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Juge et légilsteur dans l'élaboration du Droit administratif

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Par   •  19 Novembre 2015  •  Dissertation  •  2 710 Mots (11 Pages)  •  947 Vues

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Louise SADOUN

JUGE ET LEGISLATEUR DANS L'ELABORATION DU DROIT ADMINISTRATIF

        On entend par sources du droit, les procédés par lesquels s'élaborent les règles de droit. Il existe en effet, pour créer du droit, diverses techniques comme, l'élaboration spontanée qui aboutit à la règle coutumière, l'élaboration par l'autorité publique qui aboutit à la règle écrite telle que la loi, enfin, l'élaboration par le juge qui aboutit à la règle jurisprudentielle. Selon le temps et les pays, les divers systèmes juridiques recourent de façon très inégale à ces procédés, accordant la préférence à l'un ou l'autre. Mais, depuis quelques décennies, les sources du droit administratif ont connu de profondes mutations.

        Pour étudier son élaboration, il faut donc se remettre en tête que le droit administratif est un droit spécial, unique en son genre, dérogatoire au droit commun. On peut donc en déduire que son élaboration est toute aussi complexe. Considéré comme un droit principalement jurisprudentiel, on constate que, dans les dernières décennies, l'importance des différentes sources de ce droit a changé, tant pour les sources nationales, que pour les sources internationales qui n'ont cessé de prendre de plus en plus d'importance.

        Bien que théoriquement, le juge n'est que l'interprète de la loi, son rôle créateur en matière administrative s'est toujours constaté, même si aujourd'hui il est quelque peu affaibli. La jurisprudence administrative a réussi à se faire une place dans le mécanisme d'élaboration du droit administratif quand bien même la fonction première du juge n'était que l'interprétation. La reconnaissance d'une compétence administrative et de l'existence d'un juge administratif par le Conseil constitutionnel a d'autant plus affirmé une certaine légitimité de ce droit. Le caractère spécifique de ce droit laisse parfois un législateur incompétent dans son élaboration. Cependant, le principe de légalité oblige l'administration à respecter le droit, elle y est soumise. La loi, incarnation de la volonté générale, s'impose à l'administration comme elle s'impose aux individus. La soumission de l'administration au droit est une garantie des citoyens contre l'arbitraire, l'incohérence ou l'inefficacité de l'action administrative. Cependant entre règles jurisprudentielles, mise en œuvre de principes généraux du droit par la juridiction administrative suprême qu'est le Conseil d’État, le législateur a du mal à se faire une place, faisant de l'élaboration du droit administratif un vrai désordre normatif.

        Est-il alors possible qu'un rééquilibrage entre ces deux sources de droit administratif s'opère ?

        Il sera vu dans un premier temps, que le pouvoir d'élaboration fort du juge administratif entraîne le retrait du législateur (I) cependant, dans un deuxième temps, on constate que ce dernier tente de rééquilibrer ces pouvoirs d'élaboration du droit administratif (II).

I. Un pouvoir d'élaboration fort du juge administratif face à un législateur en retrait.

        Depuis la création du Conseil d’État, le juge s'est forgé une place importante au sein des sources du droit. Sa jurisprudence n'a cessé de prendre de l'autorité compte tenu du manque de législation initial dans ce droit particulier. La jurisprudence joue donc un rôle essentiel au sein des sources de la légalité impliquant ainsi l'intervention du juge administratif (A) d'autant plus avec sa plus prestigieuse découverte, celle des principes généraux du droit (B).

A. La règle jurisprudentielle, une intervention du juge dans l'élaboration du droit administratif.

        Pas plus que le juge judiciaire, le juge administratif ne tient de la Constitution le pouvoir de poser des règles générales. Son rôle se borne à trancher les litiges particuliers qui lui sont soumis, à dire, dans chaque cas concret, où est le droit, sa décision ne statue que sur l'espèce qui la suscite.

Mais la décision suppose nécessairement une règle préexistante. L'acte juridictionnel implique la confrontation à la règle de droit des prétentions opposées des parties. Le juge déduit, de cette confrontation, laquelle de ces prétentions est conforme au droit.

        Or, étant donné les caractères particuliers de la loi administrative, il était très fréquent, jusqu'au récent développement de la règle écrite en matière administrative, qu'aucun texte n'eût prévu le litige soumis au juge et c'est encore parfois le cas aujourd'hui. Comme son homologue judiciaire, il ne peut refuser de statuer au motif du silence ou de l'obscurité de la loi et, plus encore que les juges de la Cour de cassation, ceux du Conseil d’État ont dû combler le vide juridique existant lorsque la Haute Juridiction a conquis son autonomie de juge. Dès lors, le juge administratif n'avait qu'une ressource, formuler lui-même la règle générale qui lui permettait de statuer. C'est ce qu'il a fait, et les règles élaborées par lui (droit des contrats, contrôle des décisions administratives par le recours pour excès de pouvoir, droit de la responsabilité) constituent le noyau dur du droit administratif, ce qu'il y a de plus stable et de plus spécifique.

        Ainsi le caractère de la règle jurisprudentielle est la souplesse, le juge peut se borner également à définir des standards, qui lui laissent une grande liberté d'appréciation. Cette volonté de souplesse répond au souci constant d'équilibre qui guide le juge : la conciliation entre les nécessités de l'action administrative et les droits et libertés des citoyens, qui est la directive générale dont il s'inspire, interdit les formules tranchées et réclame des nuances.

        Concernant l'autorité de cette règle jurisprudentielle, le point de vue formel, au regard des textes qui interdisent le juge à créer du droit semble affirmer que la jurisprudence n'est pas une source du droit. Cependant, l'analyse matérielle dément une telle conclusion. Certes il est exact que le juge n'est pas, juridiquement lié par la règle qu'il a posé comme il l'est pas la règle écrite. A l'inverse de la Grande-Bretagne par exemple où l'autorité du précédent l'oblige. Le juge, en principe, reste libre, dans un nouveau litige qui pose une question sur laquelle il s'est déjà prononcé, de statuer dans un sens différent. Mais en pratique, lorsque le Conseil d’État (CE) énonce une règle, c'est qu'il la croit bonne et qu'il entend désormais s'y tenir : le souci de sécurité juridique des particuliers impose au juge cette fidélité à sa propre pensée, bien qu'elle n'exclue pas le revirement de jurisprudence.

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