Les lois Civiles dans leur ordre naturel

“Il y a une infinité de lois qui ne subsistent que parce qu'on n'a pas le temps de les réformer.” Cette citation de Jean Domat exprime sa volonté de classer et organiser le droit afin de le rendre plus intelligible et faciliter son application.

Les lois civiles dans leur ordre naturel, paru en 1689 est un ouvrage doctrinal qui propose une systématisation complète du droit français, à partir d’une exposition logique fondée sur la raison et la nature. Dans l'extrait étudié, c'est-à- dire la préface de son texte, Jean Domat explique pourquoi il procède à la réformation du droit, il s’adresse également aux étudiants en droit, aux juristes, aux praticiens du droit, ainsi qu'à toute personne intéressée par l'étude et la compréhension du système juridique. Dans la préface de l’ouvrage, il illustre une conception de la justice et de l’harmonie sociale à laquelle il compte contribuer grâce à sa volonté de mettre des connaissances juridiques à la portée de chacun. Jean Domat fonde sa réflexion sur le droit dans une conception du monde essentiellement chrétienne. Il cherche à rendre les Lois Civiles plus accessibles et intelligibles tout en préservant les principes du droit naturel.

Jean Domat est donc un jurisconsulte français du XVIIe siècle. Chef de file du mouvement rationaliste, il a consacré une grande partie de son étude à la jurisprudence. Il est à la tête du présidial de Clermont c'est-à- dire un tribunal de justice, et s’installe à la cour de Louis XIV grâce au succès des Lois civils dans leur ordre naturel.

À l’époque où Domat rédige son œuvre, le système juridique français se caractérise par sa fragmentation et sa complexité, combinant des coutumes locales, des lois royales et des principes du droit romain. L'Ancien droit, en vigueur sous la monarchie absolue, se divise essentiellement en deux grandes catégories: dans le Nord de la France, on observe l’application du droit coutumier, fondé sur des usages et des privilèges, tandis que dans le Sud, c'est le droit romain qui prévaut. La coexistence de multiples sources, telles que la coutume et la législation royale, contribue à une certaine confusion et complexité dans le système juridique.

Ainsi des juristes vont, de manière précoce, proposer une unification des coutumes, qui regroupe les coutumes du royaume de France, permettant la mise en place d’un droit français propre et unitaire. Ce projet avait déjà été au XVe siècle celui du roi Louis XI; il est repris par le juriste parisien Charles Dumoulin dont Jean Domat reprendra l’initiative. Le jurisconsulte français vise à harmoniser ces différentes sources et à les organiser de manière systématique et cohérente. Son objectif final est de réaliser un corpus unifiant en francais, des règles abstraites dont les droits savants en fourniraient l’apport essentiel. Cet ouvrage facilitera alors dans un premier temps la compréhension des textes de droit jusqu’alors réservé aux sachants et permettra la diffusion d’un droit français unifié sur le territoire. La question se pose donc de manière suivante:

Comment Jean Domat procède à refonder et unifier le droit romain, qui va par la suite permettre la diffusion d’un droit français unifié ?

Il sera envisageable de développer en premier lieu le projet de codification lié au droit naturel et à l’équité (I), puis s’attarder sur la question de la réorganisation systématique des Lois Civiles (II).

Un projet de codification lié au droit naturel et à l’équité

Ainsi, pour comprendre le projet de codification de Jean Domat, il est important de savoir qu’il considère que les règles juridiques sont liées au droit naturel (A) et au principe d’équité (B).

Des règles juridiques dépendantes du droit naturel

Les sources du droit romain sont multiples et le droit romain est une source riche de jurisprudences. Cependant, elle peut parfois manquer de cohérence avec ses principes fondamentaux. Ces principes sont « les fondements de l’ordre de la société humaine » (l.34). Mais cela peut amener à des difficultés de compréhension et d’apprentissage. Et à faire des lois civiles une source du droit « peu connue » (l.1). Ainsi, Jean Domat va chercher à rationaliser le droit romain en l'alignant sur les concepts du droit naturel. Il parle d’une « science du Droit naturel » (l.8). Le droit naturel est l'ensemble des droits que chaque individu possède du fait de son appartenance à l'humanité et non du fait de la société dans laquelle il vit. Cet ensemble est des règles fixes et non écrites car elles trouvent leur source dans la nature elle-même. Selon lui, toutes les lois civiles tirent leur origine des principes du droit naturel. Il va donc replacer les lois romaines dans leur ordre naturel. Car il explique que les lois « n'entrent dans l'esprit que les unes par les autres » (l.13). Il faut donc retracer les sources du droit depuis les « premières » (l.15). De plus, il existe une opinion majoritaire qui précise que le christianisme a eu une grande et profonde influence sur le droit romain.

D'ailleurs, le jurisconsulte fait référence à « l’usage de l’ordre » (l.10). Selon la théorie de l’ordre de l’auteur, l’ordre est inscrit par Dieu dans la nature et la société humaine. C’est-à-dire que c’est un droit naturel car il découle du pouvoir divin. Il ne peut être remis en cause comme pour toutes les autres sources divines. En revanche, malgré le fait que ces lois divines soient inéluctables, elles ne constituent qu’une petite partie des sources du droit civil.

En insistant de manière significative sur la relation intime entre les lois civiles et les principes du droit naturel et en harmonisant ces deux sources, il vise à créer un système juridique plus juste, équitable et conforme aux principes éthiques sous-jacents du droit naturel.

B. Des règles juridiques dépendantes de l’équité

Jean Domat en tant qu’humaniste considère qu’il faut mettre les lois naturelles dans « l’ordre » (l.11), cela veut dire que les lois civiles devraient être structurées de manière à être en harmonie avec les principes éthiques et moraux de la nature humaine. Ces principes éthiques et moraux de la nature humaine se basaient sur la mémoire et la pratique orale. Ainsi, ils se caractérisent par le fait qu’ils existent depuis longtemps et

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