L'opportunité de la suppression de la cause en droit des contrats
Dissertation : L'opportunité de la suppression de la cause en droit des contrats. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar natgoz • 11 Novembre 2015 • Dissertation • 1 788 Mots (8 Pages) • 3 819 Vues
➔ Dissertation : « L’opportunité de la suppression de la clause en droit des contrats »
Comme le disait le professeur André Rouastet, « si on comprend la cause c’est que l’on nous l’a mal expliqué ». C’est peut-être cela qui a motivé le projet de réforme à supprimer cette notion du droit des contrats.
La question de l’importance de la cause en droit des contrats a émergé en même temps que le projet de réforme. C’est par une loi du 16 février 2015 que le Gouvernement est habilité à réformer le droit des contrats, au niveau interne, par voie d’ordonnance. Réformer le Code Civil par voie d’ordonnance permet d’éviter l’enlisement des projets dans le débat parlementaire ; cependant le Parlement est en quelques sortes dépossédé de ses pouvoirs, ce qui peut être perçu comme anti-démocratique.
La cause, d’après l’article 1108 du Code Civil, est un des éléments déterminants de la validité du contrat. Découlent du Code Civil deux conceptions de la cause. L’article 1131 dispose que « L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet », et l’article 1133 affirme que « La cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public ». Elle peut être objective, théorie développée par Jean Domat au XVIIe siècle : c’est alors le but immédiat et direct qui conduit le directeur à s’engager. Mais elle peut aussi être subjective, théorie émanant de Henri Capitant et Jacques Maury au début du XXe siècle : ce sont les mobiles personnels qui ont conduit le contractant à s’engager.
Cette notion fait partie du droit des contrats, qui est une branche du droit des obligations comprenant les règles qui régissent la naissance, l’exécution, et l’extinction des contrats.
Le projet de réforme, centré sur les contrats qui sont au cœur des échanges économiques, entend supprimer la cause du droit des contrats, signifiant que cette notion sera retirée du droit français. En effet, son article 1127 dispose que « sont nécessaires à la validité d’un contrat : le consentement des parties ; leur capacité de contracter ; un contenu licite et certain ». La cause ne fait donc plus partie des éléments déterminants de la validité du contrat. Cependant, il ne s’agit que d’un projet d’ordonnance, la réforme est susceptible de ne pas aboutir. Il est donc nécessaire de s’interroger sur l’utilité de certaines de ses dispositions.
➔ La suppression de la notion de cause du droit des contrats est-elle opportune ?
I. La réforme nécessaire d’une notion complexe :
A. Une notion complexifiée :
La cause est un mécanisme qui existe depuis le droit romain. Les romains posaient en effet la question « cur debetum ? », afin de savoir pourquoi s’était-on engagé dans un contrat. La notion de cause, bien qu’elle soit très ancienne, n’est pas clairement définie par le Code Civil. Les articles 1131 et 1133 imposent simplement son existence et sa licéité afin que le contrat soit valide. De ce fait, la doctrine s’est emparée de cette notion et l’a complexifiée ; la jurisprudence, toujours attentive à la doctrine, a elle-même rendu des arrêts de plus en plus subtils rendant ce concept incompréhensible.
La doctrine a déduit de ces textes deux conceptions différentes de la cause : une cause objective, qui serait toujours la même et qui est selon elle la contrepartie de l’engagement ; et une cause subjective, qui serait le mobile personnel selon les parties conduisant à contracter. Se ralliant à cette doctrine, la Cour de Cassation a opéré un contrôle subjectif et concret de l’existence de la cause, notamment dans l’affaire « Point club vidéo » de 1996, où elle estime qu’il y a une absence de cause car un co-contractant n’avait pas reçu la contrepartie qu’elle attendait de la conclusion de ce contrat. Cependant elle a par la suite changé sa jurisprudence, dans un premier arrêt du 9 juin 2009 où elle affirme que « la cause de l’obligation d’une partie à un contrat synallagmatique réside dans l’obligation contractée par l’autre » ; ainsi que dans son arrêt du 18 mars 2014 où elle soutient que la cause s’apprécie au moment de la formation du contrat. Cette jurisprudence démontre de la complexité de la notion qui, notamment du fait de cette conception dualiste, est difficile a délimiter.
B. La théorie de la cause très discutée :
La théorie classique de la cause a été l’objet de nombreuses critiques. Les « anticausalistes », notamment Planiol, dénoncent la notion de cause de l’obligation comme « fausse et inutile». De plus, les causalistes ont redouté le pouvoir de contrôle du juge sur les mobiles de contractants et l’insécurité qui en résulterait ; mais les tribunaux n’ont pas voulu restreindre leur contrôle : ils recherchent le but poursuivi par les parties, et l’incorporent aux éléments constitutifs du contrat. La validité du contrat dépend ainsi de la moralité des fins poursuivies, ce qui donne naissance à des jurisprudence contradictoires et à une certaine insécurité dans la vie contractuelle. La Cour de Cassation, jusqu’à une quinzaine d’années, intégrait en effet de la morale à son contrôle. Elle s’est par exemple penchée sur le cas de donation de biens par des hommes mariés à une relation extra-conjugale, donation qu’elle estimait nulle pour cause illicite. Cependant elle a modifié sa position, notamment dans un arrêt d’Assemblée Plénière de 2004, considérant que la libéralité faite par l’homme marié est valable, car c’est un acte désintéressé, et qu’il n’a pas à être jugé pour cela.
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