La Dynamique De Protection Des Droits Fondamentaux
Note de Recherches : La Dynamique De Protection Des Droits Fondamentaux. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar ruben • 11 Mai 2013 • 6 573 Mots (27 Pages) • 1 358 Vues
La dynamique de protection des droits fondamentaux
en droit national et en droit européen
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Université Jagellonne de Cracovie (Pologne)
Lundi 22 octobre 2012
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Conférence prononcée par Jean-Marc Sauvé, 1
vice-président du Conseil d’Etat
Monsieur le recteur,
Monsieur le doyen,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Chers étudiants,
C’est avec un grand bonheur que je m’exprime aujourd’hui dans l’une des plus anciennes et prestigieuses universités d’Europe devant un collège de juristes qui, en Pologne, ont choisi d’étudier le droit français. Le sujet que je souhaite aborder- la dynamique de protection des droits fondamentaux en droit national et en droit européen – peut, me semble-t-il, répondre aux préoccupations de toute personne s’intéressant non seulement aux droits fondamentaux, mais également aux relations qu’entretiennent entre eux les systèmes juridiques.
Les droits fondamentaux nous concernent tous, car ils expriment quelque chose d’inhérent à la nature de l’Homme ; ils sont ce que l’Homme affirme qu’il est et, par conséquent, qu’il convient de protéger (la liberté, l’égalité en droits, la dignité…) pour qu’il reste homme. Ainsi pensés, les droits fondamentaux s’inscrivent comme l’assise même de nos sociétés, en tant que principes essentiels qui fondent la civilisation. Assurer la garantie de ces droits est donc plus qu’un simple enjeu juridique. C’est aussi un impératif politique, éthique et philosophique.
La dynamique de protection des droits fondamentaux s’est construite, durant le dernier demi-siècle, sur l’expansion des déclarations de droits (en droit interne, européen et international), sur la pluralité des traditions constitutionnelles et des ordres juridiques (à la fois nationaux et européens) ainsi que sur la diversité des juges et des interprétations données aux droits fondamentaux. Comment, dans ces conditions, mettre de l’ordre, de la cohérence et de l’harmonie dans la protection des droits fondamentaux sur l’ensemble de notre continent et, en particulier, comment assurer une protection de ces droits, sinon identique, du moins comparable et effective dans les pays d’Europe ?
Telles sont les questions auxquelles je vais m’efforcer de répondre avec humilité, car j’ai une vive conscience de la difficulté du sujet et de l’absence de réponse sûre ou évidente à ces questions. J’organiserai ma réponse en deux points :
1 Texte écrit en collaboration avec M. Olivier Fuchs, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’Etat.
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1) Le premier pour dire que la double garantie, européenne et nationale, des droits fondamentaux a donné naissance à une véritable dynamique de protection de ces droits sur notre continent (I).
2) Le second point me conduira à constater que si cette dynamique engendre des difficultés, celles-ci paraissent pouvoir être surmontées (II).
I. La dynamique de la protection des droits fondamentaux est portée par une double garantie, nationale et européenne, de ces droits.
A. L’histoire de la protection des droits fondamentaux est celle de l’émergence d’espaces complémentaires de protection.
1. L’essor des droits fondamentaux constitue l’un des phénomènes les plus visibles de la transformation de nos sociétés entamée à l’ère moderne, en particulier depuis le XVIIIème siècle. Nous avons vu hier à Auschwitz la face sombre, les ténèbres de cette transformation. Nous ne pouvons ignorer la lumière qu’elle a aussi diffusée dans le sillage de la révolution humaniste. Les droits nationaux ont très tôt recueilli l’empreinte de cette révolution, soit au travers des déclarations de droits, comme cela a été le cas pour la Grande-Bretagne (1679 et 16892), les États-Unis (17763) ou la France (17894), soit directement dans les textes constitutionnels. La Constitution polonaise du 3 mai 1791, qui fut la deuxième du monde – elle a été adoptée quatre mois avant la première Constitution française – et qui a fait de la Pologne un Etat précurseur en matière constitutionnelle, ne contenait certes pas de déclaration des droits ; mais elle énonçait des droits matériels, visant en particulier à la protection des paysans, qui seraient certainement aujourd’hui qualifiés de fondamentaux. Ces premières déclarations, comme la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen en France, qui furent le plus souvent des répliques de la raison à des régimes oppresseurs, étaient, sont et resteront éminentes, tant au plan symbolique qu’en droit positif. Elles constituent des boussoles qui fixent le cap dans les secousses, les incertitudes ou les bégaiements de l’histoire.
A ces premiers instruments, que sont les déclarations de droits, d’autres se sont ajoutés. Les sources constitutionnelles des droits fondamentaux se sont ainsi notablement développées. La Constitution polonaise du 2 avril 1997 accorde ainsi une grande importance aux droits et aux libertés, en particulier en son titre II5 qui, des articles 30 à 86, peut se lire comme une véritable charte des droits et des libertés. La Constitution actuellement en vigueur en France, celle du 4 octobre 1958, consacre, quant à elle, dans son Préambule, la place particulière de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, mais également du Préambule de la Constitution de 1946, qui demeure donc opposable, et de la Charte de l’environnement adoptée ultérieurement en 2004. Le législateur a aussi oeuvré à la protection des libertés publiques. En France, au cours de la IIIème République, de grandes lois ont ainsi fixé le régime des principales libertés (liberté de réunion, liberté de la presse, liberté syndicale, liberté
2 L’Habeas Corpus de 1679 et le Bill of Rights de 1689.
3 La Déclaration d’indépendance américaine, adoptée en 1776, ouvrit la voie aux Constitutions des Etats fédérés – dont la Constitution de Virginie la même année, et annonce la Constitution des Etats-Unis de 1787, qui sera complétée par les dix premiers amendements, véritable déclaration des droits, en 1791.
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