Commentaire d’arrêt : Cass. com., 26 janvier 2022
Commentaire d'arrêt : Commentaire d’arrêt : Cass. com., 26 janvier 2022. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar kizuzu • 26 Décembre 2022 • Commentaire d'arrêt • 3 073 Mots (13 Pages) • 1 969 Vues
Droit des obligations
Note | Appréciation |
Commentaire d’arrêt : Cass. com., 26 janvier 2022
Par un arrêt du 26 janvier 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt relatif à la répartition des textes applicables entre droit commun et droit spécial au déséquilibre significatif, profitant de cette occasion pour clarifier le domaine de l’article 1171.
En l’espèce, une société exerçant une activité de restauration et de sandwicherie a conclu un contrat de location financière le 25 septembre 2017, lequel contenait une clause résolutoire, avec une société spécialisée dans le domaine afin de louer du matériel fourni par une société tierce moyennant soixante loyers mensuels. Toutefois, la société de restauration a manqué à son obligation de paiement.
À la suite d’une mise en demeure le 16 juillet 2018 visant la clause résolutoire contenue à l’article 12 des conditions générales du contrat, la société fournissant le matériel a assigné la société de restauration et de sandwicherie afin d’obtenir le paiement des échéances dues. Un jugement a été rendu. Un appel a été interjeté par la société locataire. Selon la cour d’appel de Lyon, la clause des conditions générales est abusive et par conséquent, réputée non écrite car le contrat n’avait pas pris fin. La société de location forme donc un pourvoi en cassation. La société demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt rendu par la cour d’appel d’avoir appliqué l’article 1171 du code civil, une disposition générale de droit commun. La société soutient que cette disposition ne s’applique que dans les matières où l’interdiction des clauses déséquilibrées n’est pas déjà inscrite dans les textes spéciaux. L’article 1171 est donc inapplicable car ces dispositions se trouvent à l’article L. 442-1, I, 2° du code de commerce concernant les contrats conclus entre commerçants.
Dans le prolongement d’un débat doctrinal controversé depuis l’introduction de l’article 1171 du code civil par l’ordonnance du 10 février 2016, la chambre commerciale de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la question suivante : l’article 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, s’applique-t-il dans les contrats dont la prohibition des clauses génératrices d’un déséquilibre significatif est déjà assurée et régie par des dispositions spéciales ?
Par cet arrêt du 26 janvier 2022, la Cour de cassation répond par l’affirmative. La Cour de cassation, au visa de l’article 1171. En effet, elle affirme que « il ressort des travaux parlementaires de la loi du 20 avril 2018 ratifiant ladite ordonnance, que l’intention du législateur était que l’article 1171 du code civil, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-6 du code de commerce et L. 212-2 du code de la consommation ». Ainsi, dans l’arrêt du 26 janvier 2022, la chambre commerciale donne partiellement raison au loueur. En effet, elle rejette la première branche du moyen, et casse et annule l’arrêt concernant les autres moyens.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle le champ d’application de l’article 1171 du code civil (I), ce qui permet ainsi de clarifier le champ d’application en droit spécial (II).
- Le rappel du champ d’application de l’article 1171 du code civil
Tout d’abord, la Cour de cassation rappelle explicitement le champ de l’application de l’article 1171 du code civil. Pour ceci, elle cantonne son champ d’application au contrat d’adhésion (A), ainsi qu’à l’intention du législateur (B).
- Le cantonnement au contrat d’adhésion
La chambre commerciale de la Cour de cassation précise le 26 janvier 2022 que « selon l’article 1171 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016, dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».
D’abord introduite par l’article 2 de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, le champ d’application de l’article 1171 s’est précisé avec l’entrée en vigueur de l’article 7 de la loi de ratification n°2018-287 du 20 avril 2018 qui dispose que « dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ». En l’espèce, c’est la version de 2016 de l’article 1171 du code civil qui a été appliquée par les différents magistrats puisque le contrat de location financière datait du 25 septembre 2017. Néanmoins, la solution de la Cour de cassation aurait été similaire avec la rédaction issue de la loi de ratification du 20 avril 2018.
Par contrat d’adhésion, il faut entendre le contrat « qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties » (art. 1110 al. 2 C.civ). L’expression a été proposée par R. Saleilles (De la déclaration de volonté, contribution à l’acte juridique dans le Code civil allemand, Ed. Pichon, 1901) pour mettre en lumière les particularités et les dangers de ce contrat. Des différences significatives sont attachées à cette nouvelle qualification introduite dans le code civil par l’ordonnance 2016, si bien que certains auteurs ont pu parler de « nouvelle summa divisio du droit commun des contrats » (T. Revet, « Les critères du contrat d’adhésion », 2016).
Le champ d’application de l’article 1171 limité au contrat d’adhésion s’explique tout d’abord par un rapport de force déséquilibré entre les contractants, dès la formation du contrat, en raison du double critère de non-négociabilité et de prédétermination unilatérale par l’une des parties d’un ensemble de clauses - et non quelques clauses isolées. Plusieurs facteurs tels la taille de l’entreprise ou la situation financière de celle-ci peuvent expliquer ce déséquilibre, notion inspirée du droit de la consommation.
D’autre part, si le législateur en venait à appliquer le déséquilibre significatif défini à l’alinéa 2 de l’article 1171 selon lequel « l’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation », cela serait revenu à vider en grande partie de sa substance la règle posée à l’article 1168 du code civil, selon lequel « dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat ». Ainsi, les conditions d’application de l’article 1171 du code civil sont strictes.
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