Commentaire de texte : Jean Domat, "Les lois civiles dans leur ordre naturel"
Fiche : Commentaire de texte : Jean Domat, "Les lois civiles dans leur ordre naturel". Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar cml. • 10 Février 2021 • Fiche • 2 150 Mots (9 Pages) • 2 853 Vues
Le XVIIe siècle est une période d’unification des lois dans une époque qui était jusqu’alors caractérisée par une grande pluralité de sources de droit. Ce siècle marque l’hégémonie de la France à travers l’Europe notamment grâce à Louis XIV qui érige un régime absolutiste de droit divin. On qualifie d’Ancien droit le droit français en vigueur sous la monarchie absolue. On peut alors distinguer l’application de cet ancien droit sur deux grands ensembles : le nord de la France appliquant un droit coutumier, fondé sur des usages et des privilèges qui étaient souvent l’œuvre des siècles et le sud de la France, quant à lui, soumis au droit romain. A cette période, la coutume est la forme de droit la plus répandue en France. Elle se distingue de la loi écrite car elle se transmet de manière orale et immémoriale. Ainsi, afin d’assurer sa pérennité dans le temps, divers textes sont rédigés. Le droit écrit, quant à lui, se divise en deux branches : d’une part, le droit romain et d’autre part, le droit canonique. Hormis les lois fondamentales du Royaume qui sont de nature orale et coutumière, le pouvoir royal dispose avant tout d'un droit écrit, à travers lettres, édits, décrets et ordonnances. Le roi de France ne cherche pas à abroger les coutumes locales, au contraire le droit royal cohabite avec les coutumes locales à l’exception de certains de domaines dans lequel le droit royal prévaut. Peu à peu, l’émergence d’un droit tendant à l’unification au sein du royaume éclot. De grandes personnalités juridiques participent à ce mouvement. C’est le cas de Jean Domat (1625-1696) qui est un jurisconsulte français, grande figure du mouvement rationaliste en France au XVIIe siècle. Avocat au présidial de Clermont, puis pensionnaire de Louis XIV, il s’est beaucoup penché sur l’étude de la jurisprudence. Le but recherché par Domat est de présenter l’ensemble du droit français comme un ensemble cohérent et intelligible mêlé à une pensée rationaliste. Il s’inscrit dans le mouvement humaniste juridique : mouvement intellectuel qui prône un retour à l’antiquité et qui est un vecteur de rationalité juridique. Jean Domat applique ce mouvement à la méthode d’interprétation du droit. Selon lui, tous les dysfonctionnements proviennent de « l’incertitude des règles » et du « désordre des lois ». Il rationnalise alors le droit français en compilant les principes généraux du droit, entreprise initiée par Charles Dumoulin (1500-1566). En effet, il croit possible de procéder à une « mise en ordre » rationnelle qui annonce la codification. Son ouvrage Les lois civiles dans leur ordre naturel, paru en 1689, est considéré comme une référence du droit civil français. L’œuvre a pour objectif tout d’abord, d’assurer une formation juridique, il a une portée pédagogique. Il procède à une articulation du droit romain et du droit commun (droit coutumier) en s’appuyant sur le droit romain qu’il considère comme une rationalité parfaite. Il présente les matières de droit en commençant par les lois civiles (droit privé) puis ensuite les lois politiques (droit public). Dans sa préface de l’ouvrage Les lois civiles dans leur ordre naturel, il illustre une conception de la justice et de l’harmonie sociale à laquelle il compte contribuer grâce à sa volonté de mettre des connaissances juridiques à la portée de chacun. On peut alors se demander dans quelle mesure Jean Domat a tenté d’instaurer, de par son ouvrage, un instrument d’harmonie social instaurant les prémices d’une unification du droit. Dans un premier temps, il s’agira d’expliquer en quoi l’ouvrage cherche à démocratiser le droit puis dans un second temps, de démontrer que l’auteur cherche à établir un droit universel.
I- La démocratisation de la matière juridique initiée par l’auteur
La démocratisation du droit, et plus précisément des lois civiles grâce à l’intervention de Domat passe par un processus de classification et d’ordonnancement des lois (I) dans un but pédagogique en respectant la vision rationaliste de l’auteur (II).
A) Une entreprise de classification des lois
Jean Domat propose dans son ouvrage de « mettre en ordre les lois civiles » en donnant une présentation rationnelle et systémique du droit civil. L’auteur est janséniste, un chrétien dont la particularité était d’adopter une certaine rigueur intellectuelle et croit pouvoir y parvenir en réorganisant le droit. Il considère que le droit peut être présenté de manière logique et de manière scientifique, cohérente et complète. Il condamne le désordre du droit qu’il juge responsable de la déchéance. Il adopte la méthode du Mos geometricus qui consiste à adopter un raisonnement scientifique, influencé par Pascal. Ensuite, il veut y apporter de la lumière grâce au droit romain. « Les lois civiles » renvoient à la multiplicité des coutumes régionales qui rendent complexe la recherche des règles de droit applicables lors des litiges. De plus, on peut noter que les tribunaux avaient des pratiques qui leur étaient propres. Ainsi, il Domat propose de « distinguer les matières du droit et les assembler selon le rang qu’elles ont dans le corps qu’elles composent naturellement ». Cela revient à évoquer la multitude de domaines qui composent alors le droit civil comme le droit des personnes, des choses, des obligations ou encore des successions. Considéré comme le chef de file du mouvement rationaliste en France au XVIIème siècle, il ancre ce courant dans une nouveau processus de classification du droit. Il présente l’ensemble du droit comme un ensemble d’abord cohérent, puis intelligible. Il participe ainsi à améliorer la sécurité juridique et par conséquent à l’avènement d’une harmonie sociale. C’est ainsi qu’il évoque son travail méticuleux qui consiste à “ranger en chaque partie le détail de ses définitions, de ses principes et de ses règles”. Les axes de travail d’ordonnancement sont aussi cités dans la préface lorsqu’il évoque la “brièveté par le retranchement de l’inutile et du superflu et la clarté par le simple effet de l’arrangement”. En effet, il fait référence à la pluralité des sources du droit sous l’Ancien Régime : des textes d’origine distincte et de contenu différent régissent les relations entre particuliers, selon les lieux où ils s’appliquent et parfois selon les personnes concernées. Au nord et au centre de la France, il s’agit de coutumes nées au Moyen Age et mises par écrit au XVIe siècle, tandis qu’au sud de la France, le droit écrit s’inspire du droit romain.
Jean Domat procède à une classification
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