Quelle séparation ? Quels pouvoirs ?
Dissertation : Quelle séparation ? Quels pouvoirs ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar michel23333333 • 21 Septembre 2021 • Dissertation • 1 801 Mots (8 Pages) • 540 Vues
L’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 affirme que "Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution." En ce sens, la DDHC institue comme principe essentiel au libéralisme politique la séparation des pouvoirs, et lui accorde une valeur constitutionnelle. En revanche, l’article 16 susvisé omet de préciser ce qu’est réellement cette séparation, par quoi elle se traduit et quels sont les pouvoirs concernés. De ce fait, elle apparait donc comme un dogme, qu’il convient d’expliciter pour en comprendre les modalités.[pic 1]
La notion de séparation est pluri sémantique : au sens purement étymologique, elle signifie l’action d’isoler, de faire obstacle ou de rompre avec quelque chose ou quelqu’un. Mais lorsque celle-ci est associée au terme « pouvoirs », elle se définit comme le « principe essentiel du libéralisme politique, qui tend à prévenir les abus du pouvoir en confiant l’exercice de celui-ci non à un organe unique, mais à plusieurs organes, chargés chacun d’une fonction différente et en mesure de se faire mutuellement contrepoids »[1]. Deux caractéristiques essentielles de la séparation des pouvoirs sont retranscrites dans cette définition : d’une part, la mission de préservation de la liberté du pouvoir politique, et d’autre part la nécessité de confier les différents pouvoirs à des organes distincts, capables de s’équilibrer.
Historiquement, les prémisses de la séparation des pouvoirs remontent au 4ème siècle avant notre ère, avec les travaux d’Aristote. Ce philosophe grec novateur institua le concept de séparation fonctionnelle des pouvoirs, dont l’application aux régimes politiques devait permettre d’ordonner les affaires de l’Etat, les magistratures et les juridictions. Mais si Aristote esquissa une première ébauche de la séparation des pouvoirs, c’est au XVIIIe siècle que celle-ci émergea réellement. De la séparation fonctionnelle (qui détermine quelles sont les différentes fonctions étatiques), John Locke et Montesquieu établirent une séparation organique, c’est-à-dire qui vise à attribuer chaque fonction à des organes différents. Locke s’intéressa à la théorie de la séparation des pouvoirs dans son Essai sur le gouvernement civil en 1690. Montesquieu, lui, s’inspira du mode de fonctionnement britannique pour caractériser cette séparation. Dans De l’esprit des lois (1749), il démontra son rôle de garantie de la liberté politique, et affirma l’existence de trois pouvoirs distincts : législatif (faire les lois), exécutif (les exécuter et signer des traités internationaux) et judiciaire.
De ces conceptions héritées du siècle des Lumières émerge la question des modalités de la séparation des pouvoirs dans les sociétés contemporaines. En effet, cette théorie sert aujourd’hui de référence pour classer les régimes politiques. Or, à l’évidence, ceux-ci sont divers et font preuve de grandes disparités dans l’application de ce principe constitutionnel. Il apparait donc dès lors que la séparation ne peut être uniforme, mais qu’elle existe sous plusieurs dispositions. La question du champ d’application de celle-ci se pose d’autant plus que certains régimes politiques, dont celui français, refusent de reconnaître l’existence du pouvoir judiciaire (qualifié « d’autorité judiciaire ») ou sont confrontés, dans des régimes fragiles, à ce qui s’apparente à une confusion des pouvoirs au profit d’un seul.
Il convient de se demander quelles formes peut prendre cette séparation, quels sont les pouvoirs concernés et quels sont les intérêts et les limites de sa mise en œuvre.
La séparation des pouvoirs est scindée en deux degré d’application, aux caractéristiques très différentes (I). Elle est à l’évidence nécessaire au bon fonctionnement des régimes politiques contemporains, mais comporte néanmoins un certain nombre de limites, sources de critiques (II).
- Une séparation scindée en deux degré d’application
La théorie de la séparation des pouvoirs ne peut être appliquée uniformément : ainsi, se distinguent d’une part la séparation souple (A), et d’autre part la séparation rigide des pouvoirs (B).
- Séparation souple et régime parlementaire
- Des autorités qui ne sont pas indépendantes : le régime parlementaire, dont les fondements remontent à l’organisation politique de la Grande-Bretagne du XVIIIe siècle, repose sur la collaboration entre les pouvoirs exécutifs et législatifs. La confiance et le dialogue sont donc centraux dans ce régime ; en cas de rupture des processus de restauration existent. Les organes peuvent en effet se remettre en cause mutuellement grâce à l’existence d’une faculté de révoquer (droit de dissolution de l’exécutif sur le législatif ; responsabilité politique du gouvernement à l’égard du Parlement).
- Les particularités des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire dans un régime parlementaire : le pouvoir exécutif est bicéphale, c’est-à-dire qu’il est représenté par un chef du gouvernement et un chef d’Etat. Le chef du gouvernement peut être soit responsable politiquement devant le chef d’Etat et le parlement (régime dualiste, forme historique également dénommée « régime orléaniste » en France), soit responsable politiquement uniquement à l’égard du parlement (régime moniste, en vigueur actuellement au Royaume-Uni). Le pouvoir exécutif bénéficie d’un partage de compétences vis-à-vis du pouvoir législatif : ainsi, il participe aux fonctions législatives grâce à un droit d’initiative des lois et un droit d’amender les lois. Le pouvoir législatif peut être soit bicaméral, soit unicaméral. Le pouvoir judiciaire n’est pas nécessairement indépendant, tout dépend de la culture du pays qui met en place le régime parlementaire.
- Séparation stricte et régime présidentiel
- Des autorités mutuellement indépendantes et spécialisées : cette seconde forme de la séparation des pouvoirs concerne les régimes politiques présidentiels. A l’heure actuelle, un seul pays applique pleinement la séparation stricte : les Etats-Unis d’Amérique (malgré plusieurs tentatives d’introduction en France avec la Constitution du 4 septembre 1791, celle du 22 août 1795 et celle de la 2nde République du 4 novembre 1848, toutes s’étant soldées par des échecs). Dans une telle mise en œuvre, les organes sont réciproquement indépendants. Cela correspond donc à une application stricte de la séparation des pouvoirs puisqu’aucun pouvoir ne trouve sa légitimité dans l’autre. Une des caractéristiques de cette séparation est la spécialisation fonctionnelle exclusive des organes, qui attribue à ces derniers une fonction qu’ils exercent seul.
- Les particularités des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires dans un régime présidentiel : le pouvoir exécutif est monocéphale, seul le chef d’Etat le représente. Il n’existe pas à proprement parler de gouvernement. Par ailleurs, le pouvoir judiciaire est indépendant (représenté par une Cour Suprême dans le cas des Etats-Unis : le pouvoir judiciaire lui est attribuée dans la section 1 de l’article 3 de la Constitution). Enfin, le pouvoir législatif est nécessairement bicaméral (donc égalitaire).
De ces deux conceptions de la séparation des pouvoirs émerge une réelle dichotomie du concept, tant les différences entre la séparation souple et celle rigide sont marquantes. Les pouvoirs associés aux deux catégories, notamment, ont des missions divergentes. Mais jusqu’à présent, seul l’aspect théorique de la séparation des pouvoirs, que de rares pays peuvent s’enorgueillir d’appliquer, a été étudié : tout l’enjeu est donc de saisir l’intérêt de ce phénomène, et la façon dont il se s’adapte à l’ensemble des régimes politiques actuels.
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