La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 conserve-t-elle une portée aujourd’hui ?
Dissertation : La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 conserve-t-elle une portée aujourd’hui ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Cécile Buzy • 6 Mars 2018 • Dissertation • 2 362 Mots (10 Pages) • 1 397 Vues
ExposÉ d’Institutions politiques
Sujet : La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 conserve-t-elle une portée aujourd’hui ?
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 est une vieille dame de près de 230 ans à la descendance nombreuse, qui ne cesse de rajeunir et d’affirmer sa présence dans notre ordonnancement juridique.
Incarnant l’avènement de la République française, une sorte de Marianne dans le texte, cette déclaration a marqué un tournant majeur de l’Histoire institutionnelle et politique de notre pays : en cela, elle reste attachée à une époque, et l’inscription de l’année « 1789 », indissociable de son intitulé, est en soi éloquente. Incarnation de l’Esprit des Lumières, elle est le reflet de la pensée politique d’une époque.
Texte bref de 17 articles à la formulation concise et solennelle, elle a ressurgi après avoir été occultée mais jamais oubliée, pour acquérir au cours de la période la plus récente, soit depuis une quarantaine d’années, une place primordiale dans notre droit positif ; elle est aujourd’hui une pièce maîtresse du système constitutionnel français.
- – Sans avoir perdu sa portée messianique, la DDHC de 1789 occupe aujourd’hui une place sommitale dans l’ordonnancement juridique français
- – Le caractère messianique des valeurs portées par la DDHC lui a conféré sa pérennité
La DDHC traduit l’esprit de la philosophie des Lumières en consacrant solennellement les droits fondamentaux des citoyens et des individus, ainsi que les principes d’organisation institutionnelle et politique permettant d’en garantir l’effectivité. Elle figurait en tête de la Constitution du 3 septembre 1791 mais fut abandonnée, dès 1793, par la Constitution montagnarde. Il faudra attendre 1946 pour la voir ressurgir mais on peut considérer, selon le propos du commissaire du gouvernement Corneille devant le Conseil d’État en 1917, qu’elle figure « implicitement ou explicitement au frontispice des constitutions républicaines ».
Ainsi, tout en subsistant dans l’inconscient collectif comme un texte mythique proclamant les valeurs humanistes, elle a été occultée par les régimes plus ou moins autoritaires qui ont jalonné l’histoire de la France avant la IIIème République. Évidemment, les premier et second empires ou encore la Restauration et la Monarchie de juillet ne furent pas enclins à valoriser un texte qui symbolisait la révolution et représentait la chute de la monarchie.
Elle reprit une véritable actualité dans les débats politiques sous les IIIème et IVème Républiques en opposant les partisans d’une vision libérale et individualiste qu’elle incarne, à ceux qui regrettent qu’elle occulte l’homme en tant qu’être social s’inscrivant dans un contexte collectif. Ainsi le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 va-t-il lui rendre une visibilité propre.
Cependant la référence faite à la DDHC par la constitution ne lui confère pas ipso facto, en tant que telle, valeur de droit positif.
La doctrine juridique, de son côté, s’était déjà interrogée sur sa valeur. Ainsi Léon Duguit (1859-1928) et Maurice Hauriou (1856-1929), deux grands publicistes de la IIIème République considéraient que la DDHC appartenait à un ordre naturel supraconstitutionnel. Précédant sa consécration formelle dans la hiérarchie normative, le juge administratif en consacra une partie de la substance en créant les principes généraux du droit.
Le temps, qui estompe progressivement la violence d’une époque et de régimes politiques qui ont servi d’écrin à sa naissance, a joué en faveur d’une reconnaissance de la DDHC comme source de droit positif. Ses articles 2 et 16 proclament respectivement qu’il existe des « droits naturels et imprescriptibles de l’homme » et que « toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ». Ils donnent alors à la DDHC vocation à trouver une traduction concrète dans l’ordonnancement juridique et l’organisation institutionnelle.
- – Au-delà de sa portée philosophique, la DDHC a acquis valeur de droit positif par son entrée dans le bloc de constitutionnalité
Si la DDHC a longtemps été considérée comme revêtant une valeur essentiellement philosophique et symbolique, elle entre en 1971 de plein pied dans la sphère du droit positif avec une décision restée fameuse du Conseil constitutionnel (décision du 16 juillet 1971 sur la liberté d’association) qui vise le préambule de la Constitution, puis une autre décision, deux ans et demi plus tard (décision du 27 décembre 1973 sur la taxation d’office) qui, pour la première fois, sanctionne une loi sur le fondement d’un article de la DDHC. Cette dernière décision déclare en effet inconstitutionnelle une loi sur la taxation d’office pour violation de l’article 6 de la DDHC. Saisi par le président du Sénat, le juge suprême considère que l’impossibilité pour les gros contribuables de contester le montant de la taxation d’office « porte atteinte au principe d’égalité devant la loi contenue dans la DDHC de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution ».
Dix ans plus tard, par une décision du 16 janvier 1982 relative aux lois de nationalisation, le juge constitutionnel confère à la DDHC une place centrale au sein du bloc de constitutionnalité en soulignant que « les principes mêmes énoncés par la DDHC ont pleine valeur constitutionnelle » et que le préambule de la Constitution de 1946 énonçant des droits collectifs et sociaux « tend seulement à compléter » les principes de 1789. Ainsi, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, si en vertu de l’article 1 de la Constitution de 1958, la France est une République « sociale », elle ne saurait devenir une République « socialiste » sans révision formelle. La jurisprudence marque de cette façon une limite, celle selon laquelle le droit de propriété demeure dans notre société un principe d’essence libérale.
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