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Le juge administratif et les principes généraux du droit

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Par   •  8 Décembre 2016  •  Dissertation  •  2 624 Mots (11 Pages)  •  1 894 Vues

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Le principe de la légalité domine l’ensemble de la théorie des actes administratifs en ce qu’il implique que l’administration soit soumise au droit. La loi, expression de la volonté générale (DDHC art 6), s’impose ainsi à l’administration comme elle s’impose aux individus puisque ‘’Nul n’est censé ignorer la loi’’. La soumission de l’administration au droit doit s’envisager comme une garantie accordée aux citoyens contre l’arbitraire ou même l’inefficacité de l’action administrative. On entend par loi le ‘’bloc légal’’, c’est-à-dire la loi dans son sens formel votée par le Parlement mais aussi l’ensemble hiérarchisé de règles complexes extérieures à l’administration ou édictées par elle, constituant la célèbre ‘pyramide’ de Kelsen qu’il décrit dans sa « Théorie pure du droit » en 1934, incarnant le positivisme juridique. Au sommet de cette pyramide culmine la Constitution, dominant les accords internationaux, lois, règlements de portée nationale ou locale, actes individuels et contrats. Hiérarchisées, ces normes sont organisées selon un principe de soumission des normes de rang inférieur au normes de rang supérieur. Mais ce ‘bloc’ de la légalité demeure un ensemble vivant qui ne cesse d’évoluer contraint de s’adapter aux réalités sociales sans cesse évolutives. Dès lors de quelle manière le juge administratif fait-il respecter ce principe de légalité?

Puisque la pyramide se pose comme gardienne de la sécurité juridique et des garanties individuelles, certaines règles s’imposent de l’extérieur à l’administration. Il s’agit ainsi du sommet à la base de la pyramide, de la Constitution accompagnée de son Préambule, des traités et accords internationaux, mais aussi du droit communautaire et européen et enfin de la loi. Toutefois d’autres règles sont susceptibles d’émaner directement de l’administration qui va accepter d’être ‘liée’ par elles. Ainsi le juge ne va parfois pas se contenter de trancher le litige, mais va même ‘révéler’ certains principes généraux et fondamentaux qui seront le vivier de la jurisprudence administrative. Si le juge administratif peut ainsi être à l’origine d’une jurisprudence à portée normative (I), il est surtout révélateur de droit (II).

I - La jurisprudence du juge administratif et sa fonction normative

  1. Le juge administratif à l’origine d’un enrichissement certain du droit
  2. Le juge administratif révélateur de droit

II- La création remarquable de la jurisprudence du juge administratif

  1. L’apparition et l’essai de classification des divers principes généraux du droit
  2. La valeur juridique des PGD

I- Le juge administratif à l’origine d’une jurisprudence à portée normative

Le juge administratif remplit son office en réalisant deux missions principales: la jurisdictio et l’imperium. La première représente le pouvoir de dire le droit, la seconde celui de donner des ordres aux parties. La jurisprudence est le fruit de la jurisdictio. A travers cette jurisdictio, le juge administratif est dès lors à l’origine d’un enrichissement certain du droit (A) qui l’emmènera en fait, à produire une création remarquable (B).

  1. Le juge administratif originaire/ à l’origine d’un enrichissement certain du droit

D’un point de vue général, les décisions de justice, qu’elles émanent des juridictions administratives ou judiciaires, s’imposent à l’administration. Leur autorité connait toutefois des limites. Elle peut ainsi être soit absolue soit relative. Elle est relative dans les recours de plein contentieux comme en responsabilité ou dans les contrats, et ne s’impose qu’à l’égard des parties à l’instance. Elle est en revanche absolue dans le recours pour excès de pouvoir puisque l’annulation rétroactive de l’acte doit s’imposer à tous. Les précédents, c’est-à-dire les précédentes décisions de jurisprudence, ne lient pas le juge, mais l’inspirent nécessairement. Il peut en outre arriver qu’aucune source formelle, même indirectement, ne puisse être invoquée. Le juge peut alors être à l’origine de création juridique. En l’occurrence, le juge administratif, comme le juge judiciaire, ne peut refuser de statuer au motif du silence ou de l’obscurité de la loi, sans quoi il se rend coupable d’un déni de justice au sens de l’article 4 du Code civil. Lorsque la juridiction administrative a conquis son autonomie de juge, il a fallu combler le vide juridique et c’est le juge qui par sa mission d’interprétation a enrichit le droit, sans s’écarter pour autant des textes. En effet,  dans la mesure où il doit veiller à la protection des citoyens, le juge ne peut admettre le non-droit. Le juge administratif va ainsi devenir ‘jurislateur’ en venant pallier la carence comme l’obscurité des textes. Ses décisions étant normatives, il sera dès lors à l’origine d’un enrichissement certain du droit. Toutefois, prudence.

Etymologiquement, la jurisprudentia - jurisprudence - correspond à la prudence du droit. Science du « bon droit », elle a ainsi historiquement conduit le juge a précéder la règle puisque le droit était souvent identifié au procès. Si la légitimité du pouvoir judiciaire qui statue ‘’au nom du peuple français’’ est définitivement assise, ne faut-il pas en reconnaitre une de même grandeur au juge administratif et ne pas restreindre cette science comme le sous-entend la Constitution à une simple ‘autorité’? Simple ‘bouche de la loi’ selon Montesquieu, on peut se demander si le juge ne serait pas finalement le ‘législateur des cas particuliers’ (Ripert) en capacité de ‘malmener quelque peu les intentions du législateur’ (Motulsky) pour mener à bien sa mission. Quelques puissent être les interrogations et polémiques sur la place de cette ‘autorité’, la jurisprudence demeure dans la hiérarchie des sources du droit à un niveau infralégislatif mais supradécrétal. En réalité, la polémique qui a pu avoir lieu sur la valeur juridique de la jurisprudence s’est surtout manifestée au sujet de sa création la plus remarquable: les principes généraux du droit.

B) La création remarquable de la jurisprudence du juge administratif

Les principes généraux du droit sont des principes dégagés et consacrés par le juge. Ils ne sont donc ni écrit ni expressément formulés dans des textes. Pour autant, ceci ne les empêche pas de s’imposer à l’administration dans ses diverses activités. Présentant certaines ressemblances avec le Natural Justice de la common law, les principes généraux du droit (PGD) sont apparus au sortir de la Seconde Guerre mondiale en contrepoids d’un contexte troublé d’émiettement des valeurs, des acteurs, où les droits et libertés étaient particulièrement mis à mal. A l’origine, le CE s’efforçait toujours lorsqu’il était contraint d’utiliser des principes non écrits de les rattacher à un texte. L’arrêt Dehaene du 7 juillet 1950 pour reconnaître le droit de grève vient ainsi faire référence au Préambule de 1946, la Constitution de 1946 assurant aux Français dans son article 81 « la jouissance des droits et libertés garantis par le Préambule ». Par son arrêt Dame Veuve Trompier-Gravier du 5 mai 1944 à propos du non renouvellement de l’autorisation d’exploiter un kiosque à journaux, le CE n’aura plus recours à ce lien mais viendra consacrer le principe général du respect des droits de la défense. Puis peu de temps plus tard, dans une affaire de mesures de révocation prononcées dans le cadre de l’Epuration en 1944 par le Comité français de Libération nationale, le CE viendra se référer expressément aux « principes généraux du droit applicables même en l’absence de texte » parmi lesquels il range le principe des droits de la défense en l’occurrence méconnu (CE, Aramu, 26 octobre 1945).

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