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Les conditions et garanties de l'article 16 de la Constitution

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Par   •  18 Mars 2018  •  Dissertation  •  1 528 Mots (7 Pages)  •  2 324 Vues

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                                        Droit Constitutionnel

        "L'article 16, c'est la constitutionnalisation de l'appel du 18 juin 1940", selon René Capitant, ancien résistant, juriste français et proche du Général de Gaulle. En effet, pour beaucoup, cet article 16 de la Constitution de 1958 est l'aboutissement de la réflexion du Général suite à la défaite de 1940. A cette époque, Charles de Gaulle était Sous-secrétaire d'État à la Guerre et à la Défense Nationale. Alors témoin privilégié des événements, il avait assisté à l'impuissance d'Albert Lebrun, le dernier président de la IIIème République, face à l'invasion allemande. De Gaulle a considéré l'exécutif comme étant trop faible pour une telle situation, ce qui mena à la prise des pleins pouvoirs par Pétain et, par conséquent, l'humiliation qui s'en est suivie. De retour aux affaires en 1958, avec l'ambition de rédiger une nouvelle constitution, il saisit l'opportunité de donner au chef de l'État la possibilité de réagir avec vigueur dans l'éventualité d'une crise grave, en s'octroyant des pouvoirs exceptionnels. Toutefois, l'article 16 trouve aussi ses détracteurs. Ainsi, certains avancent justement le souvenir du Maréchal Pétain pour s'opposer à ce que soient confiés tant de pouvoirs à un chef unique. Cette mesure est par conséquent jugée liberticide. D'ailleurs, elle ne fut utilisée qu'une fois dans l'histoire de la Vème République, par le Général de Gaulle lui-même. Il fit appliquer l'article 16 le 23 avril 1961, afin de réagir au putsch des généraux d'Alger. Mais si la crise fut résolue quelques jours à peine après la mise en œuvre des pouvoirs exceptionnels, de Gaulle poursuivit leur application jusqu'au 29 septembre 1961. Ce temps fut utilisé pour ramener l'ordre en Algérie avec par exemple la mise en place de tribunaux spécialisés, mais le président fit également passer certaines mesures sans rapport avec les événements d'Alger. Par conséquent, il fut considéré que l'article 16 avait été utilisé de manière abusive. Des protestations se sont élevées pendant les cinquante années d'existence de la Vème République, pour demander la modification de cet article voire sa suppression totale. Finalement, ce n'est qu'avec la révision constitutionnelle de 2008 que, sur le conseil du Comité Balladur, un contrôle démocratique plus poussé a été ajouté au fonctionnement de l'article 16, lui donnant sa forme actuelle. Cela peut amener à se poser la question : "Pourquoi et comment se mettent en place les pouvoirs exceptionnels de l'article 16 ?". Pour y répondre, il convient d'abord d'étudier les raisons qui peuvent pousser à l'utilisation des pouvoirs exceptionnels (I), puis la forme sous laquelle ces derniers s'organisent (II).

  1. Le but servi par les pouvoirs exceptionnels de l'article 16

        Puisque cet article controversé a été inscrit dans la Constitution pour parer à une crise grave comme celle de 1940, il faut définir les formes de fond qui nécessiteraient son déclenchement (A), puis expliquer quelles sont les compétences attribuées au Président de la République pour lui permettre de réagir (B).

A) Des circonstances extérieures justifiant un régime d'exception

        Tout d'abord, l'article 16 de la Constitution ne peut être mis en œuvre que si deux conditions essentielles et incontestables sont réunies. Il faut en premier lieu que "l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux" soient menacées. Par exemple, même si la possibilité d'une attaque d'envergure sur le territoire national semble peu probable aujourd'hui, on peut  supposer que l'invasion allemande dont se souvient de Gaulle aurait déclenché l'article 16. En ce sens, on peut le rapprocher de l'état de siège, prévu à l'article 36 de la Constitution. Mais les pouvoirs exceptionnels nécessitent également, pour être déclenchés, que "le fonctionnement régulier des pouvoirs publics" soit interrompu. Ces termes, bien que flous, distinguent donc l'article 16 des mesures prises pour une simple agression militaire. Il n'est pas précisé si ces conditions doivent être réunies sur l'ensemble du territoire ou simplement une partie, mais étant donné que de Gaulle les a utilisé quand seule l'Algérie était menacée, il faut visiblement faire une lecture extensive de l'article.

        Toutefois, cette notion de perturbation des pouvoirs publics va justement venir justifier les compétences accordées au Président, définissant également leur champ d'application.

B) Des prérogatives extraordinnaires pour des situations particulières

        Comme les conditions requises pour leur déclenchement, les pouvoirs exceptionnels ne sont pas définis de manière exhaustive et claire dans la Constitution de 1958. Il est simplement mentionné que "le Président prend les mesures exigées par (les) circonstances", et que ces dites mesures doivent être "inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics (...) les moyens d'accomplir leur mission". On pourrait ainsi prendre les pouvoirs exceptionnels pour un simple renforcement des compétences réglementaire du Président de la République. Cependant, la pratique qu'en a faite de Gaulle en 1961 prouve que c'est en réalité bien plus que cela. L'article 16 permet au chef de l'État d'interférer dans de nombreux domaines où il a normalement moins d'influence, comme par exemple le pouvoir législatif, si bien que certains parlent de "pleins pouvoirs". Le texte mentionne d'ailleurs des "pouvoirs publics constituants", ce qui englobe un vaste champ d'institutions. Mais même si rien n'est précisé dans l'article 16, il est un domaine qui reste intouchable par le Président. En effet, l'article 89 indique qu'il ne peut y avoir de révision constitutionnelle lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire, or logiquement cela signifie que le Président ne peut disposer des pouvoirs exceptionnels et dans un même temps modifier la Constitution. De plus, le texte dispose qu'il est impossible de dissoudre l'Assemblée pendant la durée de la crise.

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