Le juge administratif et la loi
Dissertation : Le juge administratif et la loi. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar dissertconcours • 18 Janvier 2018 • Dissertation • 3 304 Mots (14 Pages) • 3 842 Vues
Le juge administratif et la loi
Fin octobre dernier, le Conseil d’État a rejeté le recours effectué par un groupe d’associations réunies sous le patronyme « Vive APL », destiné à attaquer la légalité de la mesure de l’actuel gouvernement relative à la baisse de cinq euros des APL. Par cette décision, le Conseil d’État a écarté les moyens de ce recours visant à soulever le non-respect du principe d’égalité devant la loi de tous, ainsi que le principe de dignité humaine. Si cette décision n’est pas stupéfiante, elle met en exergue l’activité régulière de contrôle de la légalité des actes administratifs par le juge administratif. Plus généralement, elle met en avant un rapport constant entre les juridictions administratives et la loi, qui à la fois peut rassurer l’administré sur le respect de celle-ci par le juge administratif, mais également renseigner le citoyen sur le bon fonctionnement des institutions démocratiques.
Ce rapport du juge administratif, acteur indépendant et essentiel au contrôle de l’administration et à la gestion des rapports entre celle-ci et les personnes privées, à la loi, est mal-connu et souffre d’une vision empoussiérée d’un juge cantonné à ne traiter que des litiges relatifs aux actes administratifs. Toutefois, dans les faits, le juge administratif dispose de bon nombre d’attributions et effectue son travail sans cesse en rapport avec la loi. La loi, elle, se démarque du simple contrat, au même titre que de la jurisprudence ou de la coutume par exemple. Elle est historiquement et philosophiquement perçue en France comme « l’expression de la volonté générale » et différentes catégories de lois doivent être parfaitement observées. Les lois organiques sont à distinguer des lois ordinaires, ainsi que de la loi fondamentale, autrement mieux connue sous le nom de Constitution. Dans ce flot de ces catégories, il est parfois difficile de se repérer aisément et d’identifier clairement le rôle du juge au regard de la loi.
Ce rapport se veut complexe, mais on ne peut plus important. Toutefois, comment qualifier le rapport du juge administratif à la loi ? Pour tenter de répondre à cette question, deux grands axes de réflexions seront mobilisés. Dans un premier temps, il s’agit de considérer la place que joue directement le juge administratif au regard de la loi-même, notamment au travers de l’étude du contrôle de constitutionnalité et du contrôle de conventionalité (I). Dans un second temps, son rôle indirect au travers du contrôle de légalité de la matière administrative sera abordé, afin de comprendre ce rapport, qui parfois éloigné, reste évident (II).
I/ La place du juge administratif dans le contrôle direct de la loi
Le juge administratif entretien un lien complexe avec la loi. S’il ne peut en contrôler sa constitutionnalité en règle générale, la jurisprudence lui a offert toutefois, dans certaines hypothèses bien particulières, cette possibilité (A). En revanche, une autre compétence lui quant à elle indiscutable, celle du contrôle de conventionalité de la loi (B).
A/ Le juge administratif, parfois garant indirect de la constitutionnalité des lois
Le bloc de constitutionnalité est au sommet de la hiérarchie des normes en droit français. Le droit administratif n’échappe bien évidemment pas à cette règle et tout acte administratif se doit donc de respecter l’ensemble des principes fondamentaux que contient le bloc de constitutionnalité. Si le juge administratif ne peut bien évidemment pas contrôler la constitutionnalité d’une loi, étant donné que cette compétence appartient au Conseil constitutionnel (article 61 de la Constitution), il se refuse également, théoriquement, à contrôler un acte administratif conforme à une loi. La primauté de la loi est ici défendue. En effet, la théorie de la loi-écran (Conseil d’État, 1936) instaure une sorte de présomption de constitutionnalité d’un acte administratif pris en vertu d’une loi et réaffirme, par ailleurs, la compétence unique du Conseil constitutionnel. Le juge administratif joue toutefois un rôle qui pourrait s’apparenter à un « relais » de ce dernier, puisqu’il contrôle la constitutionnalité des actes administratifs. En effet, le juge administratif veille à ce que tout type d’acte administratif, règlementaire ou individuel, pris par une autorité administrative compétente, respecte les normes constitutionnelles. L’un des meilleurs exemples récents est sans nul doute l’ordonnance du Conseil d’État en août 2016, qui rend illégal les arrêtés municipaux « anti-burkini ». Le juge administratif a le pouvoir d’annuler un acte administratif inconstitutionnel (recours par voie d’action) ou pris en vertu d’un acte administratif jugé lui-même contraire à la Constitution (recours par voie d’exception).
Cependant, la Constitution et la jurisprudence ont offert quelques possibilités au juge administratif de jouer un rôle de contrôle indirect de la constitutionnalité des lois. En quelque sorte, le principe général dépeint en premier lieu visant à priver le juge administratif du contrôle d’un acte administratif en vertu d’une loi, se voit perturber, bien que de manière minime. Dans un premier temps, 2010 marque l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), suite à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Cette procédure permet, dans des conditions de forme et de fond bien précises, le contrôle par le Conseil constitutionnel d’une loi en cas de litige sur sa constitutionnalité. Ces conditions sont contrôlées notamment par le Conseil d’État qui choisit ou non de transmettre les QPC au Conseil constitutionnel. Depuis 2010, le Conseil d’État a d’ailleurs développé une importante jurisprudence autour des conditions de recevabilité et de transmission d’une QPC. Ainsi, le juge administratif est un « filtre du contrôle de constitutionnalité des lois », ce qui depuis 2010, a ouvert bon nombre de débats sur cette compétence qui le rapproche lointainement du rôle de juge constitutionnel. Dans un second temps, il faut s’intéresser à plusieurs hypothèses couvertes par la jurisprudence. Dans le cas d’une loi en vigueur rendue inconstitutionnelle de par une réforme constitutionnelle ou une nouvelle constitution. Considérée caduque, le juge peut écarter un acte administratif pris en vertu de celle-ci, alors même qu’elle reste toujours en vigueur (théorie de l’abrogation implicite de la loi, voir Arrêt Syndicat national des huissiers de justice, 2005). Dans un tel type de situation, le juge administratif effectue bien un contrôle de constitutionnalité d’une loi, ainsi qu’un contrôle de constitutionnalité d’un acte administratif pris en vertu d’une loi. Un même raisonnement est suivi quand un acte administratif est conforme à une loi d’habilitation – soit qui permet à une administration de prendre un acte –
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