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Commentaire d'arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation le 17 mars 2010

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Par   •  28 Février 2022  •  Commentaire d'arrêt  •  2 546 Mots (11 Pages)  •  489 Vues

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Commentaire d’arrêt

L’étude porte sur un arrêt rendu par la première Chambre civile de la Cour de cassation le 17 mars 2010.

En l’espèce, un enfant né le 7 avril 1999 est reconnu le 14 avril 1999 par sa mère, puis le 30 octobre 1999 par le concubin de sa mère. Le 2 mars 2000, les deux parents déclarent conjointement devant l’officier d’état civil que seul le nom du père est dévolu à l’enfant. Le 14 juin 2002, un tiers reconnaît cet enfant devant l’officier d’état civil et assigne les deux parents en contestation de la première reconnaissance paternelle de l’enfant. Le 7 octobre 2004, la mère décède et la tante de l'enfant est désignée en qualité d'administrateur ad hoc.

Par suite d’une expertise concluant à la paternité du tiers, le tribunal de grande instance de Nanterre, par un jugement du 8 septembre 2006, annule la première reconnaissance paternelle de l’enfant, donne plein effet à la seconde et attribue à l’enfant le nom de sa mère. La Cour d’appel de Versailles, par un arrêt du 28 février 2008, confirme le jugement et rejette la demande particulière du concubin de la mère et de l’administrateur ad hoc de l’enfant de maintenir, malgré le changement de filiation paternelle de l’enfant, le nom du concubin initialement dévolu à l’enfant.

Le concubin et l’administrateur ad hoc forment un pourvoi contre cette décision. Le moyen est divisé en deux branches. D’une part, il est soutenu que le refus de maintenir le nom dévolu et porté par l’enfant depuis plus de huit ans au profit de l’attribution du nom de la mère décédée contredit l’intérêt supérieur de l’enfant protégé par les articles 3 et 8.1 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 (ci-après, CIDE). D’autre part, il est invoqué que la possession loyale du nom du premier auteur de la reconnaissance par l’enfant constitue un mode d’acquisition autonome du nom et que, le principe de l’immutabilité du nom ne faisant pas obstacle à cette règle, la solution retenue par la cour d’appel viole l’article 1 de la loi du 6 fructidor an II.

La dévolution du nom de la mère à un enfant mineur, suite à l’aboutissement d’une contestation de la filiation paternelle le privant du nom de l’auteur d’une première reconnaissance, est-il conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant ?

La possession loyale d’un nom depuis plus de huit ans, même non conforme à la filiation paternelle, constitue-t-elle un mode autonome d’acquisition d’un nom ?

La première Chambre civile de la Cour de cassation, qui cautionne le rappel par les juges du fond que « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions concernant les enfants conformément à l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 et que cette disposition était directement applicable devant les tribunaux français », estime que les juges du fond on souverainement décidé que l’intérêt supérieur de l’enfant était respecté. Ainsi la Cour de cassation valide-t-elle le constat des juges du fond selon lequel le changement de filiation paternelle doit conduire à redonner à l’enfant le nom de sa mère décédée à laquelle il était très attachée et qu’il n’est pas dans son intérêt d’acquérir le nom de son véritable père qu’il ne connaissait pas encore. De plus, la Cour de cassation conforte le raisonnement des juges du fond qui ont retenu que le port d’un nom depuis plus de huit ans ne permet pas de l’acquérir.

Dès lors, le pourvoi est rejeté.

De cet arrêt, deux choses sont à retenir : d’abord la primauté de la CIDE sur les lois françaises qui a permis d’écarter des règles longuement admises en droit de la famille et des personnes ; ensuite l’applicabilité directe de la CIDE qui a autorisé l’instauration directe, en remplacement des règles internes, de nouvelles normes. Aussi, plus qu’un arrêt novateur sur le fond du droit de la famille et des personnes, il s’agit d’un arrêt révélateur de la dynamique verticale de la hiérarchie des normes. Pour le comprendre, il convient d’étudier d’une part en quoi les règles sont évincées (I), d’autre part par quoi celles-ci sont remplacées (II).

I. Des règles évincées

Bien que l’arrêt n’en fasse pas mention, la solution suppose l’éviction de deux règles : une non-conforme (A) et une conforme (B) à l’article 3.1 de la CIDE.

A. L’éviction d’une règle non conforme

La première règle évincée concerne le droit de la filiation et son impact sur la dévolution du nom. Pour être plus précis, il s’agit de l’article 61-3 du Code civil relatif au changement de nom en cas de modification du lien de filiation. Cet article, fondamental pour la compréhension de l’arrêt, dispose en son premier alinéa qu’en cas de minorité de l’enfant, toute modification de lien de filiation entraine la perte du nom lié à cette filiation sans égard au consentement de l’enfant. En effet, si la rédaction du texte est axée sur le principe du consentement du mineur âgé de 13 ans au changement de son nom, l’exception qui y est attachée dévoile cette règle : le mineur âgé de

13 ans doit consentir au changement de son nom sauf si ce changement opère en raison d’une modification de filiation. Les juges l’ont d’ailleurs clairement affirmé, dans le cadre de leur pouvoir d’interprétation de la loi. Ainsi la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 16 janvier 1998 [n° 96-16.277], a-t-elle pu rappeler que l’annulation d’une reconnaissance paternelle entraîne la perte du port du nom de famille peu important le consentement de l’enfant mineur comme la durée de port du nom. Les juges avaient à ce titre pu expressément poser que « la possession d'état n'est pas un mode autonome d'acquisition du nom patronymique ».

Or, d’une certaine manière, l’arrêt du 17 mars 2010 reprend cette règle, et ce de manière assez visible. S’il est vrai que les juges ne rappellent pas le principe de l’article 61-3 du Code civil pourtant sous-jacent au raisonnement mené, ils indiquent très clairement la règle qui en découle : l’impossibilité d’acquérir par une possession d’état un nom. Surtout, ils semblent, en la mettant ainsi en exergue, l’appliquer à l’espèce. Pour autant, l’analyse mérite d’être complétée. La Cour de cassation ne nous dit pas que les juges du fond ont parfaitement appliqué à la lettre ce principe. Elle nous dit que ces juges du fond « ont souverainement apprécié qu’en l’espèce [l’intérêt supérieur de l’enfant] ne justifiait pas le maintien du nom de l’auteur de la reconnaissance annulée. » Autrement dit, elle admet l’existence d’une limite à ce principe : l’intérêt supérieur de l’enfant, sur le fondement de l’article 3.1 de la CIDE. C’est donc ici une mise en œuvre, sans le dire, d’un contrôle de conventionalité de l’article 61-3 du Code civil et d’une modification substantielle de la règle amenant à son renversement. Le principe n’est plus que le changement d’une filiation entraine sans exception – y compris dans le cas d’une longue possession d’état du nom – la perte du nom. Le principe est que le changement de filiation entraine la perte du nom si et seulement si elle est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Aussi, plus qu’une exception au principe, il s’agit d’une réécriture par atténuation du principe.

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