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Commentaire de texte Michel Debré

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Par   •  3 Octobre 2019  •  Commentaire de texte  •  1 876 Mots (8 Pages)  •  1 337 Vues

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Marguerite Charbon - Commentaire de texte – Séance 3, Naissance de la Constitution de 1958

« Le Président de la République doit être la clef de voûte de notre régime parlementaire. Faute d'un vrai chef d'État, le Gouvernement, en l'état actuel de notre opinion, en fonction de nos querelles historiques, manque d'un soutien qui lui est normalement nécessaire. C'est dire que le Président de notre République ne peut être seulement, comme en tout régime parlementaire, le chef d'État qui désigne le Premier ministre, voire les autres ministres, au nom de qui les négociations internationales sont conduites et les traités signés, sous l'autorité duquel sont placées l'armée et l'administration. Il est, dans notre France, où les divisions intestines ont un tel pouvoir sur la scène politique, le juge supérieur de l'intérêt national. A ce titre, il demande, s'il estime utile, une deuxième lecture des lois dans le délai de leur promulgation (disposition déjà prévue et désormais classique) ; il peut également (et ces pouvoirs nouveaux sont d'un intérêt considérable) saisir le Comité constitutionnel s'il a des doutes sur la valeur de la loi au regard de la Constitution. Il peut apprécier si le référendum, qui doit lui être demandé par le Premier ministre ou les présidents des assemblées, correspond à une exigence nationale. Enfin, il dispose de cette arme capitale de tout régime parlementaire qui est la dissolution.

Est-il besoin d'insister sur ce que représente la dissolution ? Elle est l'instrument de la stabilité gouvernementale. Elle peut être la récompense d'un Gouvernement qui paraît avoir réussi, la sanction d'un Gouvernement qui paraît avoir échoué. Elle permet entre le chef de l'État et la nation un bref dialogue qui peut régler un conflit ou faire entendre la voix du peuple à une heure décisive.

Ce tableau rapidement esquissé montre que le Président de la République, comme il se doit, n'a pas d'autre pouvoir que celui de solliciter un autre pouvoir : il sollicite le Parlement, il sollicite le Comité constitutionnel, il sollicite le suffrage universel. Mais cette possibilité de solliciter est fondamentale. »

Extrait du discours devant le Conseil d’État de Michel Debré, 27 juillet 1958

    « Le trouble dans l’État a pour conséquence inéluctable la désaffection des citoyens à l’égard des institutions » déclare le général Charles De Gaulle lors du discours de Bayeux le 16 juin 1946. Il veut insister ici sur la fragilité du régime parlementaire en place depuis la fin des années 1880 en France, et proposer par la même occasion, dans cette optique de stabilisation politique, un système en rupture avec cette tradition. Cependant, ce projet de nouvelle Constitution ne convainquit pas et ne sera finalement reconsidéré que douze années plus tard, au terme d’une IVe République à bout de souffle.

En outre, du fait de la pérennité de l’instabilité gouvernementale et dans le contexte de l’irrémédiable crise algérienne témoignant d’une paralysie des institutions, les Troisième et Quatrième Républiques apparaissent en 1958 comme des échecs : l’avènement d’une Cinquième République autour d’une Constitution révisée paraît donc essentiel à la régulation du fonctionnement politique.

Le Général De Gaulle se place donc en premier fervent défenseur de cette transformation primordiale du régime républicain en la revendiquant haut et fort dès 1946. Mais la concrétisation de cette idée n’aurait pu être possible sans l’aide de Michel Debré, Garde des sceaux. Ce dernier fut le responsable de la préparation du projet constitutionnel – notamment pour la phase de l’avant-projet – et donc de la mise à l’écrit des grandes caractéristiques de cette République.

C’est ainsi qu’il prononce le 27 aout 1958, un discours à l’attention du Conseil d’État au moment de l’élaboration de la nouvelle Constitution. En effet, il est de facto nécessaire de consulter l’avis du Conseil avant de la soumettre au référendum. Au cours de cette déclaration, Michel Debré dresse son projet constitutionnel et affirme, par les nouveautés introduites, sa volonté d’amener un régime neuf. Admirateur du système britannique, il souhaite comme De Gaulle restaurer un équilibre dans les fonctions des organes politiques en redonnant un rôle de premier ordre au pouvoir exécutif.

Comment Michel Debré rend-il légitimes et nécessaires les modifications du régime politique français prévues par le texte de 1958 ? Comment s’y prend-il pour imposer une Constitution chargée de nouveautés sans rencontrer l’opposition de son auditoire ?

Le projet constitutionnel défendu par Michel Debré dans ce discours garantit avant tout régime parlementaire classique (I), mais en faisant du chef de l’exécutif, le Président de la République, un acteur plus fort, placé en « arbitre » actif, dans les institutions politiques (II).

  1. La nouvelle République : un régime parlementaire classique

Le Garde des sceaux souhaite d’abord donner une légitimité à son projet en conservant le modèle de système parlementaire classique.

  1. L’attachement au parlementarisme français

   Dès ses premières paroles, Michel Debré assure à son auditoire la volonté de maintenir un régime parlementaire, « notre régime parlementaire ». Ce système auquel nous nous sommes attachés s’est ancré dans notre histoire constitutionnelle, comme un héritage national.

Par ailleurs, d’après la loi constitutionnelle du 3 Juin 1958, l’Assemblée Nationale rend responsable le Gouvernement devant le Parlement et, avec ce critère fondamental, impose donc une République parlementaire. Cette même loi réactualise d’autres principes comme la séparation des pouvoirs législatif et exécutif – et aussi l’indépendance du pouvoir judiciaire –. Ces éléments et conditions permettent d’éviter tout parallèle à l’accord en 1940 des pleins pouvoirs par le Parlement au Maréchal Philippe Pétain.

Avec la nouvelle Constitution proposée par Michel Debré, on reste donc sur un régime parlementaire classique, mais celui-ci doit être capable d’éviter de retomber dans la situation de paralysie du fonctionnement institutionnel observée sous les IIIe et IVe Républiques. La structure de la Ve République doit être en mesure de résoudre les problématiques du passé récent : étant presque toutes deux des régimes dits d’assemblée, les Républiques précédentes ont souffert de l’instabilité gouvernementale constante, dues aux nombreuses crises ministérielles – 104 gouvernements se sont succédés sur l’ensemble de la période -. La IVe République a elle-même tenté de mettre en œuvre une rationalisation parlementaire pour résoudre cette situation, mais ce fut un échec : la Ve République imaginée par Michel Debré et Charles De Gaulle a donc pour premier défi majeur de venir corriger cette rationalisation.

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