Les droits financiers de l'associé et démembrement de propriété
Dissertation : Les droits financiers de l'associé et démembrement de propriété. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar kouta.khan • 15 Janvier 2020 • Dissertation • 3 156 Mots (13 Pages) • 552 Vues
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Droit des sociétés
Les droits financiers de l'associé et démembrement de propriété
« Notre liberté économique est fondée sur le droit de propriété individuel », en énonçant ainsi le lien inexorable de connexité, sinon de corrélation, entre droit de propriété et liberté économique, l'avocat et politicien américain Ernest Istook semble énoncer une généralité descriptive des fondements de l'ordonnancement économique et juridique des sociétés modernes.
Mais il est des hypothèses où le droit de propriété n'est nullement individuel, des cas de figure qui voient s'exercer une propriété démembrée, la novation juridique s'y illustrent au service de la liberté économique.
C'est le cas de la propriété démembrée de droits sociaux. Le démembrement de propriété, régi par les articles 578 à 624 du Code civil obéit à un schéma classique de droit civil. Le nu-propriétaire dispose de la propriété de la chose, l'abusus, l'usufruitier dispose quant à lui de la jouissance, l'usus, et des revenus tirés de la chose, le fructus.
Les difficultés de la transposition de ce schéma classique à une société ; dont le régime est partiellement et à titre supplétif prévu par l'article 1844 du Code civil et l'article L 225-110 du Code de commerce (ce dernier pour les sociétés anonymes) ; parachèvement économique de la liberté économique, est visible par un liminaire examen de l'essence des sociétés. Le contrat de societas que connaissaient les citoyens de la Rome Antique le prévoyait déjà, les associés ont vocation à participer aux bénéfices, cet élément fait partie intégrante de l'affectio societatis. De la volonté de s'associer.
Or, cette volonté de s'associer en vue de participer aux bénéfices produits par la société implique nécessairement des droits financiers, au titre desquels peuvent être non-limitativement cités ici le droit au bénéfice, dont notamment le droit au dividende, certains droits sur les réserves, au boni de liquidation, mais aussi, comme il sera exposé, le droit préférentiel de souscription aux actions et autres droits dérivés de la propriété de droits sociaux, même démembrée. La propriété démembrée de droits sociaux est un mécanisme utile et efficace, tant dans le cadre de montages patrimoniaux, successoraux et fiscaux qu'au service de l'investissement, pourtant ce démembrement ne dénature aucunement la volonté des associés de participer au bénéfice, d'une manière ou d'une autre, il ne saurait alors, en toute hypothèse, porter préjudice excessif aux droits financiers de l'associé.
Les droits financiers, non-limitativement énumérés ci-dessus, dont dispose normalement l'associé, s'ordonnancent et s'exercent de manière autrement plus complexe et différente, la première de ces complexités réside dans la détention ou non du statut d'associé par l'usufruitier, difficulté qui sera d'ailleurs adressée ici. Une acception extensive de la notion d'associé et de droits financiers doit être retenue pour pouvoir efficacement adresser les effets du démembrement de propriété de droits sociaux sur les droits financiers qu'exercent les associés, mais aussi l'usufruitier.
Ainsi, selon quelles modalités les droits financiers se répartissent et s'exercent-t-ils sur des droits sociaux démembrés ?
Dans le souci d'une démonstration adéquate et de l'analyse complète, dans la mesure du possible, du sujet, il convient de distinguer, dans un premier lieux, les droits financiers dont dispose et exerce l'usufruitier, principal titulaire du droit au bénéfice (I). Dans un second mouvement, il convient de porter le regard sur le nu-propriétaire, associé aux droits financiers limités indirects et dérivés de la propriété (II), suivant ainsi une analyse dont la dichotomie doit suivre celle du démembrement.
- L'usufruitier comme titulaire du droit au bénéfice
Il convient, dans un premier temps, de distinguer les dividendes comme fruit découlant de l'usufruit grevant les droits sociaux (A), puis de se reporter sur la mise en œuvre du droit au bénéfice de l'usufruitier envisageable comme « associé à géométrie variable » (B).
A. Les dividendes comme fruits découlant de l'usufruit grevant les droits sociaux
Le droit de l'usufruitier au bénéfice s'exprime en principe de manière claire et nette à l'article 582 du Code civil qui dispose « l'usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a l'usufruit ». La traduction du contexte civil vers un contexte social appelle néanmoins clarifications.
En principe, sauf conventions conclues entre nu-propriétaire et usufruitier portant cession de droit d'usufruit (pouvant s'apparenter à un apport indirect), l'usufruitier de droits sociaux ne participe guère au capital. Il n'a donc vocation à souscrire un apport à la société. Le capital social, l'actif social sont donc des notions qui ne l'intéressent en principe qu'indirectement. L'essence de l'usufruit qu'il détient sur les droits sociaux démembrés est contenue au sein des dividendes. Cela s'explique sans difficulté majeure, la somme que les associés ont traditionnellement vocation à percevoir n'est nullement celle des bénéfices réalisés par la société, personne morale au patrimoine distinct, mais bien celle qu'ils décident de distribuer entre eux, ce sont les dividendes.
A ce titre, la véritable nature des dividendes, en tant qu'ils sont des fruits, a fait l'objet de multiples revirements jurisprudentiels et de débats doctrinaux. Ceux-ci étaient des fruits civils au sens de l'article 586 du Code civil, eu égard à la périodicité des dividendes, tirés des droits sociaux grevés d'usufruit, comme l'estimait la chambre civile de la Cour de cassation, en un arrêt du 21 octobre 1931. Sans revenir sur les débats doctrinaux ou les revirements jurisprudentiels, la chambre commerciale de la Cour de cassation a pu rappeler la position en vigueur aujourd'hui, en un arrêt du 28 novembre 2006. Les juges du quai de l'Horloge y estiment nettement que le dividende est un fruit, qu'il naît dès lors que les associés, à travers l'organe de décision collective propre à la société, décident de distribuer le bénéfice de la société[1]. A ce titre, et il faudra revenir sur la question a posteriori, toute forme de bénéfice qui n'offre pas un droit direct, hors liquidation de la société, à l'associé ne revient en principe pas à l'usufruitier.
Cette clarification opérée, il doit être noté que l'importance de la qualification de fruits civil ou industriel a des implications importantes en cas de dividendes échus mais non perçus avant l'entrée en jouissance de l'usufruitier. Cet élément, bien qu'intéressant, se situe néanmoins hors du champ direct de la présente exposition.
Le professeur Zenati apporte néanmoins une nuance cruciale et témoignant de la nature de ce droit financier dont dispose l'usufruitier. A travers l'article 578 du Code civil, essentiel en matière de démembrement de propriété, si l'usufruit est le « droit de jouir des choses dont un autre à la propriété », l'usufruitier ne fait donc qu'exercer le droit de l'associé, le droit de percevoir les dividendes, à la place du nu-propriétaire.
Le fait que l'usufruitier exerce le droit d'un associé permet également de porter le regard sur la qualité d'associé, ou non, de l'usufruitier et les implications pratiques qui en découlent.
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