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Le Conseil constitutionnel est-il une « Cour » ou un « Conseil » constitutionnel ?

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Par   •  16 Octobre 2022  •  Dissertation  •  3 334 Mots (14 Pages)  •  279 Vues

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Le Conseil constitutionnel est-il une « Cour » ou un « Conseil » constitutionnel ?

« Ainsi la juridiction constitutionnelle française, dont la qualité du corpus jurisprudentiel

est aujourd'hui largement reconnue à l'étranger, continuera de s'appeler Conseil alors qu'elle fait

office de Cour constitutionnelle. Étrange séquelle de la défiance séculaire du corps politique

français à l'égard du contrôle de la constitutionnalité des lois ! » Robert Badinter, Une marche

longue du Conseil à la Cour constitutionnelle.

C’est à cause de cette « défiance séculaire » que la tradition française fut rétive à l’idée

d’instaurer une Cour constitutionnelle bien que dès le 18 thermidor de l’an III, Sieyès clamait à la

Convention nationale que « des lois, quelles qu’elles soient, supposent la possibilité de leur

infraction, avec un besoin réel de les observer ». C’est la vision rousseauiste de la loi, qui a donc

perduré en France du fait de la méfiance d’abord des jugements d’équité des Parlements de

l’Ancien régime en 1789. Après quelques essais par Sieyès sous les deux périodes

napoléoniennes et l’impossible remise en cause de la représentativité du constituant par le

Parlement sous la IIIème République, il faut attendre 1946 pour que la France se dote d’un

« régulateur impuissant de l'activité des pouvoirs publics » (Guillaume Drago). Le contrôle de

conformité de la Constitution de celui-ci (art. 91al.3) n’implique aucunement un contrôle de

constitutionnalité des lois… Le « gouvernement des juges », hantise d’Edouard Lambert, est évité

efficacement par la surpuissance de la loi, « expression de la volonté générale ».

Le Conseil constitutionnel instauré en 1958 fait l’objet du titre VII de la Constitution et au

Président, gardien politique de la Constitution (Art 5), s’ajoute un gardien juridique. Dès sa

création, il est considéré comme une véritable juridiction selon la définition établie par Marcel

Waline reposant sur l’autorité des décisions de celle-ci (art. 62 al.3 C58). L’objectif premier du

Général était pourtant bien moins d’établir une juridiction garante des droits et libertés

fondamentaux que de contrôler le serrage du « corset orthopédique » du Parlement pour

poursuivre la métaphore de Marcel Prélot et ainsi faire respecter sa rationalisation. Le Conseil

constitutionnel s’émancipe du pouvoir exécutif en rendant « son Marbury v. Madison le 16 juillet

1971 » (Feldman) : la possibilité de contrôler la conformité des lois au Préambule de la C°58 et

par-là, au préambule de la C°46, aux PFRLR et à la DDHC de 1789 équivaut, pour la France à

l’affirmation de la Cour Suprême des EU en 1803. Le contenu de ces textes font du contrôle de

constitutionnalité un véritable moyen de garantir les droits et libertés fondamentaux du

justiciable via la saisine des trois grandes autorités. De même, la réforme d’octobre 1974 menée

par V.G. D’Estaing élargit la saisine à l’opposition (possibilité de saisine par 60 députés ou

sénateurs) et instaure un véritable contre-pouvoir garant de l’Etat de Droit. Enfin, la réforme du

23 juillet 2008 inscrit la possibilité restreinte de saisine par le justiciable du Conseil

constitutionnel dans le cadre du contrôle de constitutionnalité. Les deux tiers des contrôles de

constitutionnalité, de 2008 à juin 2019, concernent alors la QPC. La jurisprudence du Conseil, à

« rayer de notre vocabulaire » selon l’esprit révolutionnaire et les nombreuses réformes dont il a

été l’objet enflamment la doctrine. Méprisé par certains, soutenue par d’autres, Badinter

argumente : « une institution qui ne donne pas de conseils mais rend les décisions

juridictionnelles ne se dénomme pas Conseil ».

L’éloignement de l’objectif premier de cette institution due à l’élargissement de ses

compétences et à sa juridictionnalisation suffit-il à qualifier le « Conseil » constitutionnel d’une

véritable « Cour » constitutionnelle à l’instar de nos voisins européens ?

D’abord considéré et se considérant comme « organe régulateur de l’activité des

pouvoirs publics », le Conseil est inapte à accomplir pleinement sa tâche de « Cour »

constitutionnelle mais le fait majoritaire rassure les gaullistes en 1962 et le Conseil s’affirme en

véritable défendeur des libertés et droits fondamentaux des justiciables mais aussi de

l’opposition (I). De plus en plus proche des Cours voisines, le Conseil se démarque tout de même

sur de nombreux aspects (II).

I. Du « garçon de course du Général » à la désuétude de l’appellation « Conseil ».

Mitterrand a mis en exergue le fait que l’esprit gaulliste n’a fait du Conseil qu’un

« chapeau dérisoire d’une dérisoire démocratie » (Le Coup d’Etat permanent. 1964). Cependant,

« du carcan d’origine,

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