Dissertation : Le destin du Code civil de 1804
Dissertation : Dissertation : Le destin du Code civil de 1804. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar pqjefaisdudroit • 20 Octobre 2018 • Dissertation • 2 484 Mots (10 Pages) • 2 258 Vues
Le destin du Code civil de 1804
Qu’ « il soit permis aux législateurs du plus bel empire de dire, avec certitude d’avoir établi le plus grand, le plus noble ministère […] : Français, le Code de vos lois civiles est complet », s’exprimait le tribun Jaubert devant le Corps législatif, le 30 ventôse an XII.
« Constitution civile de la France » pour le doyen Jean Carbonnier, le Code civil français se définit comme un Code ayant vocation à régir l’ensemble des matières du Droit civil y compris la famille et les obligations.
Bien qu’ayant connu de nombreuses réformes, le Code civil est encore en vigueur aujourd’hui, deux siècles après sa création. Ce rayonnement considérable s’explique notamment par son style et sa méthode. Stendhal, de son vrai nom Henri Beyle, disait d’ailleurs le lire tous les jours. Le 12 août 1800, le gouvernement de Napoléon Bonaparte nomma la fameuse « commission des quatre » avec pour mission la rédaction d’un Code des lois civiles. Celui-ci devait instaurer une législation unifiée en droit privé mettant ainsi fin aux coutumes du régime féodal. Quatre projets furent élaborés précédemment à celui de 1804 : trois par Cambacérès en 1793, 1794 et 1796, et un par Jacqueminot en 1799. Cependant aucun n’aboutit. Cela pris seulement quatre mois aux juristes de la commission du gouvernement pour rédiger leur projet de Code civil. Étant donné que l’objectif était de réunifier le pays, deux des membres de la commission étaient des représentants des pays de droit coutumier : Tronchet, président du Tribunal de Cassation, originaire de Paris, ainsi que Bigot de Préameneu, commissaire du gouvernement, originaire de Bretagne. Ce-dernier présidait la commission. Les deux autres membres étaient des représentants des pays de droit écrit : Maleville, membre du Tribunal de cassation, originaire du Périgord nommé secrétaire de la commission de rédaction, et le plus célèbre par son discours préliminaire : Portalis, originaire de Paris, qui était à l’époque commissaire au Conseil des prises.
Les quatre rédacteurs se sont largement inspirés des travaux de Jean Domat (1625-1697) et Robert Joseph Pothier (1699-1772), deux grands auteurs de l’Ancien droit. Le premier, janséniste, avait réuni les règles de droit civil dans un plan clair et avait ainsi préparé le travail de codification. Il a notamment donné naissance au principe général de responsabilité pour faute et de la résolution judiciaire du contrat. On retrouve des passages du second repris mot pour mot par les rédacteurs du Code civil, notamment concernant la vente. A travers ses célèbres traités, Pothier s’est efforcé d’établir une synthèse entre le droit romain et la coutume. Il s’est d’ailleurs concentré sur celle d’Orléans, sa ville d’origine.
Après la Terreur, période de Révolution sanglante, la France souhaite un retour à la paix et donc une restauration de l’ordre. Le Code civil avait vocation à enrôler un instrument majeur du processus de fin de la Révolution. Mais était-il uniquement destiné à cela ?
Comment, au début du XIXème siècle, le destin du Code civil de 1804 se dessinait-il et quel avenir se présente à lui aujourd’hui ?
Naturellement, deux siècles après sa mise en vigueur, le destin du Code civil aujourd’hui (II) diffère de celui que ses rédacteurs lui prévoyaient à sa création (I).
- Le destin du Code civil à sa création
Pour comprendre les attentes des juristes de 1800 concernant le Code civil (B), il est nécessaire de s’intéresser au contexte historique de l’époque (A).
- Le contexte historique de la codification civile
A la fin du XVIIIème siècle, aucun État n’avait encore institué un peuple ex nihilo. Moderniser l’État et remodeler la société par la loi devint le mot d’ordre des despotes éclairés. En 1789, la France est engagée dans une voie différente de celle tracée par les rois philosophes. Les assemblées revendiquaient une « politique de la table rase ». L’objectif était d’établir un nouveau régime et de forger un Homme nouveau. On parlait en 1789 de « régénérer » la société, puis de la « révolutionner » en 1793. Cette entreprise de révolution mis à bas toutes les anciennes institutions. L’idée était de déconstruire pour mieux reconstruire. Ainsi, les assemblées multipliaient les lois. Manifestement, cette « étonnante révolution » s’opérait par la loi.
Cela dit, depuis 1790-1791, le vœu commun en France était d’achever la Révolution. Après la violence de la Terreur (1793-1794), la France était en quête d’un code qui fixerait le vaisseau de l’État. Néanmoins, les législateurs révolutionnaires avaient déclenché une dynamique dont l’énergie semblait indomptable. En effet, les péripéties politiques relançaient périodiquement la machine législative. Or, le flux incessant des lois et leurs revirements imprévus menaient à une désorganisation des rapports sociaux. Les citoyens voyaient ainsi leur vie quotidienne perturbée. Tandis que des dispositions législatives s’attachaient à imposer une conception radicalement nouvelle de la famille, de la propriété ou encore du commerce, l’incertitude du Droit ne cessait d’étendre son empire. Après quatre projets de Codes civils inaboutis, c’est la volonté politique de Napoléon, devenu Consul après son coup d’État du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799) qui permit au Code civil de voir le jour. La proclamation du 15 décembre 1799 vint rassurer les citoyens saturés de changements. Napoléon s’exprimait alors : « Citoyen, la Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée ; elle est finie. ».
- Les attentes des juristes de 1800 concernant la codification civile
Pour les législateurs de 1804, le Code civil correspondait à un grand dessein, un événement insigne gravé à jamais au mémorial des siècles. La célèbre citation de Napoléon Bonaparte à Sainte Hélène en témoigne : « Ma vraie gloire, ce n’est pas d’avoir gagné cinquante batailles ; Waterloo effacera le souvenir de tant de victoires. Ce qui ne s’effacera jamais, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code civil. » : le Code civil était destiné à traverser les siècles. Lors de son exposé des motifs au nom du gouvernement devant le Corps législatif, le 28 ventôse an XII, Portalis mentionnait l’achèvement du Code civil comme le plus grand bien que les Hommes puissent donner et recevoir. L’aboutissement du Code civil donnait à la Révolution sa conclusion. Comme le disait Portalis, « l’ordre civil [venait] cimenter l’ordre politique » et assurer à la France prospérité à l’intérieur et puissance à l’extérieur.
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