Jean Domat, Les loix civiles dans leur ordre naturel
Dissertation : Jean Domat, Les loix civiles dans leur ordre naturel. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar choukie1502 • 11 Mars 2021 • Dissertation • 2 256 Mots (10 Pages) • 1 826 Vues
5ème séance : Les tendances à l’unification du droit sous l’ancien régime
Jean Domat, Les loix civiles dans leur ordre naturel, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1689, Préface de l’auteur :
L’expression « Ancien régime » a été inventée durant la Révolution française. Cette dernière fait s’opposer l’Ancien régime, marqué par une monarchie absolue, au nouveau régime marqué par une importante libéralité. La fin du XVIIème siècle correspond au règne de Louis XIV, La France est en pleine expansion et son rayonnement est international.
La période de l’Ancien régime, et plus précisément de la fin du XVIIème siècle, est marquée par l’influence de la période du Moyen-Age, dont l’héritage demeure visible. Cet héritage transparait notamment dans l’organisation juridique du pays ainsi que dans la diversité des sources du droit. La période moderne qui suit le Moyen-Age voit s’épanouir le pluralisme juridique. De nombreuses évolutions vont se produire, changeant notamment l’ordre d’importance des différentes sources du droit.
Suite à l’ordonnance de Montils-les-tours en 1454 de nombreuses coutumes sont officiellement codifiées. Etant fixées par écrit, elles ne peuvent plus évoluer, connaissent une certaine sclérose, deviennent inadaptées aux réalités sociales. Elles tendent donc à s’affaiblir.
Par ailleurs la législation royale gagne en influence. Entre le XVIème et le XVIIIème siècle, la loi occupe une place toujours plus grande en même temps que l’autorité du roi augmente. La monarchie française s’achemine vers l’absolutisme monarchique fondé sur l’expression d’une volonté royale ne pouvant souffrir d’aucune contestation.
Depuis le concordat de Bologne en 1516 le roi de France a même un pouvoir sur l’Eglise et peut notamment proposer les candidats à la fonction d’évêques en France. Le droit canonique traditionnel s’applique toujours à des pans entiers de droit mais les règles postérieures au corpus juris canonici sont contestées et contrôlées.
Le rationalisme, courant de pensées importé de l'Italie au XVIème, a également fait son chemin. Désormais les juristes français cherchent à épurer le droit romain, droit portant les marques de son époque, et parfois inadapté aux besoins d'une société en pleine mutation.
Le droit romain et le droit canonique conservent tout de même une certaine influence grâce au « jus commune », un droit romano-canonique principalement formé par l’interprétation que donnent les canonistes ou romanistes du corpus juris civilis, du liber extra, du corpus juris canonici.
Jean Domat fait le constat de cette diversité :« Nous avons en France quatre différentes espèces de lois : les ordonnances et les coutumes qui sont nos lois propres et ce que nous observons du droit romain et du droit canonique. Ces quatre sortes de lois, règles les matières de toutes natures mais leur autorité est bien différente ». Jean Domat est un avocat du roi au présidial de Clermont-Ferrand. Il fait partie de ces romanistes modernes qui affirment que le droit romain ramené à ses principes essentiels est le droit le plus abouti. Adoptant la méthode de réflexion de Pascal, construite sur une méthode de pensée claire et mathématique, Jean Domat considère qu’il faut réorganiser, rationnaliser les « loix civiles » qui sont des lois romaines abstraites, lesquelles exposent les vérités éternelles du droit naturel. Selon lui, elles contiennent des principes immuables valables pour tous et partout.
Dans son ouvrage phare Les loix civiles dans leur ordre naturel, dédié au roi Louis XIV, Jean Domat s’attache à moderniser le droit romain dans une perspective ambitieuse. Dans la préface soumise à notre étude, il s’attache à expliquer sa démarche, ses raisons et les possibilités ouvertes par le travail entrepris.
Au moment de la publication de l'ouvrage, le droit français est naissant. L'apparition d'un "droit français" s'observe en 1679 avec la première "ordonnance civile" de Colbert. Le "droit français" émergeant est alors un droit en rupture, quant à la méthode, par rapport au droit existant. Il s'agit d'un droit légiféré qui bouleverse le domaine juridique, essentiellement constitué des droits savants et du droit coutumier. Le droit français est un droit produit de la volonté.
En quoi le travail de rationalisation du droit romain entrepris par Jean Domat traduit-il son ambition de construire un droit universel français ?
La mise en ordre des « loix civiles » constitue un travail nécessaire à tous (I). Ce travail répond à un but pratique en permettant l’enseignement et l’utilisation d’un droit romain clarifié. Ce travail contribue aussi à l’unité juridique de la France en même temps qu’il participe à la construction d’un droit universel dont la France serait le guide (II).
- La mise en ordre des « loix civiles », un effort nécessaire à tous
La mise en ordre des lois constituant le droit romain est avant tout un travail de distinction et de rationalisation (A). Le droit romain étant le droit le plus parfait lorsqu’il est ramené à son essence et ses principes essentiels, il doit bénéficier à tous sur un plan pratique (B)
- La mise en ordre des « loix civiles » par la rationalisation
Comme Jean Domat l’affirme lors de la première phrase du texte étudié : « le dessein qu’on s’est proposé dans ce livre est donc de mettre en ordre les loix civiles » Son objectif est de refondre le droit romain pour en donner une vision la plus précise et la plus systématique possible. Car quel droit, sinon le droit romain, est assez parfait pour répondre aux besoins et problèmes de toutes les sociétés ?
« Ainsi, ce n’est pas un abrégé qu’on s’est proposé de faire ou de simples Institutes, mais on a taché d’y comprendre tout le détail des matières dont on doit traiter. » Contrairement au principe des abrégés ou des Institutes portant sur des compilations de textes romains, l’ouvrage que propose Jean Domat n’est pas une simplification à outrance du droit romain en ne faisant que résumer brièvement certaines notions. C’est un travail de rationalisation c’est-à-dire un agencement plus efficace et cohérent du droit romain.
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