Le régime parlementaire britannique incarne-t-il l’exemple d’une séparation des pouvoirs équilibrée?
Dissertation : Le régime parlementaire britannique incarne-t-il l’exemple d’une séparation des pouvoirs équilibrée?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar libou78 • 4 Décembre 2022 • Dissertation • 2 667 Mots (11 Pages) • 429 Vues
TD droit:
Le régime parlementaire britannique incarne-t-il l’exemple d’une séparation des pouvoirs équilibrée?
Ayant aspiration à affaiblir le despotisme et l’absolutisme royal prédominant dans les régimes du XVII et XVIIIème siècle, le philosophe anglais John Locke repris par le penseur français Montesquieu va théoriser une nécessité selon laquelle «il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir», nécessité affirmée au Livre XI, chapitre IV dans L’Esprit des Lois (1748) écrit par Montesquieu.
Découle de cette théorisation le principe devenu fondamental de séparation des pouvoirs. Montesquieu affirme ainsi en suivant que «tout serait perdu si le même homme, ou le même corps exerçait ces trois pouvoirs: celui de faire les lois, celui d’exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes». Néanmoins, il est clair que si Locke et Montesquieu voyait une séparation des pouvoirs dans laquelle pouvoir législatif, exécutif et judiciaire semblaient avoir le même poids, aucun ne pouvant soumettre les autres grâce à des mécanismes égaux des trois cotés, aujourd’hui, une collaboration des trois semblent indispensable pour une séparation équilibrée et efficiente. Ainsi devenue symbole de stabilité, cette séparation va être adoptée par nombre de régimes dans des termes et applications plus ou moins stricts. Elle va notamment être appliquer dans le régime parlementaire britannique. En effet, le Royaume-Uni composé de l’Angleterre, du Pays de Galles, de l’Écosse et de l’Irlande du Nord, est un régime parlementaire soit un système de collaboration des pouvoirs législatif et exécutif. Il traduit donc la séparation des pouvoirs par un système législatif bicamérale soit à deux chambres, la Chambre des Communes et Chambre des Lords, qui forment le Parlement et travaille en collaboration avec le système exécutif du Cabinet et de son premier ministre qui forme le Gouvernement.
L’émergence de ce système parlementaire découle pleinement de celle de la séparation effective des pouvoirs au sein du territoire britannique. Celle-ci connaît trois grandes étapes, la première remontant à juin 1215 où Jean Sans Terre, en succédant à son frère Richard Cœur de Lion, rencontre des difficultés à asseoir son autorité notamment au près des barrons bourgeois. Ceux-ci vont alors réussir à lui arracher une charte limitant le pouvoir royal appelée La Magna Carta ou Grande Charte d’Angleterre. Elle comporte quatre grands principes qui satisfaisant les barrons bourgeois assurent au roi leur adhésion. La seconde étape apparaît elle au XVIIème siècle, sous le règne de Charles II Stuart, qui roi d’un territoire vaste et multiconfessionnel va se voir imposé l’Habeas Corpus en 1679. Cette loi vient profondément réformer les procédures judiciaire du royaume dans le but de garantir les mêmes droits à tous ses sujets et empêchant formellement toutes arrestations arbitraires. Enfin, la troisième étape qui comme les deux premières illustre une tentative de séparation des pouvoirs majoritairement poussée par le peuple est celle de la déclaration Bill of Rights de février 1689. Cet acte qui déclare les droits et libertés fondamentaux du peuple va notamment insister sur l’augmentation du pouvoir parlementaire visant à réduire le pouvoir royal. Ces trois textes à valeur constitutionnelle forment ainsi les trois volets du corpus britannique marquant l’émergence de la constitution britannique et une tentative de séparation des pouvoirs.
A la lumière de ses éléments, différents enjeux peuvent être soulevés notamment concernant l’appellation de monarchie parlementaire attribuée au Royaume-Uni. Effectivement, comprendre et analyser la séparation des pouvoirs permet de rendre compte de la nature d’un régime et donc ici de l’inefficience de la monarchie parlementaire britannique au vue de la perte considérable d’autorité et de pouvoir du monarque. Celui-ci semble aujourd’hui n’avoir qu’une figure symbolique incarnant la continuité de l’état, il a été rendu totalement irresponsable politiquement par la montée en puissance du Parlement et du Cabinet gouverné par le premier ministre.
Ainsi, comment expliquer que la réalité institutionnelle du Royaume-Uni ne semble pas transposer une séparation équilibrée des pouvoirs?
Il conviendra d’abord d’étudier (I)
pour ensuite évoquer (II)
I- Trois pouvoirs théoriquement séparés mais rarement distinguables au sein des organes institutionnels
La théorie séparatiste de Montesquieu va se voir impactée par une forme de constitution (A) et réalité institutionnelle britannique (B) qui compliquent son affirmation au sein du régime.
a) Une séparation des pouvoirs difficile du fait d’une constitution coutumière
Comme vu dans l’introduction, l’histoire britannique va, par une succession de textes, limiter le pouvoir royal jusqu’à l’anéantir. La Magna Carta rend notamment impossible la création de nouvelles taxes sans consultation préalable de l’aristocratie, donne le droit à un procès équitable avec une défense à tous les barrons bourgeois et officiers royaux mis en cause … Plus généralement, elle va interdire au roi toutes décisions arbitraires puisqu’il se doit de consulter l’aristocratie avant toutes modifications des lois du royaume. La séparation des pouvoirs s’observe ainsi dès le XIIIème siècle et est appuyée par l’Habeas Corpus qui vient faire naître un semblant pouvoir judiciaire et par le Bill of Rights qui accentue le pouvoir législatif insistant sur l’importance de sa réunion plusieurs fois dans l’année afin d’exécuter ou de suspendre des lois, de décider ou non de la levée d’un nouvel impôt… Néanmoins, le Royaume-Uni a opté pour un modèle de constitution coutumière soit un empilement de textes de lois ordinaires ayant tous la même valeur. Si dans une constitution écrite, il est très clairement affirmé la supériorité de certaines lois juridiquement intangibles comme la séparation des pouvoirs en France, dans une constitution coutumière comme celle britannique, la constitution n’a aucune réelle autorité sur les lois ordinaires qui peuvent remettre en cause son fonctionnement donnant à voire des situations où les institutions s’arrogeraient des compétences qui ne leur appartiennent pas. De plus, le paysage politique britannique est largement coloré par des coutumes dites constitutionnelles qui sont très ancrées mais non-écrites comme l’autorité symbolique du monarque. Ainsi, il est possible de remettre en cause le principe de constitution coutumière assurant la séparation effective des pouvoirs puisque la réalité institutionnelle britannique donne à voir certaines difficultés. En effet, les trois seuls textes à valeur constitutionnelles du corpus que sont la Magna Carta, l’Habeas Corpus et le Bill of Rights semblent obsolètes quant à l’organisation contemporaine du Royaume-Uni. Ils n’en disent que trop peu sur les rôles, modes d’actions et capacités des trois pouvoirs. Il est pour cela nécessaire de se référer aux lois importantes comme celle de 1911 qui affirme la supériorité de la Chambre des Communes sur la Chambre des Lords limitant le droit suspensif de cette dernière afin d’écourter le processus de navette parlementaire mais également celle de 1998 qui affirme la supériorité des textes sur les droits humains adoptés par le parlement qui vont former une charte constitutionnelle appelée Human Right Act reprenant les grands principes de la convention européenne des droits de l’homme.
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