La cession du fonds de commerce en liquidation judiciaire
Dissertation : La cession du fonds de commerce en liquidation judiciaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Pierre-Antoine Verneuil • 12 Mars 2018 • Dissertation • 2 908 Mots (12 Pages) • 1 358 Vues
SEANCE 8 : La liquidation judiciaire.
DISSERTATION : La cession du fonds de commerce en liquidation judiciaire
« En cas de cession d'un fonds de commerce, le cessionnaire peut saisir le juge-commissaire pour faire prononcer la radiation des inscriptions ». A la lecture de certains textes du livre VI du Code de commerce, tel que l’article R. 642-38 précité, qui envisagent expressément la cession du fonds de commerce, l’idée que le fonds de commerce est au centre de la notion « cession isolé d’actif » se confirme. Toutefois, une interrogation demeure quant au traitement qui doit être réservé au fonds de commerce : cession isolé d’actif ou cession d’entreprise. Sur cette question, le critère social, c’est-à-dire le maintien de tout ou partie de l’emploi, a été retenu par certains auteurs[1] pour retenir la qualification de cession d’entreprise, concernant le fonds de commerce.
Nonobstant cette analyse, le doute subsiste encore, et le réformes de la matière n’ont en rien éclairer ce point. Il en résulte qu’un critère unique ne s’impose pas.
A titre introductif, il convient d’envisager plusieurs points relatifs à la cession de fonds de commerce.
En premier lieu, la réflexion sur la question concerne principalement le stade de la liquidation judiciaire, bien qu’elle puisse se présenter aux autres phases des procédures collectives. En effet, une cession de fonds de commerce peut être envisagé dès la période d’observation. La question porte alors sur la procédure à suivre : la cession partielle de l’entreprise ou la cessation d’actif soumise à autorisation du juge-commissaire. Pour y répondre il faut déterminer la notion d’entreprise dans le cadre du Livre VI du Code de commerce. La cession partielle est soumise aux dispositions des articles L.642-1 et suivants du Code commerce et n’es envisageable qu’au moment de l’adoption du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire. En conséquence, une cession pendant la période d’ouverture d’une procédure collective relèverait des actes de dispositions étrangers à la gestion courante de l’article L.622-7 du Code de commerce.
En second lieu, il faut s’interroger sur l’impact de la cessation d’activité sur l’existence du fonds de commerce et donc son éventuelle cession le cas échéant. Sur ce point, la jurisprudence de la Cour de cassation est clair et à vocation à faciliter la cession : l’arrêt de l’exploitation d’un fonds de commerce n’entraîne pas nécessairement sa disparition, plusieurs de fermeture n’étant pas suffisants à remettre en cause l’existence juridique du fonds de commerce.
En dernier lieu, il semble nécessaire de se pencher sur deux réformes récentes ayant soulevé des réflexions en la matière.
La première est la loi économique sociale et solidaire du 31 juillet 2014 qui n’a eu qu’un impact secondaire en droit des entreprises en difficulté mais qui a tout de même posée une obligation d’information des salariés lorsqu’une cession d’un fonds de commerce ou une cession de la majorité des droits sociaux dans les SARL ou les sociétés par action est envisagé[2]. Le but du législateur a été que cette information suscite une offre d’achat de la part des salariés. En cas d’inexécution de cette obligation, une action en nullité de la cession peut être intenté dans les deux mois suivant sa publicité. Cependant, la nouvelle législation prévoie que cette procédure ne s’applique pas aux entreprises faisant l’objet de procédures collective ou d’une procédure de conciliation. Il peut être fait rapprochement de cette règle avec la technique du pré-pack cession envisageable lors d’une procédure de traitement amiable des difficultés des entreprises. Dans le cadre d’un mandat ad-hoc, aucune exception à l’obligation d’information n’est prévue. En revanche, un pre-pack cession dans le cadre d’une conciliation permet d’éviter le respect de cette obligation. Il en découle un risque, limité, d’instrumentalisation de la conciliation.
La seconde est la loi Pinel du 18 juin 2014 qui prévoit dorénavant qu’un « fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l'existence d'une clientèle propre » [3]. Dès lors, il s’agit de déterminer le statut de commerces exploités dans les lieux publics (gares, musées, aéroport). En effet, leurs qualification récente en tant que fonds de commerce donne à s’interroger sur la cession de ces fonds. Celle-ci requiert que le futur acquéreur demande une autorisation préalable au propriétaire du domaine public en sus de l’autorisation du juge-commissaire.
Nonobstant ces nouveautés, la question essentielle pour tous les organes et intervenants à procédure, reste celle de la cession du fonds de commerce lors de la liquidation judiciaire. Ainsi, après avoir décrit le contexte et le cadre juridique de cette cession (I), il conviendra d’envisager les enjeux pratiques concernant les acteurs de la procédure. (II).
- Le contexte et le cadre juridique de la cession du fonds de commerce en liquidation judiciaire.
Après avoir précisé le contexte dans lequel la cession du fonds de commerce intervient (A), il conviendra d’examiner le cadre juridique de la cession en liquidation judiciaire (B).
- Le contexte d’urgence de la cession
L’article L.640-2 C. com dispose que « Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens ». La mission essentielle du liquidateur est donc la réalisation des actifs du débiteur puis le règlement en tout ou partie des créanciers. Le fonds de commerce est très souvent le bien ayant le plus de valeur parmi les actifs mobiliers dépendant de la procédure de liquidation. Sa cession présente donc un avantage économique non-négligeable permettant une répartition dans l’intérêt des créanciers.
Cependant, malgré les réformes successives du droit des entreprises en difficultés, des interrogations et entraves subsistes quant à la cession de fonds de commerce. La première cause de ces difficultés est celle des intérêts contradictoires des acteurs de la procédure (créanciers, salariés et cocontractants) que met en exergue la cession du fonds de commerce. La seconde cause tient au fait que, souvent, la cession intervient dans un contexte d’urgence lié à l’ouverture d’une liquidation judiciaire et les délais courts qui y sont attachés, notamment le délai de 3 mois pour maintenir le contrat de bail, à défaut de fonds disponibles pour payer les loyers échus. De plus, si certaines juridictions vendent les fonds de commerce sous forme de vente aux enchère, d’autres les cèderons de gré à gré. La pratique des tribunaux n’est donc pas uniforme, ce qui conduit, comme le souligne le professeur Soinne, à une « interprétation à la carte ; chaque juridiction fait ce qu’elle veut. La sécurité n’est plus assurée ».
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