Commentaire du texte de Jean Domat

La doctrine de l'époque moderne

Commentaire du texte de Jean Domat (Les loix civiles dans leur ordre naturel)

Livre prélimiaire : Où il est traité des règles du droit en général, des personnes et des choses.

On a donné à ce Livre le nom de préliminaire, parce qu'il contient trois sortes de matières, qui étant communes à toutes les autres, et nécéssaires pour les bien entendre, doivent les précder. Et aussi les matières de ce Livre sont comme les premiers éléments du Droit. Car avant qu'on entre dans le détail des règles, il est premièrement nécessaire de connaître en général les espèces et la nature de ces règles, et les manières de les bien entendre, et de les bien appliquer, et ce sera la matière du premier Tire de ce Livre.

Et parce que dans tout le détail des matières du Droit et de leurs Loix, il faut toujours considérer les personnes que ces matières et ces Loix regardent, et qu'il y a dans toutes les personnes de certaines qualité selon lesquelles les Loix Civiles les considèrent, et les distinguent, et qui ont un rapport particulier à toutes les matières du Droit. Ces qualités et ces distinctions des personnes, feront la matière du second Titre de ce Livre. Et le troisième contiendra les manières dont les Loix considèrent et distinguent les diverses sortes de choses, par les qualités qui se rapportent à l'usage, aux commerces qu'en font les personnes : et selon que ces usages et ces commerces entrent dans l'ordre réglé par les Loix Civiles.

Titre 1 : des règles du droit en général :

Les règles qui seront epliquées dans ce Titre regardent en général la nature et l'usage et l'nterprétation des loix. Et comme ces règles sont communes à toutes les matières, et qu'elles sont d'un usage très fréquent, il ne faudra pas se contenter de n'en faire qu'une première et simple lecture, mais il sera utile de les relire de temps en temps et d'y recourir dans les occasions. On pourra aussi joindre à cette lecture, celle des chapitres XI et XII du Traité des Loix.

Le texte soumis à notre commentaire est de nature juridique. En effet, il est extrait  d'un ouvrage traitant du droit civil français. Son auteur, Jean Domat (1625-1696), est un jurisconsulte français qui va promouvoir le courant rationaliste dans le royaume de France durant le XVIIe siècle et il va plus particulièrement l'appliqué au droit. Il est très proche de Pascal, ce qui va influencer son mode de pensée. Ainsi après des années comme avocat du roi, Domat décide en 1681 d'ordonner le droit en vigueur sur le territoire français, et de l'ordonner de manière raisonée. Néanmoins Jean Domat est passé totalement inaperçu auprès de ses contemporains, et ce n'est que durant les siècles suivant qu'il va acquérir une certaine légitimité.

C'est de cette volonté que va naître son oeuvre majeur Les loix civiles dans leur ordre naturel en 1689 et dont est extrait notre texte. Cet ouvrage est considéré comme un des monuments du droit civil français, et servira de base à l'élaboration du code Napoléonien.

Il s'agit ici d'analyser l'évolution de la doctrine, et l'application du rationalisme au domaine juridique.

Les droits savants, et nottament le droit romain, dans un premier temps totalement délaissés, vont renaitre dans les derniers siècles du moyen-âge. Ils vont alors faire l'objet d'analyses approfondis, mais sans pour autant être remis en question. Les juristes du moyen-âge vont considérer le droit romain et le digeste de Justinien comme parfait, et vont l'analyser hors du temps, hors de tout contexte. Pour autant, les droits savants ne sont qu'une petite partie du droit en activité à cette époque. En effet, c'est principalement le droit coutumier qui prime durant le moyen-âge, droit caractérisé par un pluralisme très important. Le morcèlement important du territoire causé par les seigneuries empêchent également tout sentiment et volonté d'une unité nationale, tant au niveau social que juridique.

Néanmoins, si l'époque moderne s'ouvre également sur un pluralisme juridique, un certains nombre d'éléments vont changer. Les coutumes depuis l'ordonnance de Montils-les-tours (1454) tendent à diminuer et convergent sur de nombreux points. Le rationalisme courant importé de l'Italie au XVI a également fait son chemin. Désormais les juristes français cherchent à épurer le droit romain, droit portant les marques de son époque, et parfois plus vraiment adapté aux besoins d'une société en pleine mutation. Dans le même temps, l'économie s'ouvre suite aux grandes découvertes et à la découverte des Amériques. Les commerces des épices favorisent le développement des ports et des villes. Le pouvoir royal de son côté s'affermit toujours plus. Ainsi, dès le XVIe siècle, la notion d'Etat va faciliter le développement d'une souverainté royale, selon laquelle la volonté royale ne connait aucune concurrence possible.

Mais c'est à la fin du XVIIe siècle que Domat va vouloir organiser ces divers droits en vigueur. L'étude de ce texte permet de soulever l'évolution d'un mode de pensé,  l'application au droit d'une raison presque mathématique. De cette raison va découler une organisation logique du droit qui va servir de base pour les codifications postérieur. De la même manière, cette raison va grandement influencer le rapport au droit des juristes des siècles suivants.

C'est pourquoi il convient d'analyser dans un premier temps comment la pensée de Jean Domat va permettre une organisation nouvelle du droit (I) avant d'observer son application selon une conception nouvelle, celle de l'ordre naturel (II).

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