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Commentaire Cass. Com, 5 janvier 2016

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Par   •  15 Novembre 2016  •  Commentaire d'arrêt  •  2 010 Mots (9 Pages)  •  2 577 Vues

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SEANCE 2 : Les avant-contrats

COMMENTAIRE : Cass. Com, 5 janvier 2016

        Le pacte de préférence est désormais encadré par le Code civil, l’article 1123 dispose que « le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter. »

En l’espèce, les associés d’une société par actions simplifiée (SAS), exploitant un hypermarché sous l’enseigne Leclerc ont conclu le 20 octobre 1994, un pacte de préférence avec leurs actionnaires minoritaires prévoyant un droit de priorité de rachat en cas de vente. Précision était que, le prix serait fixé, à défaut d’accord amiable, à dire d’expert. Le 28 août 2007, après cession du bail avec la société détentrice des locaux exploités, les associés ont conclu, sous condition suspensive, une promesse de cession des titres de leur société avec la société ITM Alimentaire Nord au prix de 7 500 000 euros. En effet, les cédants du bail avaient notifiés les actionnaires minoritaires de leur offre mais ces derniers ont refusé le prix convenu par les experts, trois experts ont donc été désignés de nouveau. Durant la procédure d’expertise, un protocole transactionnel a été conclu entre le bailleur et la SAS, par lequel il était mis fin au bail moyennant une indemnité d'éviction de 7 400 000€. Dans le même temps, le cessionnaire, repreneur des locaux, a versé bailleur un droit d'entrée de 7 500 000€ et a ainsi retiré son offre d'acquisition des actions de la SAS.

Estimant que cette transaction avait été conclue en fraude du pacte de préférence, les actionnaires minoritaires ont assigné les associés majoritaires en indemnisation et en annulation du protocole transactionnel. Les défendeurs ont reconventionnellement demandé l'annulation du pacte de préférence pour indétermination du prix. Le 17 avril 2014, la cour d’appel de Douai a fait droit à cette demande en annulant le pacte de préférence considérant que la nullité de la clause fixant les modalités de détermination du prix insuffisamment définies, entraine la nullité du pacte en son entier. Les actionnaires minoritaires se pourvoient donc en cassation.  

Les juges ont donc eu ici à se demander si lorsqu’une clause de prix est insérée dans un pacte de préférence, le prix doit être déterminé ou au moins, déterminable ?

C’est par l’affirmative que la chambre commerciale de la Cour de cassation a répondu à cette question le 5 janvier 2016 en rejetant le pourvoi et en exposant que : « Le pacte prévoyait qu'à défaut d'accord sur le prix, le cédant devrait seulement indiquer le nombre d'actions dont la cession était envisagée et le nom de l'expert qu'il désignait ; qu'ayant relevé qu'aucune négociation n'est intervenue entre les parties après la notification du prix de cession, le cédant était ainsi définitivement engagé par l'offre de vente et devait se soumettre au prix déterminé par l'expertise et que les parties entendaient seulement fixer celui-ci par intervention de tiers en application de l'article 1592 du code civil ; or les directives données aux tiers évaluateurs pour la fixation du prix étaient insuffisamment définies et n'étaient pas connues de l'ensemble des parties au jour de la conclusion du pacte, les tiers évaluateurs étaient donc tenus de faire application de critères qui n'étaient pas déterminés, de sorte que le prix n'était pas déterminable ; de plus, la mise en œuvre de la procédure d’évaluation prévue le pacte pouvait être considérée comme un acte de confirmation de la part des associés ; le cédant avait donc perdu, par l'effet de ce contrat, la liberté de déterminer lui-même le prix de la cession, la cour d'appel a exactement déduit que la nullité de la stipulation relative à la fixation du prix affectait la convention en son entier. »

Les juges du fond ont ainsi affirmé que la prévision du prix dans un pacte de préférence est possible (I), néanmoins l’insertion d’une telle clause emporte avec elle plusieurs conséquences (II).

  1. La possibilité de prévoir un prix dans un pacte de préférence

Dans leur décision, les juges ont ainsi reconnu qu’un prix de vente pouvait être prédéterminé dans un pacte de préférence (A) et, en l’espèce, la possibilité d’introduire une clause relative au prix de vente entrainait l’exigence de la déterminabilité de ce prix (B).

  1. La reconnaissance de la prévision du prix dans un pacte de préférence

Dans l’arrêt du 5 janvier 2016, les parties avaient conclu un pacte de préférence, conférant un droit de priorité de rachat en cas de vente des titres de la société, dans lequel elles ont inséré une clause de prix qui serait fixé, « à défaut d’accord amiable, à dire d’expert. »

Ultérieurement, la Cour de cassation et notamment, la première chambre civile, a pu décider, concernant les pactes de préférence « qu'il n'est pas dans la nature du pacte de préférence de prédéterminer le prix du contrat envisagé et qui ne sera conclu, ultérieurement, que s'il advient que le promettant en décide ainsi » (Cass. Civ 1ère, 6 juin 2001, n°98-20.673). Néanmoins, cette affirmation n’empêche pas les parties d’insérer dans le pacte de préférence, une clause relative au prix de vente.

En l’espèce, en incluant une clause sur le prix dans le pacte de préférence, les actionnaires majoritaires ont souhaité anticiper la cession des titres de la société. Ici, le prix n’est pas explicitement prévu, il devra être décidé par un accord amiable, ou à défaut, à dire d’expert. En effet, au moment de la conclusion du pacte de préférence qui précède nécessairement la vente puisque c’est un avant-contrat, les parties sont rarement capables d’estimer exactement le prix du montant de la cession qui n’est qu’éventuelle.

Dans le cas présent, l’offre faite aux actionnaires minoritaires a été refusée. L’intervention d’experts est donc nécessaire et le pacte prévoyait dans ce cas que « le cédant devrait seulement indiquer le nombre d'actions dont la cession était envisagée et le nom de l'expert qu'il désignait ». Ainsi, on peut voir ici les difficultés qu’entraine la présence d’une clause de prix dans un pacte de préférence, quant à la déterminabilité du prix notamment.

  1. L’exigence de la déterminabilité du prix

Dans l’arrêt du 5 janvier 2016, afin de déterminer la fixation du prix, des directives avaient été données aux tiers évaluateurs. Néanmoins, ces directives ont été jugées par la cour d’appel comme étant « insuffisamment définies et n'étant pas connues de l'ensemble des parties au jour de la conclusion du pacte ». En effet, « les tiers évaluateurs étaient tenus de faire application de critères qui n'étaient pas déterminés, de sorte que le prix n'était pas déterminable. » La Cour de cassation avait préalablement rendu un arrêt similaire le 6 novembre 2012 (11-24730), dans lequel elle avait affirmé la position de la cour d’appel de Nancy selon qui « les tiers évaluateurs étaient tenus de faire application de critères qui n'étaient pas déterminés, de sorte que le prix n'était pas déterminable ».

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