforme se met en question dès son origine. Les radicaux ont été persécutés de tous côtés. Néanmoins en défendant théologiquement des sujets réputés intouchables, ils montraient par là que « le sacré, pour eux, n'était pas plus dans le dogme que […] dans la croyance que dans le rite, mais dans la conscience de l'homme, qui est le temple de Dieu » (empl 4300).
- D’autres exemples du rationalisme qui exalte la raison sont donnés avec Sébastien Castellion (vers 1515-1563) et Fausto Sozzini (1539-1604).
Perspective
Suite à l’exposé de ces quatre courants réformateurs, Pierre Janton en tire les conclusions suivantes : - La Trinité reste toujours un défi dans le cadre du formalisme protestant.
- On peut mesurer le chemin parcouru par le christianisme insufflé par la Réforme protestante, en se réjouissant du fait qu’on ne meurt plus aujourd’hui quand on aborde des sujets comme la Trinité ou la présence réelle.
- Ces courants réformateurs permettent chacun à leur manière de distinguer le religieux du sacré, ce qui n’était pas le cas avant le XVIe s et l’auteur y consacrera une ultime synthèse avant de conclure :
- Que les grands débats périphériques qui agitèrent les débuts de la Réforme au point de marquer des différences violentes au sein de la famille protestante finirent par s’apaiser au cours de l’histoire pour laisser place au message unificateur et essentiel du Salut.
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Commentaires
Si on ne peut qu’adhérer au message apaisant et consensuel que tente de laisser Pierre Janton au lecteur en guise de conclusion sur le caractère essentiel du fondement que constitue le Salut en Jésus pour l’unité protestante, il faut néanmoins rester conscient de la réalité qu’une certaine violence persiste encore au travers du fondamentalisme protestant comme l’aura démontré par exemple le procès du singe en 1925 ou plus récemment encore les campagnes électorales américaines des années 1980. La démocratisation des sociétés ainsi que la séparation de l’Église et de l’État auront certainement joué un rôle non négligeable dans le processus de stabilisation des conflits religieux occidentaux.
Mais ce n’était pas là le cœur de l’ouvrage qui nous plongeait au cœur de la réforme du XVIe siècle, et la remarque principale que je ferais concernant le contenu de ce livre porterait sur la place laissée à la voie réformée qui avec 22% des pages représente plus du double du chapitre lié à l’anglicanisme mais surtout surclasse le maître Luther. Cela relève certainement plus de la spécialité de l’auteur vis-à-vis du calvinisme que de l’importance de l’évènement, à moins que cela ne trahisse une certaine affection pour Calvin, car on s’étonne tout de même que la perspective finale consacre 3 fois plus d’espace au calvinisme qu’aux 3 autres courants.
Le point secondaire concerne l’étude des sacrements qui se focalisent presque uniquement sur l’eucharistie (sujet certes crucial). Le baptême ne sera traité que dans le cadre très polémique des anabaptistes et de Zwingli, on ne dispose donc pas d’information sur la manière dont ce sacrement a été traité historiquement par les autres courants hormis quelques passages furtifs en encart tel que celui où Luther s’interroge sur la nécessité de deux ou trois sacrements.
Si l’ouvrage se lit aisément, il s’adresse cependant à un public averti. Ce livre n’est pas un livre d’histoire comme le rappelle l’auteur en avant-propos et il met l’accent sur les enjeux liés aux profils religieux qu’il tente de décrire. Aussi, par exemple quand le lecteur fera la rencontre de Charles VIII, il devra se contenter d’une phrase lapidaire du type : « L'affaire du divorce royal consacre le schisme mais non l'hérésie » (empl 3098). Sans savoir que le roi épouse la cause protestante afin de contracter un nouveau mariage auquel se refuse le Pape, donc pour des raisons personnelles et non pas des convictions religieuses profondes, cette phrase est difficile à comprendre. On gagnera donc à compléter cette lecture par d’autres traitant plus spécifiquement des sujets historiques.
D’autant plus que le livre est dépourvu de notes, ce qui sur la forme est un point qui peut être pénalisant, les citations dans le corps du texte sont ainsi laissées à l’appréciation du lecteur.
Ceci est cependant compensé par les nombreux encarts qui ponctuent et enrichissent chaque section par des lectures complémentaires avec des textes d’époque ou d’auteurs divers toujours bien référencés. Cela permet de découvrir des extraits des œuvres ou des auteurs qui sont présentés dans les différents contextes et de mieux suivre l’argumentation de l’auteur.
Au-delà de l’intérêt socio-historique évident que représente une telle lecture, cette plongée au cœur des racines du protestantisme, permet de mieux comprendre les enjeux liés à la diversité qui caractérise cette famille chrétienne. Ce choix de lecture de la Réforme de la part de Janton est également réellement enrichissant pour aider un protestant à prendre conscience de son identité au travers de son parcours historique. Cela est facilité par les perspectives proposées à chaque fin de section permettant de faire un lien entre les évènements historiques étudiés et la situation d’aujourd’hui. La lecture d’un tel ouvrage aide ainsi à mieux se connaître soi-même (sachant d’où l’on vient) mais aussi à reconnaître (dans les deux sens du termes) les membres des autres confessions. |