Libertés et droits fondamentaux
Étude de cas : Libertés et droits fondamentaux. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar snoopy • 21 Août 2016 • Étude de cas • 2 736 Mots (11 Pages) • 1 075 Vues
Sommaire
1 - Dans un arrêt du 9 novembre 2015 qui sera publié au recueil Lebon (CE, 9e et 10e ss-sect., 9 nov. 2015, n° 370054, min. c/ Landesärztekammer Hessen Versorgungswerk (LHV) : Dr. fisc. 2015, n° 47, act. 646), le Conseil d'État juge, à l'égard d'une convention fiscale internationale, que la personne qui n'est pas effectivement soumise dans l'autre État - en l'occurrence l'Allemagne - à une des impositions visées par la convention ne peut être considérée comme assujettie au sens de l'article 2 de ce texte, et, par voie de conséquence, être regardée comme résidente pour l'application de la convention. Un arrêt du même jour, concernant l'application de la convention franco-espagnole, retient une analyse similaire (CE, 9e et 10e ss-sect., 9 nov. 2015, n° 371132, Sté Santander Pensiones SA EGFP, inédit au recueil Lebon)
Le Conseil d'État adopte ainsi une solution figurant en germe dans l'arrêt Regazzacci (CE, 9e et 10e ss-sect., 27 juill. 2012, n° 337656, min. c/ M. Regazzacci et n° 337810, M. Regazzacci : JurisData n° 2012-019035 ; Dr. fisc. 2012, n° 41, comm. 473, concl. F. Aladjidi, note F. Le Mentec ; RJF 11/2012, n° 1012, chron. É. Bokdam-Tognetti, p. 979. - V. E. Dinh, Fiscalité internationale : chronique de l'année 2012 : Dr. fisc. 2013, n° 9, 179 ; la convention franco-britannique de 1968, en cause dans cette affaire, comportait, en son article 3, une limitation à la qualification de résident selon laquelle « cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet État que pour les revenus de sources situées dans cet État », qui ne figure pas dans la convention franco-allemande) et qui avait déjà été envisagée par les commentateurs de cette décision (B. Gouthière, Résidence fiscale et assujettissement à l'impôt : FR 40/12, § 7 ; É. Bokdam-Tognetti, Convention fiscale franco-britannique : être assujetti ou ne pas être assujetti : RJF 11/12, p. 979, spéc. p. 982) avant d'être reprise par, au moins, une juridiction de première instance (TA Poitiers, 1re ch., 5 févr. 2015, n° 1200893, SARL Indigo Yacht : JurisData n° 2015-003586 ; Dr. fisc. 2015, n° 11, comm. 206, note O. Guiard).
Le point essentiel de cette décision mérite d'être intégralement cité : « 2. Considérant que les stipulations de l'article 2 de la convention franco-allemande citées ci-dessus doivent être interprétées conformément au sens ordinaire à attribuer à leurs termes, dans leur contexte et à la lumière de leur objet et de leur but ; qu'il résulte des termes mêmes de ces stipulations, qui définissent le champ d'application de la convention, conformément à son objet principal qui est d'éviter les doubles impositions, que les personnes qui ne sont pas soumises à l'impôt en cause par la loi de l'État concerné à raison de leur statut ou de leur activité ne peuvent être regardées comme assujetties au sens de ces stipulations ; que, d'ailleurs, le (4) de l'article 25 b de cette convention précise, s'agissant des organismes de placement collectif en valeurs mobilières, qu'ils peuvent bénéficier de certaines stipulations de celle-ci, alors même qu'ils ne seraient pas assujettis à un impôt visé à l'article 1er de la convention ; que, dès lors, une personne exonérée d'impôt dans un État contractant à raison de son statut ou de son activité ne peut être regardée comme assujettie à cet impôt au sens du a) du 4 du (1) de l'article 2 de cette convention, ni, par voie de conséquence, comme résident de cet État pour l'application de la convention ».
Cette solution apparemment logique repose malheureusement sur un certain nombre d'erreurs et d'approximations dont les conséquences n'ont, semble-t-il, pas toutes été mesurées.
2 - En indiquant que les conventions « doivent être interprétées conformément au sens ordinaire à attribuer à leurs termes, dans leur contexte et à la lumière de leur objet et de leur but », le Conseil d'État mobilise, sans les nommer, les principes coutumiers d'interprétation des traités codifiés à l'article 31 de la Convention de Vienne de 1969 - non signée par la France. Reprenant au mot près les termes de la Convention, la décision LHV s'inscrit dans le sillage de la jurisprudence Giorgis qui, la première, avait recouru à cette formule (CE, plén. fisc., 11 avr. 2014, n° 362237, M. Giorgis : JurisData n° 2014-008635 ; Dr. fisc. 2014, n° 21, comm. 342, concl. É. Crépey, note Ch. Louit ; RFP 2014, 13, note Ch. Laroche).
L'application de cette règle d'interprétation a donné lieu à relativement peu de commentaires chez les fiscalistes alors que sa mise en oeuvre a suscité une certaine perplexité chez les internationalistes. À juste titre, ceux-ci relèvent « l'étrange dialectique » du Conseil d'État (C. Santulli, Chronique de droit administratif et droit international, RFDA, 2015, p. 157 et s., spéc. p. 159) qui, à rebours des prescriptions du droit international, oppose le « sens ordinaire » à « l'objet » et au « but » des conventions alors que « sous l'angle du droit international, (...) les mots de l'accord bilatéral n'ont pas un sens ordinaire contredit par le sens qui résulte de l'objet et du but » (C. Santulli, préc.). C'est pourtant bien cette « étrange dialectique » dont la décision LHV fait application en écartant le sens ordinaire du terme assujetti au nom de la lutte contre les doubles impositions. L'objet supposé « la lutte contre les doubles impositions » ne sert pas à éclairer la notion d'assujetti : il est utilisé, au contraire, pour remettre en cause son sens ordinaire.
Au plan méthodologique, cette référence (non revendiquée) aux principes généraux d'interprétation des conventions suscite l'étonnement. Pourquoi s'appuyer sur une directive générale d'interprétation alors qu'une directive spécifique d'interprétation figure dans les conventions fiscales conclues sur le modèle OCDE, et, en particulier, dans la convention franco-allemande ici en cause ? Rappelons que l'article 2 de cette convention stipule in fine que « pour l'application de la présente Convention par l'un des États contractants, tout terme non défini dans cette Convention recevra, à moins que le contexte ne l'exige autrement, la signification que lui donnent les lois en vigueur dans l'État considéré, en ce qui concerne les impôts visés dans cette Convention ». Comme le souligne le président Philippe Martin, cette stipulation « est par rapport à la convention de Vienne une règle
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