Vie Privée Et Droits Fondamentaux
Rapports de Stage : Vie Privée Et Droits Fondamentaux. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar lilyrose43 • 1 Décembre 2013 • 2 078 Mots (9 Pages) • 1 273 Vues
L’un des objectifs fondamentaux du Droit est de réguler la vie en société, en assurant un équilibre entre le respect des droits et libertés fondamentales des individus et l’Intérêt général. On retrouve cet enjeu lorsqu’on se penche sur la conciliation entre vie privée et espace public, dans une société où la dissimulation de son image est de plus en plus mal acceptée. Dans ce contexte, le contrôle de proportionnalité effectué par le Conseil constitutionnel pour s’assurer de la validité de cette conciliation semble plus que jamais nécessaire, bien qu’il ne semble pas suffire à dissiper toutes les ambigüités, comme le montre une décision rendue le 7 octobre 2010.
En l’espèce, un rapport d’information traitant de port du voile intégral sur le territoire national a été publié le 26 janvier 2010 ; le 5 février 2010, une proposition de loi visant à interdire le port de tenues ou d’accessoires ayant pour effet de dissimuler le visage dans les lieux ouverts au public et sur la voie publique a été présentée à l’Assemblée nationale. Le Premier ministre a décidé de saisir le Conseil d’État pour avoir un avis sur la possibilité de légiférer sur cette notion. Dans un avis le 25 mars 2010, la juridiction administrative a conclue qu’aucune base juridique sérieuse n’existait pour interdire le voile par voie législative, et qu’une telle interdiction serait « juridiquement fragile ». Pourtant, malgré l’avis négatif du Conseil d’Etat, un projet de loi fut soumis à l’Assemblée nationale en juillet de la même année, et adopté par le législateur. Suite à une saisine simultanée des Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, le Conseil constitutionnel a du se prononcer sur la conformité de ce projet de loi à la Constitution, il s’agit donc ici d’un contrôle a priori de la loi.
Par sa décision du 7 octobre 2010, le Conseil constitutionnel a formulé une réserve d’interprétation sur ladite loi, et jugé pour le surplus cette loi conforme à la Constitution. En effet, le Conseil estime que l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public ne saurait restreindre l’exercice de la liberté religieuse dans les lieux de culte ouverts au public car l’atteinte à l’article 10 de la Déclaration de 1789 relative à la liberté religieuse serait alors excessive. Sous cette réserve, le Conseil constitutionnel a jugé la loi déférée conforme à la Constitution, en considérant que le législateur n’avait pas fait de disproportion manifeste entre la sauvegarde de l’ordre public et les droits protégés par la Constitution ; il exerce donc un contrôle de proportionnalité minimum de la loi.
Suite à cela, la loi, validée par le Conseil constitutionnel, a été publiée au Journal officiel le 12 octobre 2010, intitulée loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public. On peut remarquer que la décision du Conseil, sensée avoir mis fin à un important débat juridique, a été abondamment commentée par la doctrine. Dès lors, on peut se demander en quoi l’apport de ce contrôle de proportionnalité peut paraitre fragile, et comment cela influe sur la portée de cette décision.
I) Un contrôle de proportionnalité effectué sur un fondement incertain
Dans la décision du 7 octobre, le Conseil constitutionnel effectue un contrôle de proportionnalité minimum, en recherchant si le législateur n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en rédigeant la loi, en conciliant les objectifs de celle-ci et les normes constitutionnelles. La question étant ici inédite, il convient de se demander sur quelles normes le Conseil a fondé sa décision.
A) Une décision découlant d’une saisine vierge, laissant une grande liberté d’appréciation au juge constitutionnel
Lorsqu’on étudie cette décision, on remarque en premier qu’elle découle de la saisine du Conseil Constitutionnel par le Président de l’Assemblé Nationale et le Président du Sénat, procédure rare qui souligne d’autant la virulence du débat juridique des parlementaires autour de la loi déférée, et l’importance du rôle accordé au juge constitutionnel pour y mettre fin. Partant, on pourrait penser que les présidents se seraient appuyer sur des arguments juridiques concrets pour justifier leur saisine, et expliquant sur quels fondements cette loi leur parait inconstitutionnelle. Or, ce n’est pas le cas ici, le contrôle a priori se fait par le biais d’une « saisine blanche », ce qui montre la volonté des parlementaires de laisser une grande liberté du législateur concernant la sélection des normes constitutionnelles à confronter avec les objectifs de la loi.
Les visas de la décision sont réduits au strict minimum, avec les seules mentions de la Constitution et de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : on peut penser que cette brièveté s’explique par la volonté du Conseil de rendre une décision claire et la moins critiquable possible en se concentrant sur des fondements précis. Le choix de ces fondements montre d’ailleurs clairement la volonté du juge de construire un raisonnement juridique lui permettant de valider la loi. En effet, il choisit de ne pas se fonder sur le principe de dignité humaine, comme l’a fait le Conseil d’Etat dans l’arrêt « Morsang sur Orges », pour fonder l'interdiction du port de la burqa à l'égard d'une femme qui prétendrait faire ce choix vestimentaire librement, ce qui contraindrait l’individu au respect de sa propre dignité.
A cet égard, on voit bien que le juge constitutionnel, tout comme le législateur cherche à éviter de viser directement les femmes portant volontairement le niquab, question sujette à controverse. A la place, il va confronter la liberté de l’individu aux bornes de la loi empêchant celle-ci de nuire à autrui, en se suggérant le recours à un ordre public immatériel.
B) Une décision fondée sur la suggestion implicite d’un ordre public immatériel
En se fondant sur la liberté et non sur la dignité, le Conseil justifie la non prise en compte du consentement de l’individu à dissimuler son visage par la nécessité de protéger chacun des abus d'autrui et donc seulement « défendre les actions nuisibles à la société ». En « méconnaissant les exigences minimales de la vie en société », le port du voile ne nuirait pas à la dignité de l'intéressée, mais à autrui. Partant, le Conseil constitutionnel semble valider la loi en conciliant normes constitutionnelles et Ordre public.
Or, selon l’article L2212-2 du Code Général des Collectivités territoriales, les composantes
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